1 1924, Articles divers (1924–1930). M. de Montherlant, le sport et les jésuites (9 février 1924)
1 st peut-être prématuré, tout au plus peut-on dire qu’ à l’heure présente déjà, son œuvre, comme celle de Barrès, nous offre
2 son œuvre, comme celle de Barrès, nous offre plus qu’ un agrément purement littéraire : une leçon d’énergie. Il se pique de
3 ’à ce jour au moins, cette inquiétude libératrice que produit la recherche de la vérité. Dès son premier livre, il s’est mo
4 donné le coup de grâce à cet esthétisme énervant qu’ on appelle symbolisme ; et elle a donné naissance à la doctrine de M.
5 pour M. de Montherlant comme pour Maurras, est ce qu’ il importe de sauvegarder, avant tout autre principe. Jusqu’ici, rien
6 rançaise ; remarquons toutefois cette séparation, que Maurras n’a pas faite aussi franchement, du catholicisme et du christ
7 ianisme, le christianisme étant dans le même camp que la Réforme. M. de Montherlant n’est décidément pas philosophe. Peut-ê
8 e. Peut-être ne lui a-t-il manqué pour le devenir que le temps de méditer : il a quitté le collège jésuite pour la tranchée
9 libres. Et cela me semble d’autant plus paradoxal que M. de Montherlant est justement un des premiers Français qui ait comp
10 ustement un des premiers Français qui ait compris que le but du sport n’est pas la performance, mais le style et la méthode
11 s indispensable : « Ces simplifications valent ce que valent toutes les simplifications, qu’on les appelle ou non idées gén
12 valent ce que valent toutes les simplifications, qu’ on les appelle ou non idées générales, et j’avoue bien volontiers qu’i
13 u non idées générales, et j’avoue bien volontiers qu’ il n’est pas une opinion sur le monde à laquelle je ne préfère le mond
14 resque brutale parfois, un style de sportif, mais qu’ on sent humaniste et poète, un style à la fois bref et chaud, imagé et
15 naît de l’ordre », et aussi parfois, de la pensée que « sur ces corps de l’entre-deux-guerres, … cinq sur dix sont désignés
16 é la piste d’herbe, c’est une allégresse héroïque qu’ infuse à son corps la douce matière. L’air et le sol, dieux rivaux, se
17 ine du désir de l’air. Danse-t-il sur une musique que je n’entends pas ? » — Mais plus que le corps en mouvement, c’est la
18 une musique que je n’entends pas ? » — Mais plus que le corps en mouvement, c’est la domination de la raison sur ce corps
19 On accepte une règle ; on l’assimile, à tel point qu’ elle n’est plus une entrave à la violence animale déchaînée dans le co
20 t insiste plutôt sur le sentiment des hiérarchies que sur celui de la solidarité, comme bien l’on pense). Enfin, enseigneme
21 verna le monde ancien : La moitié est plus grande que le tout ». Le sport comme un apprentissage de la vie : tout servira p
22 dix qui sont à lui. Il dit : « Je ne demande pas qu’ on m’aime. Je demande qu’on me soit dévoué. » Ils disent : « Tu es not
23 it : « Je ne demande pas qu’on m’aime. Je demande qu’ on me soit dévoué. » Ils disent : « Tu es notre capitaine. » Ces chose
24 e. » Ces choses ne sont pas dites en vain. Stades que parcourent de jeunes et purs courages, donnez-moi votre silence jusqu
25 urages, donnez-moi votre silence jusqu’à l’heure. Que je taise votre mot de ralliement, paradis à l’ombre des épées. Rien
26 es épées. Rien de moins artificiellement moderne que ce lyrisme sobre et prenant : « Si l’on s’échauffe, s’échauffer sur d
27 tera ainsi tout niais romantisme. Je sais bien ce qu’ on objectera : le sport ainsi compris, plus que l’apprentissage de la
28 ce qu’on objectera : le sport ainsi compris, plus que l’apprentissage de la vie, est l’apprentissage de la guerre, dira-t-o
29 combat. » C’est donc à un lacédémonisme renouvelé que nous conduirait cette « éthique du sport » tempérée de raison. Ce qu’
30 cette « éthique du sport » tempérée de raison. Ce qu’ on en peut retenir, c’est la méthode, car je crois qu’elle sert mieux
31 n en peut retenir, c’est la méthode, car je crois qu’ elle sert mieux la démocratie que l’Église romaine, quoi qu’en pense M
32 de, car je crois qu’elle sert mieux la démocratie que l’Église romaine, quoi qu’en pense M. de Montherlant. Et voici, ô par
33 en pense M. de Montherlant. Et voici, ô paradoxe, qu’ il rejoint Kant, Kant qui écrit : « C’est sur des maximes, non sur la
34 : « C’est sur des maximes, non sur la discipline, qu’ il faut fonder la conduite des jeunes gens : celle-ci empêche les abus
35 aura plus besoin de roman catholique. » C’est ce qu’ on pourrait appeler une « morale constructive » : porter l’effort sur
36 st bâtie son œuvre. L’intéressant sera de voir ce qu’ il sacrifiera, de la morale sportive ou de la morale jésuite. Mais enf
37 et la retenue de l’âge mûr, cette « limitation » que lui ont enseigné le sport et les anciens. J’admets que ses « idées gé
38 ui ont enseigné le sport et les anciens. J’admets que ses « idées générales » ne vaillent rien2 ; sa morale virile nous est
39 ; sa morale virile nous est néanmoins plus proche que la sensualité vaguement chrétienne de tel autre écrivain catholique.
40 anc jeu. S’il faut lutter contre lui, nous savons qu’ il observera les règles. Saluons-le donc du salut des équipes avant le
2 1924, Articles divers (1924–1930). Conférence de Conrad Meili sur « Les ismes dans la peinture moderne » (30 octobre 1924)
41 rès maîtres de leur technique (contrairement à ce que pense souvent le public), ils préparent l’avènement d’un classicisme
42 un relief remarquable. Les œuvres de cet artiste, qu’ on a pu voir à la Rose d’Or témoignaient de ces mêmes qualités : car l
3 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henry de Montherlant, Chant funèbre pour les morts de Verdun (mars 1925)
43 Montherlant est dur pour ses erreurs plus encore que pour celles de l’adversaire, ce qui est beaucoup dire. Il y avait dan
44 urifié dans le Chant funèbre. Et une phrase telle que « … Nous sommes sûrs de ne pas nous tromper en nous inquiétant de fai
45 t, puis tablent sur eux, et d’autres qui tiennent qu’ une telle attitude est responsable de ces carnages ». Naguère il était
46 légendaires de Verdun, et ce « haut ton de vie » qu’ ils trouvaient au front. D’une phrase, il justifie son livre : « Ranim
47 s contraires s’unissent dans la grandeur. La paix qu’ il appelle, c’est autre chose que l’absence de guerre, c’est une paix
48 randeur. La paix qu’il appelle, c’est autre chose que l’absence de guerre, c’est une paix que travaillerait le levain des v
49 tre chose que l’absence de guerre, c’est une paix que travaillerait le levain des vertus guerrières. « Il faut que la paix,
50 lerait le levain des vertus guerrières. « Il faut que la paix, ce soit vivre. » Par tout un livre libéré de souvenirs héroï
51 la paix, c’est vers de plus sereines exaltations qu’ il va porter son ardeur. Il va chercher le souvenir de l’aventure anti
52 e soumission au réel durement consentie, voilà ce que nous admirons dans le Chant funèbre. Ce mot de grandeur revient souve
53 de plain-pied, en même temps que dans la guerre. Que de sacrifices ne lui devra-t-il pas offrir ainsi les romans « intéres
54 briand, voire à la Barrès, dont il est capable et qu’ il lui faudra livrer au « feu de vérité » qui brûle dans son temple in
55 sse, flamme d’une pureté si rare en notre siècle, qu’ elle paraît parfois, lorsque la tourmente humaine ne la moleste ni ne
4 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Breton, Manifeste du surréalisme (juin 1925)
56 aison de nos esprits, va périr. C’est du moins ce que proclame M. Breton en un manifeste dont la pseudo-nouveauté nous reti
57 ste dont la pseudo-nouveauté nous retiendra moins que la significative pauvreté idéologique et morale qu’il révèle. Le styl
58 e la significative pauvreté idéologique et morale qu’ il révèle. Le style brillant et elliptique qui tend à devenir notre po
59 à masquer la banalité de la pensée. D’autant plus que les rares passages où il expose directement les principes de sa « rév
60 rale. » (p. 42). Le surréalisme ne serait-il donc qu’ une sorte de méthode des textes généralisée ? Point du tout ! Il paraî
61 es textes généralisée ? Point du tout ! Il paraît qu’ il est la seule attitude littéraire aujourd’hui concevable. Mais par q
62 Dans le monde du Rêve autant de cellules isolées que de rêveurs. Toute poésie est incommunicable, le poète étant un simple
63 s hommes se comprendront-ils individuellement ? » Que M. Breton donne des « recettes pour faire un poème » cette mystificat
64 ation à sa défense de la poésie pure. Les beautés que j’y vois ne me seraient-elles perceptibles que par le fait d’une fort
65 és que j’y vois ne me seraient-elles perceptibles que par le fait d’une fortuite coïncidence entre l’univers du poète et le
66 re parfaitement impénétrables. Je crois même voir que M. Breton serait un très curieux poète s’il ne s’efforçait de donner
67 r raison aux 75 pages où il voulut nous persuader que tout poème doit être une dictée non corrigée du Rêve. Je reconnais à
68 ents. Plaisante ironie, si cette attitude n’était qu’ une protestation contre nos poncifs intellectuels. Mais elle risque bi
69 dont ils se réclament imprudemment, — on sait ce que c’est que la « liberté » d’un esprit pur de tout finalisme ! Surréali
70 se réclament imprudemment, — on sait ce que c’est que la « liberté » d’un esprit pur de tout finalisme ! Surréalisme S.A.,
71 ition abandonnés par Dada S.A. Ce n’est pas ainsi que nous sortirons d’une anarchie dont les causes semblent avant tout mor
72 es tendances encore un peu vagues d’un groupe tel que Philosophies laissent pressentir des révolutions plus réelles. On sou
73 ssentir des révolutions plus réelles. On souhaite qu’ après faillite faite, les surréalistes trouvent à montrer leur talent
74 ympathie. L’agaçant, avec les surréalistes, c’est que — pour reprendre un mot de Cocteau — ils « embaument de vieilles anar
5 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Colin, Van Gogh (août 1925)
75 ts de la vie de Vincent, mais d’une telle manière que des conclusions critiques s’en dégagent avec évidence. Van Gogh fut u
76 nce. Van Gogh fut une proie du génie. L’homme tel que nous le peint Paul Colin, est peu intéressant. On en a connu bien d’a
77 fondent des groupes dissidents. Le miracle, c’est que le plus sauvage génie ait choisi un être de cette espèce pour le tour
78 i-même : « Il y a quelque chose au-dedans de moi. Qu’ est-ce que c’est donc ? » Ses premiers dessins sont de gauches copies
79  Il y a quelque chose au-dedans de moi. Qu’est-ce que c’est donc ? » Ses premiers dessins sont de gauches copies de Millet.
80 e terrassant un corps minable, il ne restera plus que les flammes, les soleils et aussi les grimaces de douleur de ses tabl
81 phie fournissent un meilleur motif à l’admiration que tout le lyrisme dont on a voulu charger la « vie héroïque » de Vincen
6 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Lucien Fabre, Le Tarramagnou (septembre 1925)
82 apide, elle est complète aussi. On s’étonne de ce que Fabre, disciple de Valéry, puisse rédiger des romans si bouillonnants
83 ouvenir des luttes religieuses encore vivace fait que les paysans gardent une méfiance frondeuse vis-à-vis du gouvernement,
84 ue. En fermant le livre on a presque l’impression qu’ il a réussi ce grand roman… Qu’y manque-t-il ? Un style ? L’absence de
85 esque l’impression qu’il a réussi ce grand roman… Qu’ y manque-t-il ? Un style ? L’absence de style, n’est-ce pas le meilleu
86 dans la première partie, qui est confuse. Non pas que le roman soit mal construit, au contraire. Mais le tissu des faits se
87 -d’œuvre ou pas chef-d’œuvre d’ailleurs, il reste que le Tarramagnou est un livre émouvant, d’une saine puissance. Il reste
88 n livre émouvant, d’une saine puissance. Il reste que Lucien Fabre a tenté, et en somme, réussi, une entreprise bien téméra
89 de nos jours : un roman à thèse aussi intelligent que vivant. d. « Lucien Fabre : Le Tarramagnou (NRF, Paris) », Biblioth
7 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Les Appels de l’Orient (septembre 1925)
90 nts. La littérature de ces dernières années n’est qu’ une forme de reportage international. L’Europe menant cette immense en
91 cher dans une confrontation avec l’Orient, plutôt qu’ une réelle connaissance de l’Orient, une conscience d’elle-même. C’est
92 être pour provoquer cette confrontation seulement qu’ on a imaginé un péril oriental, car il semble bien que dans le domaine
93 e dans le domaine de la culture le péril n’existe que pour autant qu’on en parle, la vraie « question asiatique » étant une
94 e » étant une question politique. On peut prévoir que si le bouddhisme jouit un jour d’un renouveau, c’est à quelques savan
95 ’un renouveau, c’est à quelques savants européens qu’ il le devra, tandis que d’un mouvement inverse, le christianisme débar
96 les Guénon, qui les font entendre, autant et plus que les Tagore et les Gandhi, demi-européanisés. Ceci convenu, il faut re
97 i-européanisés. Ceci convenu, il faut reconnaître que l’enquête des Cahiers du Mois donne un fort intéressant tableau des m
98 suite, renseignent mieux sur l’esprit occidental que sur l’oriental, en sorte que cette enquête rejoint parfois celle qu’o
99 en sorte que cette enquête rejoint parfois celle qu’ ouvrit la Revue de Genève sur « l’Avenir de l’Europe. » (Cf. les deu
100 tation vague et poétique. « Orient…, toi qui n’as qu’ une valeur de symbole », a dit A. Breton. C’est de cet Orient qu’il s’
101 e symbole », a dit A. Breton. C’est de cet Orient qu’ il s’agit, et Jean Schlumberger le définit encore : « … tout ce qui es
102 es et Chine sous une dénomination qui n’a de sens que par rapport à l’Europe. Il serait vain de tenter un classement parmi
103 s conclusions tirées de points de vue semblables, qu’ un esprit analytique et organisateur d’occidental se perdra ici dans u
104 inisme, et la déplorent. Plusieurs jeunes songent que dans une Europe vieillie, les parfums puissants de l’Asie sauront enc
105 qui pensent inévitable le choc de deux mondes, et que seule une intime connaissance mutuelle l’adoucira. Il y a ceux qui à
106 a. Il y a ceux qui à la suite de Claudel estiment que la question ne se pose pas, puisque nous sommes chrétiens. (Mais le c
107 nisme, religion missionnaire, ne peut nous donner qu’ une supériorité provisoire et qui porte en son principe le germe de sa
108 s et des documents. Pour beaucoup, l’Orient n’est qu’ un prétexte à variations sur le thème favori. M. Massis, par exemple,
109 M. Embiricos, a trouvé la formule qui définit ce que les autres entendent vaguement par Orient : l’Asie est le subconscien
8 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Prévost, Tentative de solitude (septembre 1925)
110 des fous. Oui, le contrôle de nous-mêmes ne joue que soutenu par le contrôle que les autres nous imposent », dit un héros
111 de nous-mêmes ne joue que soutenu par le contrôle que les autres nous imposent », dit un héros de Mauriac. C’est un « homme
112 dit un héros de Mauriac. C’est un « homme seul » qu’ a peint « par le dedans » M. Jean Prévost, en un saisissant raccourci
113 ut ce qui est déterminé par l’extérieur, — ce fou que nous portons tous en nous, — il l’a isolé, incarné, nommé : Revert. P
114 elle n’en est pas moins probante. Une œuvre d’art que ce petit livre ? C’est avant tout une démonstration ; mais, puissante
115 s sentences : « C’est de la faiblesse de nos yeux que frissonnent les étoiles. » f. « Jean Prévost : Tentative de solitud
9 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Almanach 1925 (septembre 1925)
116 ù l’on avait concentré la dynamite internationale qu’ Ibsen voulait placer sous les arches de la vieille société », pour rep
117 t l’Almanach Fischer donnent une juste idée de ce que fut la littérature d’avant-garde entre 1900 et 1910. Depuis, la maiso
118 paraît s’être un peu embourgeoisée… Disons plutôt que voici venu le temps de la moisson, — le temps des éditions d’œuvres c
10 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Otto Flake, Der Gute Weg (septembre 1925)
119 si l’on a pu reprocher à ses tableaux de l’Europe qu’ il vient de parcourir quelque superficialité, du moins faut-il le loue
120 r roman sans exposer et discuter toutes les idées qu’ elles illustrent. Les personnages discutent certes, mais leurs actions
121 chemin » de la santé et de la raison. C’est à lui que va la sympathie de l’auteur et la nôtre. h. « Otto Flake : Der Gute
11 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Miguel de Unamuno, Trois nouvelles exemplaires et un prologue (septembre 1925)
122 te œuvre « d’importance européenne », croyez-vous qu’ il aille s’abandonner à l’émotion communicative de qui découvre un som
123 , telles sont les vertus de sa critique. Ce n’est que dans sa discrétion à louer une grande œuvre qu’on trouvera la mesure
124 t que dans sa discrétion à louer une grande œuvre qu’ on trouvera la mesure de son admiration et le gage de sa légitimité. N
125 admiration et le gage de sa légitimité. Nul doute que les Trois nouvelles exemplaires ne suscitent un intérêt très profond 
126 lui d’une pièce de Pirandello. N’annonce-t-il pas que les personnages des trois nouvelles « sont réels, très réels, de la r
127 rès réels, de la réalité la plus intime, de celle qu’ ils se donnent eux-mêmes dans leur pure volonté d’être ou de ne pas êt
128 ro Gomez cynique et puissant de confiance en soi, qu’ une volonté presque inhumaine torture et conduit au crime. Et s’ils s’
129 es, laisse la même impression de grandeur désolée qu’ un Greco. Mais il n’y a pas les couleurs, ni l’amère volupté des forme
12 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ernest Seillière, Alexandre Vinet, historien de la pensée française (octobre 1925)
130 du Vinet de M. Seillière, de ce nouveau chapitre qu’ il vient d’ajouter à sa grande étude sur les rapports du christianisme
131 sticisme naturiste ». Il ne pouvait trouver mieux que Vinet. Et j’imagine son étonnement à découvrir dans l’œuvre du penseu
132 e corps de doctrines critiques. Dirai-je pourtant que je crains qu’il n’ait été incité parfois, et presque inconsciemment,
133 trines critiques. Dirai-je pourtant que je crains qu’ il n’ait été incité parfois, et presque inconsciemment, à gauchir légè
134 . C’est peut-être pourquoi il insiste sur le fait que Vinet se déclarait « un chrétien sans épithète ». Croit-il éluder ain
135 ainsi le protestantisme de Vinet ? Ne voit-il pas que rien n’est plus protestant qu’une telle attitude ? Mais ces réserves
136 t ? Ne voit-il pas que rien n’est plus protestant qu’ une telle attitude ? Mais ces réserves sont de peu d’importance si l’o
137 sont de peu d’importance si l’on songe au service que M. Seillière nous rend en réintroduisant dans l’actualité la plus brû
138 it M. Seillière — me paraît infiniment plus forte que celle d’un Maurras ou que celle d’un Maritain. Son unité est plus rée
139 t infiniment plus forte que celle d’un Maurras ou que celle d’un Maritain. Son unité est plus réellement profonde, son poin
140 re pas de pensée plus vivante, ni de plus tonique que celle de ce « Pascal protestant ». k. « Ernest Seillière : Alexandr
13 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Gravitations (décembre 1925)
141 les morts… « … Cette chose haute à la voix grave qu’ on appelle un père dans les maisons. » Comme Valéry, ce poète sait « d
142 tuer une anecdote purement poétique dans un monde qu’ il s’est créé. Jamais banal, il est parfois facile : la description du
143 , il est parfois facile : la description du monde qu’ il invente nous lasse quand elle ne l’étonne plus assez lui-même (pour
144 l influence ou seulement co-génération ? Pour peu qu’ ils sortent des cafés littéraires, nos poètes respirent le même air du
145 mpté Pégase et caracole dans les étoiles. J’avoue que l’univers intérieur où il lui arrive de graviter me trouble mieux que
146 eur où il lui arrive de graviter me trouble mieux que son lyrisme cosmique. On est plus près de l’infini au fond de soi qu’
147 ique. On est plus près de l’infini au fond de soi qu’ au fond du ciel. l. « Jules Supervielle : Gravitations (NRF, Paris) 
14 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Simone Téry, L’Île des bardes (décembre 1925)
148 ssé, révolution tout de même, ne pouvait produire qu’ une littérature très neuve de forme et traditionaliste d’inspiration,
149 arler d’un grand siècle littéraire irlandais ; ce que d’ailleurs Mlle Simone Téry ne fait pas. Car elle veut éviter l’embal
15 1925, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Hugh Walpole, La Cité secrète (décembre 1925)
150 n, un Kessel ont donné de beaux exemples du parti que peut tirer le nouveau romantisme de ce chaos. Salmon a même tenté d’e
151 e sinistre, et s’arrête au moment où l’on est sûr que ça brûle bien. Quel sujet plus riche pouvait-on rêver pour un psychol
152 r pour un psychologue de la puissance de Walpole, que l’âme russe — cette âme russe qui pour le Parisien restera toujours «
153 me, dans le détail de la vie d’une ville. Il sait qu’ un grand mouvement est la résultante de millions de petits. Voici naît
154 nt pour en préciser les conséquences. C’est ainsi qu’ interviennent les trois Anglais mêlés au drame. M. Walpole leur a dévo
155 un foyer, tantôt dans une église, pour constater que la foule ne réagit pas autrement que les individus. L’auteur, qui est
156 ur constater que la foule ne réagit pas autrement que les individus. L’auteur, qui est l’un de ces Anglais, tombe malade av
157 fois que le récit doit sauter quelques semaines. Qu’ on veuille bien ne voir autre chose dans ces « procédés », d’ailleurs
158 ces « procédés », d’ailleurs assez peu choquants, que le revers de grandes qualités de réalisation d’idées en faits ou en s
159 Markovitch, derrière sa vitre, tremblait si fort qu’ il avait peur de trébucher et de faire du bruit. Il songea : — C’est l
160 re du monde dans l’appartement. Il avait si froid que ses dents claquaient. Il quitta sa fenêtre, se traîna jusqu’à l’angle
161 onnages le suggèrent de toute la force du trouble qu’ ils créent en nous : Markovitch par exemple, ou Sémyonov, un cynique s
16 1926, Articles divers (1924–1930). Conférence de René Guisan « Sur le Saint » (2 février 1926)
162 un très nombreux public, la série des conférences que nous promet le groupe neuchâtelois des « Amis de la pensée protestant
163 des siècles. Primitivement, le Saint est un homme que Dieu a mis à part par grâce pour qu’il serve. Mais très vite on étend
164 à faire des saints, tandis que ce terme n’a plus qu’ un sens relatif pour nous protestants. Est-ce là nous juger ? Les cath
165 hent d’avoir méconnu l’élément de grandeur morale que les saints maintiennent dans l’Église. M. Guisan va très loin dans se
166 s c’est pour affirmer avec d’autant plus de force que « en situant tout le devoir chrétien dans l’accomplissement scrupuleu
167 fidèle de la vocation, le protestantisme affirme qu’ il existe divers ordres de sainteté ». Cette mère qui s’est sacrifiée
168 œuvres de Dieu. La sainteté parfaite ne commence qu’ aux limites les plus hautes de la vertu. Dans ce sens, il ne peut exis
169 est l’enseignement de Jésus, telle est la pensée qu’ a voulu restaurer le protestantisme. La place nous manque pour louer c
170 erse avec autant de compréhension et de sympathie que le sien propre. Cela donne à ses conclusions cette sécurité dont trop
171 un brillant appareil dialectique ne sait produire que l’illusion. C’est la revanche du fameux scrupule protestant, qui ne p
172 e peut être un danger lorsqu’il n’est, comme ici, que la loyauté d’un esprit animé par une foi agissante. c. « Conférence
17 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Adieu, beau désordre… (mars 1926)
173 nt profond et la ruine. Mais certes, il est temps qu’ une lueur de conscience inquiète quelques chefs, montre à quelques men
174 mes politiques, mais on a si souvent l’impression qu’ ils battent la mesure devant un orchestre qui, sans eux, jouerait auss
175 de la bêtise de tous les partis, on comprendra ce que je veux dire. Il faudrait balayer, — et mettre qui à la place ? Nos p
176 révélation ou quel oubli. C’est un dilettantisme qu’ ils ont peut-être appris dans Barrès. Il leur manque une certitude fon
177 rquoi ils ne peuvent prétendre à l’action sociale que l’époque réclame 1. C’est aussi pourquoi l’on ne saurait accorder tro
178 on efficace de servir. ⁂ On se complaît à répéter que nous vivons dans le chaos des idées et des doctrines, et qu’il n’exis
179 vons dans le chaos des idées et des doctrines, et qu’ il n’existe pas d’esprit du siècle, hors un certain « confusionnisme »
180 r vertu. Ce qui n’a rien d’étonnant : ils ne sont que les projections du moi de leurs auteurs. Or l’égoïsme est vertu cardi
181 t ici la conception même de la littérature, telle qu’ elle apparaît chez les émules de Barrès comme chez ceux de Gide, qu’il
182 hez les émules de Barrès comme chez ceux de Gide, qu’ il faut préciser. L’éthique et l’esthétique convergent dans la littéra
183 de tout le « mal », le romantisme — et c’est plus que probable. Mais il en tirait une raison nouvelle de le condamner, et n
184 pouvons le suivre jusque-là : il est vain de dire qu’ une époque s’est trompée, puisqu’elle seule permet la suivante qui peu
185 é essayé. Dégoût, parce qu’on se connaît trop, et que plus rien ne retient. (Or on ne crée que contre quelque chose, contre
186 trop, et que plus rien ne retient. (Or on ne crée que contre quelque chose, contre soi, contre une difficulté.) Dégoût de l
187 , Breton, de crier « Révolution toujours » — tant qu’ il y a des gens pour vous faire du pain ; et c’est très beau, Aragon,
188 ne plus rien attendre du monde, mais on voudrait que de moins de gloriole s’accompagnât votre ultimatum à Dieu. Mais, seco
189 attend en vain sa Révélation : « C’est peut-être que je suis médiocre entre les hommes ». C’est plutôt qu’il est trop atta
190 je suis médiocre entre les hommes ». C’est plutôt qu’ il est trop attaché encore à se regarder chercher, absorbant son atten
191 orbant son attention dans une sincérité si voulue qu’ elle va parfois à l’encontre de son dessein. ⁂ Décidément nous sommes
192 nt isolé, commenté par ceux qui le portent en eux qu’ il en paraît plus incurable. Ces jeunes gens n’en finissent pas de pei
193 itique des méthodes et des façons de vivre autant que de penser qui les ont amenés aux positions qu’on vient d’esquisser. M
194 nt que de penser qui les ont amenés aux positions qu’ on vient d’esquisser. Mais on trouve tout dans les livres des jeunes,
195 éléments mêlés de la personnalité. Toute tendance qu’ ils découvrent en eux est non seulement légitime à leurs yeux, mais « 
196 ime à leurs yeux, mais « tabou » ; et c’est vertu que de favoriser son expansion. — Mais je trouve en moi ordre et désordre
197 etc. Si je les cultive simultanément il est clair que les tendances négatives l’emportent, il est plus facile et plus enivr
198 lus facile et plus enivrant de se laisser glisser que de construire. Et l’on y prend vite goût. Cela tourne alors en passi
199 té à l’alcool singulièrement perfide de perdre ce que nous chérissons… Nous apprîmes à mépriser les longues vies heureuses
200 us apprîmes à mépriser les longues vies heureuses que nous avions jusqu’alors enviées, et une nuit, nous fîmes le procès de
201 dominés par le sens d’une réalité morale absolue que certains d’entre nous eussent acheté au prix d’un martyre… Cette lass
202 lassitude facile à juger du dehors n’était pas ce qu’ il y a vingt ans on nommait blasé. Rien n’était émoussé en nous, mais
203 t commis par un héros de roman, à la vie gratuite que prétendent mener les surréalistes, il n’a fallu que le temps pour une
204 e prétendent mener les surréalistes, il n’a fallu que le temps pour une folie de s’emballer. La plupart des romans de jeune
205 chose ; à la merci des circonstances extérieures qu’ il méprise toutes également ; n’attendant rien que de ses impulsions e
206 qu’il méprise toutes également ; n’attendant rien que de ses impulsions et contemplant avec une lucidité parfois douloureus
207 uloureuse ses propres actes dont il s’étonne mais qu’ il se garde de juger5. Il y a véritablement une littérature de l’acte
208 roi d’après-tombe qui m’empêcheront de joindre ce que je désire ; ni rien — rien que l’orgueil, sachant une chose si forte,
209 ront de joindre ce que je désire ; ni rien — rien que l’orgueil, sachant une chose si forte, de me sentir plus fort encore
210 e — n’est pas si douce encore, n’est pas si bonne que de céder à vous, désirs, et d’être vaincu sans bataille. On voit asse
211 ce mouvement de l’esprit qui n’utilise une borne que pour sauter plus loin. Ainsi, c’est par humilité qu’on renoncera à la
212 pour sauter plus loin. Ainsi, c’est par humilité qu’ on renoncera à la vertu, sous prétexte qu’elle pousse à l’orgueil ; c’
213 umilité qu’on renoncera à la vertu, sous prétexte qu’ elle pousse à l’orgueil ; c’est par sincérité qu’on mentira, puisque p
214 qu’elle pousse à l’orgueil ; c’est par sincérité qu’ on mentira, puisque parfois nous sommes spontanément portés à mentir.
215 oute chose, au-delà de toutes limites. « Il n’y a que les excès qui méritent notre enthousiasme ». Mais « cette fureur qui
216 ulière jusqu’à ses dernières conséquences suppose qu’ on ait perdu le sens des ensembles rationnels. Nous ne pensons plus pa
217 fausser le rythme des jours et des nuits à mesure que se développe une civilisation mécanicienne. (Les machines n’ont pas b
218 par des générations qui ne lèguent aux suivantes que leur lassitude : sachons au contraire profiter des démonstrations par
219 tes — ne s’isolant pas de la Société ; ils savent que pour lutter il faut des armes et ne méprisent pas la culture ; sans a
220 méprisent pas la culture ; sans autre parti pris que celui de vivre, c’est-à-dire de construire ; sobres de langage et maî
221 age et maîtres de leurs corps exercés, ils savent qu’ il n’y a de pensée valable qu’assujettie à son objet, qu’il n’y a de l
222 exercés, ils savent qu’il n’y a de pensée valable qu’ assujettie à son objet, qu’il n’y a de liberté que dans la soumission
223 ’y a de pensée valable qu’assujettie à son objet, qu’ il n’y a de liberté que dans la soumission aux lois naturelles ; et le
224 qu’assujettie à son objet, qu’il n’y a de liberté que dans la soumission aux lois naturelles ; et leur effort est de retrou
225 de leur misère. Pareils à ceux dont Vinet disait qu’ ils s’en vont « épiant toutes les émotions de l’âme, et lui multiplian
226 nt dont sortira peut-être une foi nouvelle ; mais qu’ ils sachent, quand viendra le moment, détourner les yeux de leur reche
227 eux de leur recherche pour contempler un absolu ; qu’ ils osent se faire violence pour se hisser dans la lumière. « Il vaut
228  Il vaut mieux, dit encore Vinet, ne voir d’abord que les grands traits de sa nature, ne connaître que les grands mots de l
229 que les grands traits de sa nature, ne connaître que les grands mots de la langue morale, suivre à l’égard de soi-même la
230 Dieu. » 1. Il ne s’agit pas d’exiger des poètes qu’ ils écrivent des odes civiques. Mais que nos moralistes — presque tous
231 es poètes qu’ils écrivent des odes civiques. Mais que nos moralistes — presque tous les jeunes écrivains — se souviennent d
232 nent de penser en fonction du temps présent, soit qu’ ils veuillent en améliorer les conditions, ou les transformer totaleme
233 ains ? Peut-être. En tout cas je vois bien le mal qu’ ils ont fait et qu’au fond, leur refus d’agir sur l’époque, c’est une
234 n tout cas je vois bien le mal qu’ils ont fait et qu’ au fond, leur refus d’agir sur l’époque, c’est une manière d’agir cont
235 de Louis Aragon, de Drieu la Rochelle. Je ne cite que les plus significatifs. 6. Aragon, loc. cit. 7. Le « goût du désas
236 nes expériences littéraires sont plus dangereuses que des expériences réelles » (Marcel Arland). 9. Ce serait au moins la
237 surréalistes. Voire. On est moins libre à Moscou qu’ à Montparnasse. D’ailleurs leurs théories nous ramèneraient vite l’âge
18 1926, Articles divers (1924–1930). Conférences d’Aubonne (7 avril 1926)
238 up d’intelligence l’avocat du diable, en montrant que tous les faits religieux admettent à côté de l’explication mystique u
239 e la « réalité prolétarienne ». « Cercles vicieux que nos syndicats. Cercle vicieux, l’augmentation des salaires. Ce que no
240 . Cercle vicieux, l’augmentation des salaires. Ce que nous voulons, c’est élever l’homme au-dessus de la plus dégradante co
241 plus dégradante condition, et nous n’y arriverons que par un travail d’éducation lent et souvent dangereux. Vous, étudiants
242 s aéré, au moral comme au physique. Chacun dit ce qu’ il pense sans se préoccuper d’être bien pensant et les Romands recouvr
19 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alix de Watteville, La Folie de l’espace (avril 1926)
243 ce assez piquante de ses péripéties. Quel dommage que l’auteur l’ait alourdi d’une idéologie, souvent plus généreuse que ne
244 t alourdi d’une idéologie, souvent plus généreuse que neuve, et qui eût gagné à être mise en action plutôt qu’en commentair
245 ve, et qui eût gagné à être mise en action plutôt qu’ en commentaires. Le talent de Mme de Watteville paraît mieux à l’aise
246 à l’aise dans la description du milieu patricien que dans la création d’un caractère de grand peintre. Pourtant, malgré de
20 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Wilfred Chopard, Spicilège ironique (mai 1926)
247 e, parce que c’est dimanche, parce qu’il pleut et qu’ on s’ennuie. Si la vie est bête à pleurer, sourire est moins fatigant.
21 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Cécile-Claire Rivier, L’Athée (mai 1926)
248 utôt une argumentation à coups d’exemples vivants qu’ un véritable roman. La profusion souvent facile des incidents et le st
249 t un peu théorique mais intelligent d’un problème que l’on pressent trop complètement résolu dès les premières pages, mais
250 complètement résolu dès les premières pages, mais qu’ il faut louer Mme Rivier d’avoir posé courageusement. Dirai-je que l’a
251 Mme Rivier d’avoir posé courageusement. Dirai-je que l’abus des points d’exclamation — trait commun à presque toutes les f
22 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cocteau, Rappel à l’ordre (mai 1926)
252 26)t Sous ce titre, le plus étonnant peut-être qu’ il ait trouvé, Jean Cocteau a réuni ce qui me paraît le meilleur de so
253 sionnel, etc.) Sans doute faudrait-il préciser ce qu’ il entend par ordre, et montrer que si cet ordre l’écarte de Dada, il
254 il préciser ce qu’il entend par ordre, et montrer que si cet ordre l’écarte de Dada, il ne le conduit pas pour autant à l’A
255 pour autant à l’Académie. Disons pour aller vite que sa recherche de l’ordre révèle simplement une volonté de construire j
256 une volonté de construire jusque dans le grabuge, qu’ il aime pour les matériaux qu’on en peut tirer. L[e] malheur de Coctea
257 ue dans le grabuge, qu’il aime pour les matériaux qu’ on en peut tirer. L[e] malheur de Cocteau est qu’il se veuille poète.
258 qu’on en peut tirer. L[e] malheur de Cocteau est qu’ il se veuille poète. Il ne l’est jamais moins qu’en vers. Sa plus inco
259 qu’il se veuille poète. Il ne l’est jamais moins qu’ en vers. Sa plus incontestable réussite à ce jour est le Secret profes
260 épasse de beaucoup les limites de cette école, et qu’ il eut le tort à notre sens de vouloir illustrer de pédants exercices
261 ce, et dont l’audace est de se vouloir plus juste que bizarre. Il sait bien d’ailleurs que les miracles les plus étonnants
262 r plus juste que bizarre. Il sait bien d’ailleurs que les miracles les plus étonnants sont ceux de la lumière. « Le mystère
263 est bien la nouveauté de son théâtre et de l’art qu’ il défend en peinture, en musique. Suppression du clair-obscur et de l
23 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, Mon corps et moi (mai 1926)
264 ont la triste profession est de détruire le désir qu’ elle excite par curiosité passagère, il monologue. « Oui, je le redira
265 ues dont la pauvreté le rejette dans une angoisse qu’ il nomme « élan mortel ». Cette inversion de tout ce qui est construct
266 nt où elle « ne semble avoir rien d’autre à faire que son propre procès », une intelligence qui se dégoûte, tel est le spe
267 intelligence qui se dégoûte, tel est le spectacle que nous dévoile cyniquement René Crevel. Il en est peu de plus effrayant
24 1926, Articles divers (1924–1930). L’atmosphère d’Aubonne : 22-25 mars 1926 (mai 1926)
268 1926)e Cette conférence s’ouvrit par une bise qu’ on peut bien dire du diable et se termina sous le plus beau soleil de
269 telle rencontre : tout alla froidement jusqu’à ce que la bise tombée permît à « l’atmosphère » de s’établir. Alors le mirac
270 ’est l’esprit d’Aubonne. C’est ce miracle tout ce qu’ il y a de plus protestant — mais oui, M. Journet — et je ne crois pas
271 stant — mais oui, M. Journet — et je ne crois pas qu’ il puisse se produire ailleurs qu’en terre romande. C’est l’esprit de
272 je ne crois pas qu’il puisse se produire ailleurs qu’ en terre romande. C’est l’esprit de liberté, tout simplement. Mais pré
273 tout simplement. Mais précisons : c’est bien plus que la liberté de défendre sa petite hérésie personnelle et de s’affirmer
274 est la liberté dans la recherche. Chose plus rare qu’ on ne pense, à Aubonne on se sent prêt à tout lâcher pour une vérité n
275 une vérité nouvelle, on tient moins à convaincre qu’ à se convaincre. Après les exposés de Janson, de Brémond, j’en sais pl
276 nt les discussions entre de Saussure et Bertrand, que les orateurs exprimaient tour à tour les objections que chacun se fai
277 s orateurs exprimaient tour à tour les objections que chacun se faisait à part soi, qu’ils incarnaient les voix contradicto
278 les objections que chacun se faisait à part soi, qu’ ils incarnaient les voix contradictoires d’un débat que tous menaient
279 s incarnaient les voix contradictoires d’un débat que tous menaient en eux-mêmes loyalement. Et ce désir d’arriver à quelqu
280 moins platonique : n’est-ce pas Léo qui prétendit qu’ on ne peut juger les Associations qu’à leur façon de jouer le volley-b
281 ui prétendit qu’on ne peut juger les Associations qu’ à leur façon de jouer le volley-ball ? Le Casino offrit pendant quelqu
282 Richardot, entrant par la fenêtre, vint annoncer qu’ on était libre — comme si on l’avait attendu pour le manifester ! — et
283 e si on l’avait attendu pour le manifester ! — et qu’ il suffisait de souscrire à la brochure de la conférence3 pour savoir
284 la brochure de la conférence3 pour savoir tout ce que je n’ai pas dit dans ces quelques notes. 3. Il suffit encore : f 2.
25 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Le Corbusier, Urbanisme (juin 1926)
285 été créée par lui, — comme la poésie. C’est ainsi que le problème de l’Urbanisme se place au croisement des préoccupations
286 aspect comme sous les autres, il nous faut mieux que des dictateurs : des Architectes, de l’esprit et de la matière. Si Le
287 Le Corbusier réalise son plan, ce sera plus fort que Mussolini (lequel s’est d’ailleurs inspiré de lui dans son fameux dis
288 eure des autos. Les maisons habitées ne sont plus que des enceintes transparentes, et minces en regard de leur hauteur, ent
26 1926, Articles divers (1924–1930). Confession tendancieuse (mai 1926)
289 nous déformer artificiellement : nous comprenons que nos œuvres, si elles furent faites à l’image de notre esprit, le lui
290 el est le vrai ? — Ils me proposent vingt visages que je puis à peine reconnaître. Reste le monde, — les choses, les faits,
291 u hasard, jusqu’au jour où l’on me fit comprendre qu’ il n’est que le jeu de sauter follement d’une habitude dans une autre.
292 squ’au jour où l’on me fit comprendre qu’il n’est que le jeu de sauter follement d’une habitude dans une autre. Il ne me re
293 ent d’une habitude dans une autre. Il ne me resta qu’ une fatigue profonde ; je devins si faible et démuni, livré aux regard
294 tis nu, tout le monde devait voir en moi une tare que j’étais seul à ignorer, était-ce ma fatigue seulement qui me rendait
295 tion, je la soupçonnais si grave, si fondamentale que je préférais me leurrer à combattre des imperfections de détail dont
296 xagérais l’importance. Et c’est ainsi par feintes que je progressais, jusqu’au jour où je m’avouai un trouble que je me ref
297 gressais, jusqu’au jour où je m’avouai un trouble que je me refusai pourtant à nommer peur de rire. Cette amertume au fond
298 nt brusquement les éléments désaccordés de ce moi que j’avais tant choyé. « Maintenant, m’écriai-je — c’était un des premie
299 ute ma joie ! » Ce n’était plus une douleur rare que j’aimais dans ces brutalités, c’était ma liberté agissante. J’allais
300 . Me voici devant quelques problèmes dont je sais qu’ il est absolument vain de prétendre les résoudre, mais que je dois fei
301 t absolument vain de prétendre les résoudre, mais que je dois feindre d’avoir résolus : c’est ce qui s’appelle vivre. Probl
302 de de m’y perdre au début d’une recherche qui n’a que ce but de me rendre mieux apte à vivre pleinement. En priant, je m’ar
303 foi ? » Mais c’est encore une question… Je crois qu’ il ne faut pas attendre immobile dans sa prière, qu’une révélation vie
304 ’il ne faut pas attendre immobile dans sa prière, qu’ une révélation vienne chercher l’âme qui se sent misérable. Je ne rece
305 une révélation, c’est en me rendant plus parfait que je lui préparerai les voies. Agir ? Sur moi d’abord. Il ne faut plus
306 es voies. Agir ? Sur moi d’abord. Il ne faut plus que je respecte tout en moi. Je ne suis digne que par ce que je puis deve
307 lus que je respecte tout en moi. Je ne suis digne que par ce que je puis devenir. Se perfectionner : cela consiste à retrou
308 respecte tout en moi. Je ne suis digne que par ce que je puis devenir. Se perfectionner : cela consiste à retrouver l’insti
309 ’homme, la vertu conservatrice qui ne peut dicter que les gestes les plus favorables. J’ai d’autres instincts et je n’enten
310 je n’entends pas tous les cultiver pour cela seul qu’ ils sont naturels : la nature est un champ de luttes, de tendances ver
311 rfectionnement de l’esprit, puisqu’elle ne permet que des associations suivant les directions de moindre résistance. Mais j
312 pres records. De ce lent effort naît une modestie que je m’enorgueillis un peu de connaître ; et de cette volonté d’un meil
313 cesse renaissant, comment m’adapter à l’existence que m’imposent mon corps et les lois du monde, et comment augmenter ma pu
314 de jouir, en même temps que ma puissance d’agir. Que tout cela s’agite sur fond de néant, je le comprends par éclairs, mai
315 sens un sourire — en songeant à ces raisonnements que je me tiens — plisser un peu mes lèvres, et s’affirmer à mesure que j
316 plisser un peu mes lèvres, et s’affirmer à mesure que je le décris. Mais comme un écho profond, une attirance aussi d’ancie
317 rait s’élever. Puis enfin la marée de mes désirs. Qu’ ils viennent battre ce corps triste, qu’ils l’emportent d’un flot fou 
318 s désirs. Qu’ils viennent battre ce corps triste, qu’ ils l’emportent d’un flot fou ! Revenez, mes joies du large !… Tiens,
319 mages qui s’éclairent… Je vais écrire autre chose que moi, je vais m’oublier, me perdre dans une vie nouvelle : (Créer, c’e
320 Créer, c’est se surpasser). J’entends des phrases qu’ il ne faut pas encore comprendre — tout est si fragile —, mais je sais
321 et vous, ma vie ? Certes, mais je vous aime moins que je ne vous désire. (Ce désir qui me rend fort pour — autre chose…) Ô
322 objet vivant. Pour moi, la sincérité ne peut être que spontanée. Et spontanément je suis porté à écrire des idées qui m’aid
323 écrites elles prennent un caractère de certitude qu’ elles n’avaient pas encore en moi. C’est en quoi ma sincérité est tend
324 , ce me semble une dérision complète. Je m’étonne qu’ après tant d’expériences ratées on puisse encore se persuader de la vé
325 e paraissent légitimes chez d’autres, même celles que je juge bon d’éliminer de moi. Chacun son équilibre, ou plutôt, son «
27 1926, Articles divers (1924–1930). Les Bestiaires, par Henry de Montherlant (10 juillet 1926)
326 e me sens envahi par un rythme impérieux au point qu’ il faut que certaines voix en moi taisent leur protestation, étouffées
327 nvahi par un rythme impérieux au point qu’il faut que certaines voix en moi taisent leur protestation, étouffées par des fo
328 ui se lèvent. Car telle est la vertu de ce livre, qu’ on l’éprouve d’abord trop vivement pour le juger. L’auteur l’appelle u
329 xquels Montherlant n’a pas toujours échappé, mais qu’ il domine dans l’ensemble et entraîne dans l’allure puissante à la foi
330 . Et n’est-ce pas justement parce qu’il est poète qu’ il peut atteindre à pareille intensité de réalisme. Une perpétuelle pa
331 de vie anime ce livre et lui donne un rythme tel qu’ il s’accorde d’emblée avec ce qu’il y a de plus bondissant en nous ; e
332 ne un rythme tel qu’il s’accorde d’emblée avec ce qu’ il y a de plus bondissant en nous ; en prise directe sur notre énergie
333 le suppose entre l’homme et la bête une sympathie que Montherlant note à plusieurs reprises. C’est « par la divination de c
334 reprises. C’est « par la divination de cet amour qu’ Alban (le jeune héros du récit) sent ce que sent la bête en même temps
335 amour qu’Alban (le jeune héros du récit) sent ce que sent la bête en même temps qu’elle. Et parce qu’il sait ce qu’elle va
336 ête en même temps qu’elle. Et parce qu’il sait ce qu’ elle va faire, il peut la dominer… : on ne vainc vraiment que ce qu’on
337 faire, il peut la dominer… : on ne vainc vraiment que ce qu’on aime, et les victorieux sont d’immenses amants »6. Mais enve
338 il peut la dominer… : on ne vainc vraiment que ce qu’ on aime, et les victorieux sont d’immenses amants »6. Mais envers les
339 table horreur sacrée. Voici Alban devant une bête qu’ il devra combattre le lendemain : « Salaud, cochon, saligaud ! » Il l
340 ètes à l’approche de l’inconnu. Nulle part mieux que dans la description des taureaux ne se manifeste ce passage du réalis
341 ses pattes se tendirent peu à peu, comme un corps qu’ on gonflerait à la pompe, tandis que dans cet agrandissement les artic
342 ns grinçaient, avec le bruit d’un câble de navire qu’ on serre sur un treuil. Elle arriva avec emphase à la cime de son spas
343 cauchemar de soleil et de sang. On peut penser ce qu’ on veut de ce paganisme exalté, tout ivre de la fumée des sacrifices s
344 pour fonder une religion. Mais ce n’est peut-être qu’ un rêve de poète. Il y a un autre Montherlant, plutôt stoïcien, celui-
345 evient naturel ce cri de sagesse orgueilleuse : «  Qu’ avons-nous besoin d’un autre amour que celui que nous donnons ? » ⁂ Il
346 illeuse : « Qu’avons-nous besoin d’un autre amour que celui que nous donnons ? » ⁂ Il est impossible de ne voir dans les Be
347 « Qu’avons-nous besoin d’un autre amour que celui que nous donnons ? » ⁂ Il est impossible de ne voir dans les Bestiaires q
348 Il est impossible de ne voir dans les Bestiaires qu’ une évocation de l’Espagne et du génie taurin. Ce qui perce à chaque p
349 aire oublier des défauts qui tueraient tout autre que lui. Certes, il ne soulève directement aucun des grands problèmes de
350 « accroche » pas à ce qui est triste ou ennuyeux, que ce soit l’idée de la mort ou les soucis politiques, sociaux, etc., et
351 tiques, sociaux, etc., et il ne met de la gravité que dans les choses voluptueuses, je n’ai pas dit les choses sentimentale
352 e : le chant fini, il n’y pense plus. On comprend qu’ une telle attitude agace des gens qui se soucient avant tout de trouve
353 ndeur. N’est-ce point une solution aussi ? Plutôt que d’oublier de vivre à force d’y vouloir trouver un sens, ne vaudrait-i
354 de l’éternel Désir ? 6. Il est curieux de noter que de tels passages viennent à l’appui de la théorie de l’instinct de Be
28 1926, Journal de Genève, articles (1926–1982). Le Dépaysement oriental (16 juillet 1926)
355 re de M. de Traz1, par les précisions importantes qu’ il apporte sur les rapports de l’Orient et de l’Europe, me paraît dest
356 coups d’œil aigus sur l’âme orientale de l’islam, que nous l’avons lu avec un intérêt si soutenu et parfois — je pense à ce
357 testante — si passionné. Nul n’est moins oriental que de Traz, et c’est ce qui donne à ses notations tout leur prix. Elles
358 lui-ci est plus dans l’opposition des deux mondes que dans la peinture elle-même de l’Orient. Tandis que s’accumulent les t
359 uteur : car il n’est guère de comparaison valable qu’ entre individus, et comme type d’individu européen Robert de Traz ne p
360 européen Robert de Traz ne pouvait trouver mieux que lui-même. S’il dit des Égyptiens : « Le mensonge, autant qu’une polit
361 e. S’il dit des Égyptiens : « Le mensonge, autant qu’ une politesse, leur paraît une beauté », c’est pour affirmer par contr
362 Ce qui lui permet de voir profond dans cet islam qu’ il qualifie de « religion du fil de l’eau », ou de « prodigieux stupéf
363  l’attrait du christianisme est dans l’inquiétude qu’ il nous inflige ». « Ils mettent leur âme en veilleuse, dit-il des rêv
364 qu’à leur mysticisme, partout c’est une démission qu’ ils désirent. Du difficile oubli de soi-même nous avons fait une vertu
365 acile et en ont fait un plaisir. » Et encore ceci que je trouve si juste : « Ce qui définit le plus profondément l’Occident
366 es et le mènent à cette constatation fondamentale que « notre intelligence et celle de l’Oriental ne sont pas superposables
367 mpossible, pourra-t-on du moins éviter le conflit que certains prétendent menaçant ? Malgré l’« anxiété mélancolique » qu’i
368 dent menaçant ? Malgré l’« anxiété mélancolique » qu’ il éprouve à se sentir si loin de l’Oriental, les conclusions de M. de
369 ntal, les conclusions de M. de Traz — si tant est qu’ on peut conclure en une matière si complexe — sont plutôt optimistes.
370 ire à un péril oriental très pressant, ni surtout que nous ayons à chercher là-bas notre salut. « La seule leçon à attendre
371 « La seule leçon à attendre des musulmans, c’est que le spectacle de leur décadence nous enseigne comment éviter la nôtre.
372 ertaine amertume, où de Traz quitte le ton mesuré qu’ il s’impose d’ordinaire. Mais j’avoue que m’a parfois un peu gêné cett
373 n mesuré qu’il s’impose d’ordinaire. Mais j’avoue que m’a parfois un peu gêné cette présence de la mort qu’il fait sentir p
374 m’a parfois un peu gêné cette présence de la mort qu’ il fait sentir partout aux lieux mêmes où naquit la religion du « Prin
375 es où naquit la religion du « Prince de la vie »… Qu’ on ne croie pas, d’ailleurs, que l’attitude presque constamment critiq
376 ince de la vie »… Qu’on ne croie pas, d’ailleurs, que l’attitude presque constamment critique de M. de Traz diminue l’intér
377 en elles, révèle sa personnalité peut-être mieux que ne le feraient une suite de pages lyriques toujours un peu stylisées.
378 voyageur intelligent, qui n’accepte d’être séduit que pour « mieux comprendre », assez « fidèle » à ses origines pour garde
29 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Ramon Fernandez, Messages (juillet 1926)
379 juillet 1926)w Je ne crois pas exagéré de dire qu’ en publiant ce recueil d’essais, M. Fernandez a donné la première œuvr
380 ains d’aujourd’hui. La « critique philosophique » qu’ il voudrait inaugurer « ne se contenterait pas d’étudier les œuvres po
381 , mais tâcherait d’épouser le dynamisme spirituel qu’ elle révèle, puis de les situer dans l’univers humain ». M. Fernandez
382 l’univers humain ». M. Fernandez a tout le talent qu’ il faut pour lui faire acquérir droit de cité. Voici enfin un critique
383 Proust, Pater et Stendhal. Certes, il était temps que l’on dénonce la confusion romantique de l’art avec la vie, qui empois
384 tique modernes. Et à ce propos, il faut souhaiter que M. Fernandez aborde par ce biais l’œuvre de Gide, qui plus qu’aucune
385 dez aborde par ce biais l’œuvre de Gide, qui plus qu’ aucune autre me paraît liée à cette confusion. Mais s’il est bien étab
386 liée à cette confusion. Mais s’il est bien établi que les lois de la vie sont essentiellement différentes des lois de l’œuv
387 s de l’œuvre d’art, il ne s’en suit pas forcément que l’on doit nier toute communication directe entre l’œuvre et le moi, c
388 solues. M. Fernandez tente de prouver par exemple que l’œuvre d’art ne peut être un moyen de connaissance personnelle. Aprè
389 u s’il la condamne plutôt, à cause des confusions qu’ il y décèle. Le meilleur morceau du livre est l’essai sur Proust et sa
390 nalité — « mosaïque de sensations juxtaposées » — qu’ il définit sa propre théorie de la « garantie des sentiments », où l’o
391 personnalité moins le « principe unificateur » — que la psychologie freudienne et proustienne a porté à un point si danger
392 ne théorie assez proche du cubisme littéraire, et qu’ il serait bien utile d’adopter, si l’on veut éviter les confusions qui
393 ique pratiqué par Fernandez. Périlleuse situation que la sienne, en effet, où l’on court le double risque de paraître trop
394 encore dans les positions conquises. Il n’empêche que son livre manifeste une belle unité de pensée, et qu’il propose quelq
395 son livre manifeste une belle unité de pensée, et qu’ il propose quelques directions très nettes de synthèse. Avec une œuvre
30 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Henry de Montherlant, Les Bestiaires (septembre 1926)
396 moires de Montherlant : dans ce récit plus encore que dans les œuvres précédentes, on voit beaucoup moins l’œuvre d’art que
397 précédentes, on voit beaucoup moins l’œuvre d’art que l’auteur ; dans ce portrait de Montherlant toréador, à 16 ans, c’est
398 or, à 16 ans, c’est surtout le Montherlant actuel que l’on sent. C’est dire que le livre vaut par son allure plus que par d
399 t le Montherlant actuel que l’on sent. C’est dire que le livre vaut par son allure plus que par des qualités de composition
400 C’est dire que le livre vaut par son allure plus que par des qualités de composition ou de perfection formelle. Pour quelq
401 spectacle des athlètes. Et c’est elle avant tout que j’admire dans ces Bestiaires, presque malgré leur sujet trop pittores
402 délité aux taureaux braves et simplets d’esprit ! Qu’ ils paissent éternellement dans les prairies célestes, pour avoir donn
403 vec la nonchalance des vrais puissants, je compte qu’ il saura fonder sa gloire future sur des valeurs plus humaines. x. «
31 1926, Articles divers (1924–1930). Soir de Florence (13 novembre 1926)
404 s du fleuve jaune, entre les deux façades longues que la ville présente au couchant, dans ce corridor de lumière où elle ac
405 maintenant le sentier du bord du fleuve, plus bas que la Promenade désertée. Sur les eaux, comme immobiles, des nuages roug
406 êtée tout près de l’eau. Mais ce n’est pas d’elle que vient cette chanson jamais entendue qui nous accompagne depuis un mom
407 es… Mais ce pays tout entier pâmé dans une beauté que saluent tant de souvenirs n’a d’autre nom que celui de l’instant, ô m
408 uté que saluent tant de souvenirs n’a d’autre nom que celui de l’instant, ô mélodieuse lassitude. Vivre ainsi simplement. S
409 presque plus de sens, comme le fleuve. Elle n’est qu’ odeurs, formes mouvantes, remous dans l’air et musiques sourdes. Pense
410 s — où va l’âme durant ces minutes ? — jusqu’à ce que les bœufs ruisselants remontent sur notre rive. Fraîcheur humide, par
411 dieux, ô joies pour notre joie mesurées, courbes qu’ épousent nos ferveurs, angles purs, repos de l’esprit qui s’appuie sur
412 nheur par personne et les devantures ne cherchent qu’ à vous plaire. Chaque ruelle croisée propose un mystère qu’on oublie p
413 plaire. Chaque ruelle croisée propose un mystère qu’ on oublie pour celui des regards étrangers. Et voici la place régulièr
32 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jacques Spitz, La Croisière indécise (décembre 1926)
414 ndividu. C’est pour traiter ce sujet pirandellien qu’ on s’embarque dans une croisière de vacances, qui finit par un naufrag
415 succombant sous les allégories. L’étonnant, c’est que le livre soit réellement amusant, et qu’il trouve une sorte d’unité v
416 t, c’est que le livre soit réellement amusant, et qu’ il trouve une sorte d’unité vivante dans le rythme des désirs jamais s
417 sent ; pourtant l’on sourit : il faut bien croire qu’ il y a là un talent, charmant, glacé, spirituellement « poétique ».
33 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Alfred Colling, L’Iroquois (décembre 1926)
418 igres et les couleurs fluides. Toute la tendresse que ranime un soleil lointain va tourner en cruelle mélancolie. Pourquoi,
419 e, qui transparaît parfois et nous fait regretter que l’auteur ne se soit pas mieux abandonné à son sujet, d’un pathétique
34 1926, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, La Tentation de l’Occident (décembre 1926)
420 fice. Sans doute, cette « absurdité essentielle » que le Chinois distingue au cœur de la vie occidentale apparaît mieux par
421 de l’idéal asiatique avec le nôtre. Mais je crois que toute intelligence européenne libre peut souscrire aux critiques du C
422 Malraux a fait parler son Chinois de telle façon qu’ ils ne le paraissent point. Et alors le relativisme angoissant qui sem
423 en plutôt une unité supérieure de l’esprit humain que nous découvrons, et qui nous permettra de juger à notre tour certaine
424 uisqu’elle risque de ne laisser subsister en nous qu’ un « étrange goût de la destruction et de l’anarchie, exempt de passio
35 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Paradoxe de la sincérité (décembre 1926)
425 e vertu d’une anarchie dont on ne veut pas avouer qu’ elle est plus nécessaire — provisoirement — que satisfaisante pour l’e
426 er qu’elle est plus nécessaire — provisoirement — que satisfaisante pour l’esprit. C’est ainsi que nous trompant nous-mêmes
427 nt — que satisfaisante pour l’esprit. C’est ainsi que nous trompant nous-mêmes, sous le prétexte toujours de probité intell
428 pour excuser sa petite faiblesse originale : tant qu’ à la fin la notion concrète de sincérité s’évanouit en mille définitio
429 ), ou « perpétuel effort pour créer son âme telle qu’ elle est » (Rivière), ou encore refus de choisir, volonté de tout cons
430 ntéressée, de naturaliste de l’âme ? Heureusement que M. Brémond ne s’est pas encore mêlé de l’affaire. Au reste, on n’a pa
431 s du subtil abbé pour n’y plus rien comprendre. ⁂ Qu’ on imagine un personnage de tableau se mettre à décrire ce qu’il voit
432 e un personnage de tableau se mettre à décrire ce qu’ il voit autour de lui — et l’étonnement indigné du spectateur. Pour pa
433 s une certaine mesure — parce que nécessaire — ce qu’ il y a de déplaisant dans l’effort d’un esprit pour se dégager de conf
434 n peut tirer par une sorte de passage à la limite que les faits justifient : sincérité = spontanéité. Mais la morale est ce
435 ussant Fleurissoire « pour rien » ne songeait pas qu’ il allait faire école. Le fait est que ce geste symbolique a déclenché
436 ongeait pas qu’il allait faire école. Le fait est que ce geste symbolique a déclenché tout un mouvement littéraire, celui-l
437 . Le geste le plus incongru du héros n’est jamais que le résultat d’un mécanisme inconscient, aussi révélateur du personnag
438 nisme inconscient, aussi révélateur du personnage que ses actions les mieux concertées. Rien n’est gratuit que relativement
439 actions les mieux concertées. Rien n’est gratuit que relativement à un système restreint de références. Il résulte de sem
440 les considérations, dans le domaine de la morale, que le meilleur moyen de se livrer à ses déterminants, c’est de mener la
441 ses déterminants, c’est de mener la vie gratuite que réclament les surréalistes. Le contraire de la liberté. D’autre part,
442 nner à l’acte gratuit une valeur morale en disant qu’ il révèle ce qu’il y a de plus secret dans la personnalité. Ce serait
443 atuit une valeur morale en disant qu’il révèle ce qu’ il y a de plus secret dans la personnalité. Ce serait un moyen de conn
444 isme », la décision réfléchie, aussi peu gratuite que possible, d’un Julien Sorel, est-elle moins révélatrice du fond de l’
445 elle moins révélatrice du fond de l’âme humaine ? Que si l’on s’étonne de me voir donner ici la préférence à l’acte volonta
446 littérature je défends l’acte gratuit, je réponds que la littérature remplirait déjà suffisamment son rôle en se bornant à
447 ntense et plus émouvante ; mais la morale, plutôt que de nous constater, doit nous construire — selon le mode le plus libre
448 je prends une feuille blanche, je vais écrire ce que je trouve en moi (sentiments, idées, souvenirs, désirs, élans, hésita
449 élans, hésitations, obscurités, etc.). Supposons que j’éprouve un désir d’action vive, un élan vers certain but précis. O
450 onséquences matérielles. Ce n’est plus l’élan pur que je décris : c’est un élan freiné dans mon esprit, c’est le frein lui-
451 fatalement c’est à la découverte d’une faiblesse que j’aboutis : ce quelque chose qui m’a retenu d’accomplir ce que l’élan
452  : ce quelque chose qui m’a retenu d’accomplir ce que l’élan appelait.   Second exemple. — J’éprouve le besoin de faire le
453 , je revis plus ou moins fortement des sentiments que je crois avoir éprouvés à tel moment de mon passé. Parfois — rarement
454 e, c’est bien le second. La qualité des souvenirs qu’ il me livre me renseigne assez exactement, non sur mon passé, mais sur
455 exactement, non sur mon passé, mais sur le moment que je vis1. Il est bien clair qu’on ne saurait atteindre « la vérité sur
456 mais sur le moment que je vis1. Il est bien clair qu’ on ne saurait atteindre « la vérité sur soi » en se servant de la méth
457 l’évocation de mes désirs anciens ne me restitue qu’ un dégoût. J’ai cru que je pourrais me regarder sans rien toucher en m
458 irs anciens ne me restitue qu’un dégoût. J’ai cru que je pourrais me regarder sans rien toucher en moi. En réalité, je n’as
459 René Crevel, est la démonstration la plus cynique que je connaisse de ces ravages du sincérisme. Dans la solitude qu’il s’a
460 se de ces ravages du sincérisme. Dans la solitude qu’ il s’acharne à approfondir — il était venu y chercher quelque raison d
461 e comme raison d’une perpétuelle attente »), — ce que l’auteur découvre c’est ce « merveilleux contraire » de l’élan vital
462 ’est ce « merveilleux contraire » de l’élan vital qu’ il nomme élan mortel — générateur de l’incurable tristesse qui rôde da
463 ges du sincérisme. C’est plus exactement faillite qu’ il faudrait. Faillite de toute introspection, en littérature et en mor
464 mon autoportrait moral : je me compose plus laid que nature. Faut-il conclure avec Gide : « L’analyse psychologique a perd
465 pour moi tout intérêt du jour où je me suis avisé que l’homme éprouve ce qu’il imagine d’éprouver. » Non. Car à supposer qu
466 u jour où je me suis avisé que l’homme éprouve ce qu’ il imagine d’éprouver. » Non. Car à supposer que l’analyse nous crée,
467 e qu’il imagine d’éprouver. » Non. Car à supposer que l’analyse nous crée, elle ne nous crée pas n’importe comment, mais se
468 retrouve notre individualité. Elle nous crée tels que nous tendons à être (plutôt inférieurs, en vertu des remarques précéd
469 me « un perpétuel effort pour créer son âme telle qu’ elle est ». Il voyait dans cet effort sur soi le gage d’un enrichissem
470 re. Cependant, n’est-ce pas lui-même qui ajoutait que l’homme sincère « en vient à ne plus pouvoir même souhaiter d’être di
471 , le cas extrême d’un Crevel nous montre assez ce qu’ il faut penser2. Il ne s’en suit pas que contenue dans des limites ass
472 assez ce qu’il faut penser2. Il ne s’en suit pas que contenue dans des limites assez étroites empiriquement fournies par l
473 les bénéfices sont maigres en regard des dangers que la sincérité du noli me tangere fait courir, tant dans le domaine lit
474 gere fait courir, tant dans le domaine littéraire que dans celui de l’action. En littérature : refus de construire, de comp
475 La fonction de l’homme est aussi bien de croire que de constater. F. Raub. La sincérité obstinée d’un Rivière n’a plus
476 rop sincère, pas sincère. Ou bien si l’on prétend que la sincérité est la recherche, puis l’acceptation de toute tendance d
477 ’acceptation de toute tendance du moi, je réponds que le mensonge est sincère aussi, qui révèle mon besoin de mentir. Il de
478 ident3 — mais jamais au point d’oublier la vérité qu’ on désirait qu’ils cachent pour un moment. « L’art est un mensonge, ma
479 amais au point d’oublier la vérité qu’on désirait qu’ ils cachent pour un moment. « L’art est un mensonge, mais un bon artis
480 essaire à la vie, n’est-ce pas être sincère aussi que de s’y prêter ? Or, il vous tire aussitôt de l’indétermination violen
481 vous tire aussitôt de l’indétermination violente qu’ est la sincérité selon Rivière. La sincérité véritable vous pousse à f
482 éritable vous pousse à faire le saut dans le vide qu’ exige toute foi ; c’est la volonté de sincérité, c’est-à-dire une sinc
483 e, qui retient de l’oser. Petite anthologie ou que le « style » est de l’homme même J’en étais à peu près à ce point
484 t de mes notes — à ce point de mon dégoût pour ce que beaucoup continuaient d’appeler sincérité et qui me devenait inintell
485 ntion qui altérerait leur moi ; ils ne souhaitent que d’être leur propre témoin, intelligent mais immobile : ce sont les mê
486 ale de M. Godeau serait définie par l’aspect seul qu’ il souffrirait de garder lui-même à son propre regard. Ainsi la valeur
487 ur morale d’un homme équivalait-elle à l’illusion qu’ il était capable d’entretenir sur lui-même. (Marcel Jouhandeau.) Ce qu
488 ’entretenir sur lui-même. (Marcel Jouhandeau.) Ce qu’ on appelle une œuvre sincère est celle qui est douée d’assez de force
489 olescence où l’on soupçonne pour la première fois que certains, peut-être, jouent leur vie. Rien ne paraît plus sinistre à
490 s l’intensité d’un sentiment intime, ce moi idéal que j’appelle en chaque minute de ma joie est plus réel que celui qu’une
491 appelle en chaque minute de ma joie est plus réel que celui qu’une analyse désolée s’imaginait retenir. Dès lors, ce n’est
492 chaque minute de ma joie est plus réel que celui qu’ une analyse désolée s’imaginait retenir. Dès lors, ce n’est pas lâcher
493 s lors, ce n’est pas lâcher la proie pour l’ombre que de tendre vers ce modèle. Dirais-je que c’est ma sincérité d’y aller
494 r l’ombre que de tendre vers ce modèle. Dirais-je que c’est ma sincérité d’y aller par les moyens les plus efficaces ? Mais
495 rêtais bien quelques voiles à mon dégoût d’un moi que la vie me montrait si désespérément vrai, tyrannique, insuffisant. Ma
496 sion particulière, ne pouvait non plus s’imaginer qu’ elle en pût être privée. Alors, acquiesçant vivement à l’invite que je
497 re privée. Alors, acquiesçant vivement à l’invite que je soupçonnais la plus riche d’inconnu, je m’élançais sur la voie qu’
498 a plus riche d’inconnu, je m’élançais sur la voie qu’ elle m’ouvrait, avec tant de rires amis, vers tout ce que momentanémen
499 m’ouvrait, avec tant de rires amis, vers tout ce que momentanément je choisissais de laisser — et des baisers à tous les v
500 is de laisser — et des baisers à tous les vents — qu’ il eût été loisible d’attribuer comme objet à ma jubilation, non pas c
501 e portais, mais bien ces figurants de mon bonheur que je me conciliais pour des retours possibles. C’est ainsi que fidèle à
502 onciliais pour des retours possibles. C’est ainsi que fidèle à soi-même au plus profond de l’être, on entretient comme une
503 e. Mais c’est une honnêteté peut-être plus réelle que l’autre. Et l’on conçoit que ce constant et secret assujettissement a
504 eut-être plus réelle que l’autre. Et l’on conçoit que ce constant et secret assujettissement au moi idéal exige une politiq
505 timents plus subtile et, je pense, moins vulgaire que cette agilité offensive qu’on appelle dans la vie publique arrivisme,
506 pense, moins vulgaire que cette agilité offensive qu’ on appelle dans la vie publique arrivisme, et séduction dans les salon
507 ocrisie envers soi-même une volonté — si profonde qu’ elle n’a pas besoin de s’expliciter pour être efficace — qui m’interdi
508 je ne veux plus souffrir. (Car il n’est peut-être qu’ une espèce de souffrance véritablement insupportable, c’est celle qu’o
509 uffrance véritablement insupportable, c’est celle qu’ on tire de soi-même.) Hypocrisie, ce sourire des sphinx ; hypocrisie,
510 risie, masque ambigu d’une liberté plus précieuse que toute certitude… Ô vérité, ma vérité, non pas ce que je suis, mais ce
511 toute certitude… Ô vérité, ma vérité, non pas ce que je suis, mais ce que de toute mon âme je veux être !… 1. La vérita
512 érité, ma vérité, non pas ce que je suis, mais ce que de toute mon âme je veux être !… 1. La véritable description de l’
513 le premier exemple, ce serait le récit des gestes qu’ il m’aurait fait commettre. Manifester est plus sincère qu’analyser.
514 urait fait commettre. Manifester est plus sincère qu’ analyser. 2. D’ailleurs toute la psychologie moderne souligne la quas
515 criture, l’affirmation prouve moins une certitude qu’ un désir de certitude né de quelque doute au fond. » (René Crevel) b.
36 1926, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Avant-propos (décembre 1926)
516 u temps, en général, et sur celles en particulier qu’ implique la publication de notre revue. Mais nous savons, tout comme M
517 otre revue. Mais nous savons, tout comme M. Coué, que ce serait de mauvaise méthode. Et, comme M. Coué, nous nous persuadon
518 méthode. Et, comme M. Coué, nous nous persuadons que tout ira très bien. Les circonstances l’exigent, d’ailleurs, plus que
519 en. Les circonstances l’exigent, d’ailleurs, plus que jamais, et plus que jamais, nous semble-t-il, notre revue a sa raison
520 s l’exigent, d’ailleurs, plus que jamais, et plus que jamais, nous semble-t-il, notre revue a sa raison d’être. La vie d’au
521 tre parfois quelque peu impertinente. Le fait est que nous éprouvons irrésistiblement l’obligation d’être nous-mêmes. Et, d
522 ite, c’est en cela uniquement — être nous-mêmes — que consistera notre programme. Sans doute, les différences s’accusent :
523 bénéfice en retour. Certes, nous ne demandons pas qu’ on prenne toutes nos obscurités pour des profondeurs. Et nous n’allons
524 ationnelle révision des valeurs. Nous savons bien que nous ne faisons que passer, après tant d’autres, avant tant d’autres.
525 des valeurs. Nous savons bien que nous ne faisons que passer, après tant d’autres, avant tant d’autres. « Amis, ce sont les
526 , mais seulement de retenir sa place au spectacle qu’ ils offrent et de les considérer avec sympathie. Il est bien facile de
527 près moi, le déluge ! », et de se détourner de ce qu’ on a coutume d’appeler notre « désordre ». Mais on est toujours le fil
528 iens » — prétention éminemment peu bellettrienne. Que sommes-nous donc ? Le plus qu’on puisse dire, c’est que vous le saure
529 peu bellettrienne. Que sommes-nous donc ? Le plus qu’ on puisse dire, c’est que vous le saurez un peu mieux quand vous aurez
530 mmes-nous donc ? Le plus qu’on puisse dire, c’est que vous le saurez un peu mieux quand vous aurez lu nos huit numéros. Il
531 eux quand vous aurez lu nos huit numéros. Il faut que notre revue reste cette chose unique et indéfinissable, comme toute c
532 de fleurs disparates, aux tiges divergentes, mais qu’ un ruban rouge et vert lie par la grâce d’une volonté sans doute divin
37 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Louis Aragon, Le Paysan de Paris (janvier 1927)
533 an de Paris (janvier 1927)ab « Je n’admets pas qu’ on reprenne mes paroles, qu’on me les oppose. Ce ne sont pas les terme
534 « Je n’admets pas qu’on reprenne mes paroles, qu’ on me les oppose. Ce ne sont pas les termes d’un traité de paix. Entre
535 nces pittoresques de ce petit livre. Quant à ceux que certaines envolées magnifiques et hagardes pourraient enthousiasmer i
536 et sans rire : « À mort ceux qui paraphrasent ce que je dis ». Il y a chez Aragon une folie de la persécution, qui se cher
537 es sombres délires, des pages d’un lyrisme inouï. Que Louis Aragon ne se croie pas tenu de justifier ses visions par le moy
538 ar le moyen d’une métaphysique aussi prétentieuse qu’ incertaine. Son affaire, c’est l’amour, et certain désespoir vaste et
38 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Billets aigres-doux (janvier 1927)
539 rs. L’amour est un alibi Nos lèvres sitôt que jointes, Ô dernier mensonge tu, Je m’enfuis vers d’autres rêves Où so
540 els anges fous. L’horaire dicte un adieu, La mode qu’ on rie des pleurs, Lors je baise votre main Comme on signe d’un faux n
39 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conte métaphysique : L’individu atteint de strabisme (janvier 1927)
541 ns de chasse gardée du ci-devant soleil. C’est là qu’ Urbain, premier du nom dans sa famille, laquelle n’avait compté jusqu’
542 ts et un chapelier dont tous s’accordaient à dire qu’ il ne péchait que par excès de bonne humeur printanière, Urbain donc,
543 r dont tous s’accordaient à dire qu’il ne péchait que par excès de bonne humeur printanière, Urbain donc, premier mauvais g
544 rbain ouvrit les yeux et ne vit rien. On rappelle que les étoiles s’étaient décrochées de leur poste dans l’éternité. « Éte
545 ité judiciaire et française, dédaigna des avances que la perte de son sens de l’éternel rendait pourtant considérables, au
546 vers le néant, retourna ses poches, ôta ses gants qu’ il jeta, puis, après un grand coup de pied dans le vide symbolique des
547 ide symbolique des systèmes, sortit, c’est-à-dire qu’ il fit un pas dans une direction quelconque. L’étoile pleurait, sentim
40 1927, Articles divers (1924–1930). Conférence d’Edmond Esmonin sur « La révocation de l’édit de Nantes » (16 février 1927)
548 l’édit de Nantes » (16 février 1927)i Le sujet que M. Esmonin, professeur à la Faculté des lettres de Grenoble, traita m
549 n système préconçu. (Cette attitude est plus rare qu’ on ne le croit, de nos jours.) M. Esmonin montra avec beaucoup de clar
550 Louis XIV commit un des actes les plus vexatoires que l’histoire ait enregistrés. Après avoir fait un tableau de la France
551 eur désir de gagner le ciel, persuadent Louis XIV que la révocation serait une œuvre digne du Roi-Soleil et capable de lui
552 d’eux s’indigne, dans une lettre à Louvois, de ce que « les dragons ont été les meilleurs prédicateurs de notre Évangile ».
553 utions contre ceux qui n’ont commis d’autre crime que de « déplaire au roi » vont reprendre de plus belle : la guerre civil
554 ades. M. Esmonin s’abstient d’en faire un tableau qu’ il suppose présent à l’esprit de ses auditeurs. Il termine en citant l
555 histoire de la France. Déviation telle, en effet, que nous en sentons les conséquences de nos jours encore, ajoute M. Esmon
556 urs encore, ajoute M. Esmonin. Et nous ne pouvons que nous réjouir de retrouver bientôt dans l’ouvrage qu’il va consacrer à
557 nous réjouir de retrouver bientôt dans l’ouvrage qu’ il va consacrer à Louis XIV l’exposé si dénué de parti pris, si libre
41 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Barbey, La Maladère (février 1927)
558 rogressive et réciproque des conjoints. » On sait que Beyle appelait cristallisation une fièvre d’imagination qui orne de b
559 le ne sait plus leur imposer de feindre encore ce que le cœur ne ressent plus, il suffit de quelques mois aux jeunes époux
560 l’un l’autre. Pourtant, jusqu’au bout, il semble qu’ un mot, un geste décisif, ou certaine amitié de la saison suffirait à
561 rfide qui les tourmente. Mais il faudrait d’abord qu’ ils se soient délivrés d’eux-mêmes pour que ce mot, ce geste, soient p
562 geste, soient possibles. C’est d’Armande surtout qu’ on les attendrait, plus franche d’allure. On ne sait ce qui la retient
563 nt par un geste, une nuance du paysage, une image qu’ on garde comme un pressentiment. Ce n’est qu’à force de discrétion dan
564 mage qu’on garde comme un pressentiment. Ce n’est qu’ à force de discrétion dans les moyens qu’il parvient à une certaine pu
565 Ce n’est qu’à force de discrétion dans les moyens qu’ il parvient à une certaine puissance de l’effet, aux dernières pages.
566 êtres dont la détresse est d’autant plus cruelle qu’ elle est contenue sous des dehors trop polis. Une fois fermé le livre
567 ie la justesse de son analyse pour n’évoquer plus que des visions où se condense le sentiment du récit. Dans le Cœur gros,
42 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Montclar (février 1927)
568 Pourtalès, Montclar (février 1927)ad L’on aime que , pour certains hommes, écrire ne soit que le recensement passionné de
569 on aime que, pour certains hommes, écrire ne soit que le recensement passionné de leur vie, ou l’aveu déguisé d’une insatis
570 leur vie, ou l’aveu déguisé d’une insatisfaction qu’ elle leur laisse. Montclar est l’auteur de vers de jeunesse auxquels i
571 esse auxquels il ne tient guère, et l’on comprend que ce journal bientôt les rejoindra dans l’armoire aux souvenirs. Cette
572 ire aux souvenirs. Cette façon de ne pas y tenir, qu’ il manifeste en toute occasion de sa vie est peut-être ce qui nous le
573 e complot de la commodité ». Mais plus voluptueux que philosophe, c’est à l’amour qu’il ira demander la souffrance indispen
574 s plus voluptueux que philosophe, c’est à l’amour qu’ il ira demander la souffrance indispensable au perfectionnement de son
575 indispensable au perfectionnement de son âme. Et qu’ importe si les Allemands qui, fréquente sontae, pour notre plaisir, un
576 sontae, pour notre plaisir, un peu plus viennois que naturel s’il parle de choses d’art comme on fait dans Proust, si les
577 d’art comme on fait dans Proust, si les passions qu’ il nous peint sont ici tant soit peu russes, et là, gidiennes. Il se c
578 -dessus. Il se connaît avec une sorte de froideur que l’on dirait désintéressée si elle n’avait pour effet de souligner, pl
579 sée si elle n’avait pour effet de souligner, plus que ses succès, certaines faiblesses qu’il recherche secrètement, parce q
580 ligner, plus que ses succès, certaines faiblesses qu’ il recherche secrètement, parce que de ces « ratages » naît le perpétu
581 st la condition de son progrès moral. C’est ainsi qu’ il consent, non sans une imperceptible satisfaction, l’aveu d’une fond
582 ’on finit. Et peut-être l’amour n’est-il possible qu’ entre deux cœurs que l’épreuve du plaisir n’a pas exténués. Mais alors
583 tre l’amour n’est-il possible qu’entre deux cœurs que l’épreuve du plaisir n’a pas exténués. Mais alors quelle avidité crue
584 un peu sombre qui s’en dégage, sagesse qui veut «  que nous appelions les âmes à la vie après seulement toutes les morts du
585 nt toutes les morts du plaisir », car elle sait «  qu’ entre les êtres, le bonheur est un lien sans durée. Seules la souffran
586 e une arrière-pensée inquiète et un peu hautaine. Que la composition de cette réminiscence soit assez facile et « artiste »
587 te espèce de modestie de l’allure est rare autant que sympathique, dans le temps que sévit l’inflation littéraire la plus r
588 re est rare autant que sympathique, dans le temps que sévit l’inflation littéraire la plus ridicule. Pourtant, qu’elle ne l
589 ’inflation littéraire la plus ridicule. Pourtant, qu’ elle ne laisse point oublier que ce livre d’une résonance si humaine,
590 dicule. Pourtant, qu’elle ne laisse point oublier que ce livre d’une résonance si humaine, est mieux que charmant, — doulou
591 ue ce livre d’une résonance si humaine, est mieux que charmant, — douloureux et désinvolte, glacé, passionné. ad. « Guy d
43 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Lettre du survivant (février 1927)
592  » (Les journaux.) Mademoiselle, Il faut d’abord que je m’excuse : c’est un peu prétentieux de vous écrire au moment où je
593 e au moment où je vais me suicider, d’autant plus que vous n’y croirez pas — et pourtant… Il faut aussi que je vous dise qu
594 vous n’y croirez pas — et pourtant… Il faut aussi que je vous dise qu’il fait très froid dans ma chambre : le feu n’a pas p
595 pas — et pourtant… Il faut aussi que je vous dise qu’ il fait très froid dans ma chambre : le feu n’a pas pris, et d’ailleur
596 isir, comme on dit, sans doute parce que c’est là que se nouent les douleurs les plus atrocement inutiles. La première fois
597 drame sur vos traits seulement ; l’écho n’en fut que plus douloureux dans mon cœur. Puis je vous ai oubliée. Puis je vous
598 . Puis je vous ai revue, aux courses, et c’est là que j’ai découvert que vous existiez en moi, à certain désagrément que j’
599 evue, aux courses, et c’est là que j’ai découvert que vous existiez en moi, à certain désagrément que j’eus de vous voir si
600 t que vous existiez en moi, à certain désagrément que j’eus de vous voir si entourée… D’autres fois… je n’ai plus le courag
601 èrent les miens plus d’une fois pendant une danse qu’ il fit avec vous, mais vous les détourniez soudain comme pour vous arr
602 e obsession secrètement attirante ; et je pensais que la force de mon désir était telle que vous en éprouviez vaguement la
603 je pensais que la force de mon désir était telle que vous en éprouviez vaguement la menace. Je dis menace, parce que mes a
604 mes airs sombres vous effrayaient sans doute plus qu’ ils ne vous attiraient. Mais, maintenant, je pense que ces regards cro
605 ls ne vous attiraient. Mais, maintenant, je pense que ces regards croisés n’avaient aucune signification et que mon anxiété
606 regards croisés n’avaient aucune signification et que mon anxiété seule leur prêtait quelque intention. Quand enfin l’orche
607 douleurs. Même, je fus obligé de confier à un ami que j’en avais repris … Les archets jouaient sur mes nerfs. Le jazz marte
608 t la nausée. Je rentrai seul. Voici quelques mots que j’écrivis à ma table en désordre où je venais de jeter mon col de smo
609 sur l’orchestre pensif. Ton regard est plus grand que le chant des violons. Aube dure ! En ma tête rôde ton souvenir, comme
610 lui dire très vite quelques mots si bouleversants qu’ avant le dernier étage… » Je délirais, bien sûr. Je m’imaginais que le
611 er étage… » Je délirais, bien sûr. Je m’imaginais que les vendeuses me dévisageaient de plus en plus impudemment : je devai
612 me disais encore : Si je prends cet ascenseur et que je la croise en route dans l’ascenseur descendant… Il aurait fallu mo
613 se pencher vers la vitre… Je montai. Il n’y avait que des dames. Personne ne parlait. La jeune femme qui s’était penchée vo
614 issés, avides, implorants. Oh ! toutes les femmes que j’ai fait souffrir cette nuit d’un long regard de damné. À minuit, te
615 long regard de damné. À minuit, tellement épuisé que je mêlais à mes pensées des fragments de rêves et les personnages des
616 a fraîcheur de la brume m’apaisa. Sur la promesse que je fis que je me sentais mieux, on me laissa rentrer seul. Je ne sais
617 de la brume m’apaisa. Sur la promesse que je fis que je me sentais mieux, on me laissa rentrer seul. Je ne sais comment j’
618 er seul. Je ne sais comment j’y parvins. Je crois que j’ai marché plusieurs heures avant de retrouver ma rue. Il doit être
619 s appels d’autos dans la ville, mais il me semble que toutes choses s’éloignent de moi vertigineusement, par cette aube inc
620 e ne correspond à rien dans mon esprit. Peut-être que j’ai perdu la notion du temps. Je ne me souviens plus que de cette dé
621 perdu la notion du temps. Je ne me souviens plus que de cette déception insupportable et définitive de mon désir. Je ne vo
622 . (Je le caresse, entre deux phrases.) Mais voici que ce geste de ma mort aussi me lasse, l’image que je m’en forme… Je ne
623 i que ce geste de ma mort aussi me lasse, l’image que je m’en forme… Je ne comprends plus pourquoi je devrais me tuer, pour
624 rquoi je devrais me tuer, pourquoi je souffre, ce que c’est que la souffrance, ce que c’est que ma vie, ma mort. Mon Dieu,
625 evrais me tuer, pourquoi je souffre, ce que c’est que la souffrance, ce que c’est que ma vie, ma mort. Mon Dieu, il n’y a p
626 oi je souffre, ce que c’est que la souffrance, ce que c’est que ma vie, ma mort. Mon Dieu, il n’y a plus qu’un glissement g
627 fre, ce que c’est que la souffrance, ce que c’est que ma vie, ma mort. Mon Dieu, il n’y a plus qu’un glissement gris, sans
628 ’est que ma vie, ma mort. Mon Dieu, il n’y a plus qu’ un glissement gris, sans fin… Il faudrait que je dorme : il n’y aurait
629 plus qu’un glissement gris, sans fin… Il faudrait que je dorme : il n’y aurait plus rien. 4. Encore un qui vous aime, je
44 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Orphée sans charme (février 1927)
630 Et une note d’Orphée précise : « Inutile de dire qu’ il n’y a pas un seul symbole dans la pièce. » Ce qui me gêne pourtant,
631  ». Sa femme l’accuse de « vouloir faire admettre que la poésie consiste à écrire une phrase ». Et cette phrase, c’est un c
632 e la mort. » Or, on découvre à la fin de la pièce que c’est une anagramme un peu ordurière. Ainsi les rêves publiés par les
633 nsait à quelqu’un lorsqu’il écrivit certains vers qu’ on peut lire plus haut : Les anges véritables qui connaissent les sig
634 vant de se lancer sur la corde raide. Je suis sûr qu’ il ne tombera pas. J’admire sans émoi. ⁂ Certes, les qualités scénique
635 ue qui cerne le mystère d’un trait pur. Il semble que Cocteau ait réalisé là exactement ce qu’il voulait. Et pourtant cette
636 l semble que Cocteau ait réalisé là exactement ce qu’ il voulait. Et pourtant cette admirable machine ne m’inquiète guère :
637 e admirable machine ne m’inquiète guère : je sais qu’ elle le conduira où il veut, sans surprises. « Puisque ces mystères me
638 ’auteur : il l’a trop bien organisé. En somme, ce qu’ il faut reprocher à Cocteau, c’est d’avoir réussi complètement une piè
639 complètement une pièce, prouvant une fois de plus que l’atmosphère de l’« art pur » n’est pas respirable. Il ne manque rien
640 al taillé, selon toutes les règles de l’art, mais que l’essence obtenue, si elle est de rose, est sans parfum.   (Tout de m
641 verrais une preuve, pour mon compte, dans le fait que je ne sais parler de lui autrement que par métaphores.) 5. M. Zimme
642 ns le fait que je ne sais parler de lui autrement que par métaphores.) 5. M. Zimmer, dans la Gazette de Lausanne . Et mê
45 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’autre œil (février 1927)
643 e. Nous devons, nous pouvons faire quelque chose. Que diable ! nous ne sommes pas des imbéciles, nous ne sommes pas de ces
644 ciles, nous ne sommes pas de ces gens qui croient que 2 et 2 font 22, et qui confondent Jérôme et Jean Tharaud ! » Il y a d
645 esponsabilité s’empare de nous. Et nous calculons qu’ il s’agit de déranger 5000 personnes en huit soirées, et de les occupe
646 là, bas-toi là ! »… Est-il plus atroce spectacle que celui d’une maîtresse jadis belle et diserte qui tombe au ruisseau en
647 n’a pas la foi. Topin, Mahomet désabusé, constate que jamais « la Montagne » ne saura venir au prophète, même s’il se nomme
648 u mariage de nos veilles et de nos rêves », ainsi que le disait si poétiquement le programme. Un peu d’histoire (erratum de
649 à Mossoul de se perdre dans des jupons autrement que par métaphore. À La Chaux-de-Fonds, il y eut trente membres et cent d
650 s’éteignit dans les neiges. Un jour, on s’aperçut que cette chose avait recommencé, qu’on appelle, sans doute par antiphras
651 r, on s’aperçut que cette chose avait recommencé, qu’ on appelle, sans doute par antiphrase, la vie. 6. Revue ou prologue
46 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Ô toi que j’eusse aimée… (mars 1927)
652 Edmond Jaloux, Ô toi que j’eusse aimée… (mars 1927)af M. Edmond Jaloux offre l’exemple rare
653 M. Edmond Jaloux offre l’exemple rare d’un homme que son évolution naturelle a rapproché, dans sa maturité, des jeunes gén
654 ver les indices chez ses jeunes contemporains, et qu’ il vient appuyer de son autorité de critique et surtout de son expérie
655 nnages pour remercier ; (pouvait-il mieux trouver qu’ un René Dubardeau pour cette ambassade). Parfois l’on se demande si l’
656 é en face des personnages de Jaloux. Et peut-être que la comtesse Rezzovitch a rencontré M. Paul Morand, mais elle a dû le
657 ’aura pas été tentée de lui faire ces confidences qu’ elle livre si facilement au héros plus confiant et secrètement incerta
658 une femme qui incarne aussitôt à ses yeux tout ce qu’ il attend de l’amour. Une confidence, un baiser, et il ne la reverra j
659 lettres, sans les envoyer. Il apprend sa mort, et qu’ elle l’aurait peut-être aimé. Enfin, divorcé, seul, il la revoit dans
660 un réalisme discret mais précis et le sens de ce qu’ il y a en nous d’essentiel, de ce qui détermine nos actes avant que la
661 t un système de valeurs lyriques et sentimentales que la raison ignore ou tyrannise aveuglément, car « nous avons dressé no
662 p amer et celui du roman lyrique, par l’équilibre qu’ il maintient entre ces deux inconscients : l’époque et l’être secret d
663 l’époque et l’être secret du héros. Il sait mieux que quiconque aujourd’hui faire éclater dans un cadre très moderne où s’a
664 t pas la fin ni le sens véritable, mais seulement qu’ elles ont fait souffrir. Rendez-vous manqués, lettres perdues, aveux i
665 up d’amis inconnus. af. « Edmond Jaloux : Ô toi que j’eusse aimée… (Plon, Paris) », Bibliothèque universelle et Revue de
47 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Entr’acte de René Clair, ou L’éloge du Miracle (mars 1927)
666 haud ». Affreux. Aussi : « Elle mourut. » On voit que cette bande est antérieure à l’époque du long baiser de conclusion. L
667 ilm japonais : une historiette un peu plus banale que nature, très bien photographiée. C’est le film du type « Jeux de sole
668 aisons obliques, montagnes russes. (J’ai regretté que René Clair ne nous donne pas la vision du mort.) Enfin le cercueil ro
669 grâce de trop de plaisir. Mais je ne suis pas sûr que le plaisir du public fût de même essence que le nôtre. Les gens rient
670 sûr que le plaisir du public fût de même essence que le nôtre. Les gens rient à l’enterrement au ralenti, à l’éclatement d
671 cinéma. Quand la danseuse paraît, ils n’attendent que le moment où ils pourront se pousser en disant : « C’que c’est cochon
672 essous mais accueille le résultat avec la naïveté qu’ il faut, approuve et dit : « C’est bien ça, c’est comme quand on rêve.
673 e imaginaire en montre (beaucoup trop à mon gré). Qu’ une sorcière transforme un homme en chien, cela n’a rien d’étonnant au
674 photographie d’une chose qui ne serait étonnante que dans le réel ; ce n’est pas encore un miracle de ciné. Et les fées pa
675 s quelle harmonie… C’est une réalité aussi réelle que celle dont nous avons convenu et que nous pensions la seule possible.
676 aussi réelle que celle dont nous avons convenu et que nous pensions la seule possible. Le monde « normal » nous apparaît al
677 aît alors comme l’une seulement des mille figures que peut revêtir une substantia dont nos sens trop faibles — bornés encor
678 e, non Madame, car alors quoi de plus surréaliste que le film 1905. Ce n’est peut-être qu’une question d’imagination ; il r
679 surréaliste que le film 1905. Ce n’est peut-être qu’ une question d’imagination ; il reste qu’un film comme Entr’acte est u
680 eut-être qu’une question d’imagination ; il reste qu’ un film comme Entr’acte est une aide puissante. Nous faisons nos premi
681 urés sauront enfin gagner de vitesse les prodiges que déclenche René Clair, verrons-nous, pris par surprise dans l’explorat
48 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Notre inquiétude (avril 1927)
682 re inquiétude (avril 1927)ag Il faut souhaiter que ce témoignage sur les générations nouvelles et leurs maîtres soit lu
683 unit en lui à l’état de velléités contradictoires que son intelligence très nuancée maintient en une sorte d’instable équil
684 en une sorte d’instable équilibre, les tendances que ses contemporains ont poussées à l’extrême avec moins de prudence mai
685 ui fait la grandeur et la misère de l’époque — et qu’ il avoue préférer à une certitude trop vite atteinte, où sa jeunesse n
686 ude trop vite atteinte, où sa jeunesse ne verrait qu’ une abdication. Il décrit la « génération nouvelle » avec une intellig
687 aigu d’analyse qui conduit à la dispersion autant qu’ à l’approfondissement du moi, soif de tout et pourtant mépris de tout,
688 re M. Rops a-t-il trop négligé le rôle extérieur, que je crois décisif, des conditions de la vie moderne.) Après avoir défi
689 ffrent aux jeunes gens d’aujourd’hui. Il constate que l’une (celle de Gide) ne fait que différer notre inquiétude, tandis q
690 ui. Il constate que l’une (celle de Gide) ne fait que différer notre inquiétude, tandis que l’autre « ne ruine notre angois
691 ude, tandis que l’autre « ne ruine notre angoisse qu’ en y substituant ce qui ne vient que de Dieu : la Foi ». Acculée à la
692 otre angoisse qu’en y substituant ce qui ne vient que de Dieu : la Foi ». Acculée à la rigueur d’un choix presque impossibl
693 iment les deux termes d’un dilemme, l’une n’étant que le chemin qui mène à l’autre ? Car la foi naît de l’inquiétude autant
694 l’autre ? Car la foi naît de l’inquiétude autant que de la grâce, et régénère sans cesse l’inquiétude autant que la séréni
695 grâce, et régénère sans cesse l’inquiétude autant que la sérénité… Au reste, n’est-elle pas de M. Rops lui-même, cette phra
49 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Louis Aragon, le beau prétexte (avril 1927)
696 , le beau prétexte (avril 1927)j Ah ! je sens qu’ une puissance étrangère s’est emparée de mon être et a saisi les corde
697 a saisi les cordes les plus secrètes de mon âme, qu’ elle peut faire désormais vibrer à sa fantaisie, même si cela doit m’a
698 Il n’existe pas de théorie du salut. Il n’existe que des systèmes pour faire taire en nous l’appel vertigineux du Silence.
699 ux, mais c’est pour détourner nos regards de cela qu’ il faut bien nommer le Vide. Tant de séductions nous ont en vain tenté
700 rtant si éprouvées par le repas dont vous sortez, que ces trois mots où se résume la défense de la loi sociale, patriotique
701 vous rallumez votre cigare. Vous vous êtes assuré que la porte ferme bien sur l’infini. Rien à craindre de ce côté. Retourn
702 et d’autres, à travers les déserts de la sainteté que hantent les fantômes adorables du désir, — quelques hommes y pénètren
703 aibles s’efforcent — mais déjà c’est de plus loin qu’ il les nargue. Il connaît enfin une solitude défendue de tous côtés pa
704 igneuses, de bravades et de faciles tricheries8 — qu’ ait connue l’esprit humain. Sens de l’Absolu, sens de la pureté ou fan
705 dominés par le sens d’une réalité morale absolue que certains d’entre nous eussent acheté au prix d’un martyre… Nos jugeme
706 n’est nulle part9 ». Ultime affirmation d’une foi que plus rien ne peut duper. Depuis certaines paroles sur la Croix, il n’
707 ine, et vous aurez beau rire, pharisiens, et dire qu’ elle est née dans un café de Paris. « Je n’attends rien du monde, je n
708 arbes. Je viens d’entendre la voix d’un mystique. Que si l’on vient nous empêtrer de dogmes bassement ingénieux : « Si j’es
709 à la notion de Dieu, répond Aragon, je me révolte qu’ elle puisse en aucun cas servir d’argument à un homme. » Voilà qui nou
710 clues toutes grandeurs au profit de fuites lâches qu’ on veut nommer renoncements ! Jouant tout sur une révélation possible,
711 enne comment aimer un Dieu. Ce n’est pas à genoux qu’ on attendra : pour que cela eût un sens, il faudrait être sûr de n’avo
712 e encore Aragon, sinon qui ? — sa grandeur, c’est qu’ il lui faut atteindre Dieu ou n’espérer plus aucun pardon. II No
713 ce. Et voici Aragon revêtu d’une dignité tragique qu’ il trouverait sans doute un peu ridicule. C’est ainsi que l’on arrive
714 rouverait sans doute un peu ridicule. C’est ainsi que l’on arrive à croire, pour un autre, que c’est arrivé, ajoutant foi,
715 st ainsi que l’on arrive à croire, pour un autre, que c’est arrivé, ajoutant foi, dans tous les sens qu’admet ce terme, à d
716 ue c’est arrivé, ajoutant foi, dans tous les sens qu’ admet ce terme, à des exaltations que leur lyrisme rendait seules cont
717 ous les sens qu’admet ce terme, à des exaltations que leur lyrisme rendait seules contagieuses. Comment, en effet, ne pas v
718 ent, en effet, ne pas voir la part de littérature que renferme cette œuvre, et qui fait, en dépit des prétentions désoblige
719 le pour le scandale qui a le mérite de n’être pas qu’ un jeu littéraire. Mais enfin, c’est encore un Musset, seulement trans
720 ts. » Une belle phrase, n’est-ce pas ? Je ne sais qu’ un Montherlant qui pourrait l’oser dire comme Aragon sans ridicule. Et
721 ait l’oser dire comme Aragon sans ridicule. Et ce que je prenais pour le ton prophétique, ne serait-ce pas plutôt une sorte
722 possible par sous-entendu. Pas plus « ailleurs » que sur ce « globe d’attente » comme dit Crevel. Pourtant, le plus irrévo
723 rtant, le plus irrévocable désespoir n’est encore qu’ un appel à la foi la plus haute.   1er mai 1927. Mieux vaut pécher pa
724 .   1er mai 1927. Mieux vaut pécher par ridicule que par scepticisme ; par excès que par défaut. L’enthousiasme trompe moi
725 cher par ridicule que par scepticisme ; par excès que par défaut. L’enthousiasme trompe moins que le bon sens. Don Quichott
726 excès que par défaut. L’enthousiasme trompe moins que le bon sens. Don Quichotte est tout de même moins misérable que Cléme
727 s. Don Quichotte est tout de même moins misérable que Clément Vautel — et si ce nom revient sous ma plume, comme une mouche
728 si ce nom revient sous ma plume, comme une mouche qu’ on n’a jamais fini de chasser parce qu’elle n’a pas mérité du premier
729 sser parce qu’elle n’a pas mérité du premier coup qu’ on se donne la peine de l’écraser, — c’est qu’il symbolise tout cet ét
730 oup qu’on se donne la peine de l’écraser, — c’est qu’ il symbolise tout cet état d’esprit « bien Parisien » dont de récentes
731 ibrairie montrèrent les ravages bien plus étendus qu’ on n’osait le craindre11. Si dans un essai sur la sincérité j’ai soute
732 1. Si dans un essai sur la sincérité j’ai soutenu qu’ une introspection immobile ne retient rien de la réalité vivante ; si
733 récuse ici certain sens critique dont on voudrait que soient justiciables les œuvres d’un écrivain, les démarches de sa pen
734 é notre orgueilleuse raison à nous tromper sur ce qu’ il y a de profond en nous, et elle ne manque guère à ce devoir sacré. 
735 Le Sens Critique. — Il y a un certain temps déjà que nous ne nous sommes revus. Mais je suis vos travaux avec intérêt, et
736 je suis vos travaux avec intérêt, et il m’a paru que depuis quelque temps… enfin, comment dirais-je… je me suis dit que je
737 e temps… enfin, comment dirais-je… je me suis dit que je pourrais, en quelque sorte, vous être de quelque utilité… Moi. — 
738 op d’êtres et de choses à aimer, et vous savez ce que cela suppose. Comprenez-moi : submergés, absolument… Le Sens Critiqu
739 ’aurais en quelque manière la prétention… Moi. —  Que voilà un singulier impertinent de votre part. (Le reconduisant :) Cro
740 ne peut rien faire sans vous. Mais n’oubliez pas que « l’artiste serait peu de chose s’il ne spéculait sur l’incertain »,
741 ar enfin, elle est déesse. Mais entre leurs mains qu’ est-elle devenue ? C’est bien leur faute si elle nous apparaît aujourd
742 is. » Alors la voix de Rimbardk à la cantonade : Qu’ il vienne, qu’il vienne Le temps dont on s’éprenne ! Les œuvres les
743 voix de Rimbardk à la cantonade : Qu’il vienne, qu’ il vienne Le temps dont on s’éprenne ! Les œuvres les plus significa
744 s en haine de l’époque12. Le reproche d’obscurité que l’on fait à la littérature moderne n’est qu’une manifestation de ce d
745 rité que l’on fait à la littérature moderne n’est qu’ une manifestation de ce divorce radical entre l’époque et les quelques
746 tion à nous, dans tel domaine. Et c’est même ceci que je ne puis pardonner aux surréalistes : qu’ils aient voulu s’allier a
747 ceci que je ne puis pardonner aux surréalistes : qu’ ils aient voulu s’allier aux dogmatiques d’extrême gauche. Je ne dirai
748 extrême gauche. Je ne dirai pas, comme on a fait, que c’est très joli de crier merde pour Horace, Montaigne, Descartes, Sch
749 une révolution en fonction du capitalisme. Est-ce que vraiment vous ne pouvez vous libérer de cette manie française, la pol
750 nie française, la politique, et ne voyez-vous pas que c’est faire le jeu de vos ennemis de discuter avec eux dans leur lang
751 ur langue et de crier rouge pour la simple raison qu’ ils ont dit blanc ? Pensez-vous combattre cet esprit « bien français »
752 otre mépris, en prenant le contre-pied de tout ce qu’ il inspire ? Alors que cette réaction même est ce qu’il y a de plus fr
753 il inspire ? Alors que cette réaction même est ce qu’ il y a de plus français ; que c’est elle qui donne au surréalisme ce p
754 réaction même est ce qu’il y a de plus français ; que c’est elle qui donne au surréalisme ce petit côté jacobin si authenti
755 aurait trop à dire, et puis l’on croirait encore que je suis avec ceux qui traitent Aragon, Breton et leurs amis alternati
756 s ont tort, envers et contre toutes les critiques qu’ on pourrait leur adresser, parce que ces « maudits » ont la grâce, par
757 n’étaient pas des êtres, mais leurs abstractions que nous haïssions. Notre haine de certaine morale ne venait-elle pas de
758 haine de certaine morale ne venait-elle pas de ce qu’ en son nom l’on mesurait odieusement une sympathie humaine pour nous s
759 magnifique perdition dans des choses plus grandes que nous. Nous nous connaissions dans les coins et nous mourions d’ennui
760 les aspects irrévocablement prévus de nous-mêmes que faisaient paraître les petits faits de nos longues journées. Nous aim
761 olution ; parce que cette révolution ne demandait qu’ à s’asseoir et que son siège était fait. Nous aimions la Révolution qu
762 e cette révolution ne demandait qu’à s’asseoir et que son siège était fait. Nous aimions la Révolution qui nous perdrait co
763 , la révolution-vice. Mais on ne vit, on ne meurt que de vices. ⁂ Ici le lecteur se rassure. « Il s’y retrouve. » Il pense
764 lecteur se rassure. « Il s’y retrouve. » Il pense que c’est bien jeune. Et : encore un qui rue dans les brancards, c’est tr
765 inconscience de ruminants ou neurasthénie, est-ce que vraiment vous vous êtes tellement amusés avec vos chers principes. R
766 lerons vos langues aériennes. On n’acceptera plus que des valeurs de passion. Balayez ces douanes de l’esprit, proclamez le
767 rannie des souvenirs ; et ce n’est pas se libérer que de brasser ces chaînes sonores. 9. Lettre à Paul Claudel. 10. Musse
50 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Quatre incidents (avril 1927)
768 que de tels soupirs, d’ailleurs invraisemblables, qu’ à leurs reflets se fussent évanouis des arcs-en-ciel de névroses dans
769 ec maîtresse. École savait le mythe du voyage, et qu’ on ne manque pas le train bleu d’un désir. Elle était donc venue. Il l
770 jusqu’au soleil toujours de face. Il ne vit plus que la foule des yeux bleus, son éblouissement. Soudain la voici, elle de
771 ais. Il s’est trompé, ce n’est pas elle. Il pensa que c’était un ange, de ceux qui vont à la recherche des âmes. Aussitôt i
772 chéri, si j’aime la comtesse ? Mais tu es si laid que cela me donne encore plus de plaisir. » Le duc paya et s’enfuit en di
773 s de plaisir. » Le duc paya et s’enfuit en disant que ce n’était pas lui. L’enterrement aura lieu sans suite. Suicide du
774 évaporait aux caresses des flocons, plus perfides que des murmures d’adieu. Il tomba parmi les statues, dans l’amitié pensi
775 ment vers le soleil du haut-lac. Justement, voici que tout va s’ouvrir, qu’un monde s’est ouvert devant lui. Et l’eau n’est
776 haut-lac. Justement, voici que tout va s’ouvrir, qu’ un monde s’est ouvert devant lui. Et l’eau n’est pas moins somptueuse.
777 moi, qui regarde comme de l’autre bord, je songe qu’ il est des visites à de certaines grandes dames où je préférais — et l
51 1927, Articles divers (1924–1930). Jeunes artistes neuchâtelois (avril 1927)
778 euchâtel va-t-elle redevenir le centre artistique qu’ elle fut au siècle passé ? Allons-nous assister à un regroupement de s
779 stion est peut-être prématurée. Mais le seul fait qu’ elle se pose me paraît indiquer que l’un au moins des deux éléments né
780 s le seul fait qu’elle se pose me paraît indiquer que l’un au moins des deux éléments nécessaires à ce regroupement existe 
781 s modernes, et sont bien situés pour n’en prendre que le meilleur ; mais l’émulation, l’atmosphère de combat nécessaire au
782 le peintre se trouve placé d’emblée en face de ce qu’ on nomme le gros public. L’épreuve est pénible, énervante, souvent fat
783 écration étrangère. Un jour en effet l’on apprend que tel tableau de jeune est « coté » chez un gros marchand. Aussitôt, le
784 ouchants échos : « C’est avec un légitime orgueil que notre petit pays accueillera cette consécration bien méritée du talen
785 et fortune faite, tout le monde s’accorde à dire qu’ on n’attendait pas moins du fils d’un tel père. « Voilà le train du mo
786 ère. « Voilà le train du monde… » Je ne pense pas qu’ il en faille gémir. Une certaine résistance est nécessaire pour que la
787 s, sachons le reconnaître, il y a moins de malice que de paresse dans les jugements du public, et moins d’incompréhension q
788 s jugements du public, et moins d’incompréhension que de timidité. ⁂ On ne m’en voudra pas de ne citer ni dates de naissanc
789 aux crayons de fard. C’était un peu plus Blanchet que Barraud, plus Picasso que Matisse ; mais il y avait encore du flou, d
790 it un peu plus Blanchet que Barraud, plus Picasso que Matisse ; mais il y avait encore du flou, des courbes complaisantes.
791 À Marin, près Neuchâtel, dans cette petite maison qu’ on reconnaissait entre trente pareilles, aux cactus qui ornaient les f
792 rre, cette tête prisonnière qui regarde ailleurs… Qu’ il sorte enfin et se mette à graver les scènes qu’il voit dans la peti
793 Qu’il sorte enfin et se mette à graver les scènes qu’ il voit dans la petite cité ouvrière, et c’est merveille de constater
794 de la vie. La série de gravures sur bois colorées qu’ il intitule la cité est un petit chef-d’œuvre de réalisme stylisé. C’e
795 licité précieuse », il sait la conférer à tout ce qu’ il touche, qu’il décore une bannière, fabrique une poupée, compose une
796 se », il sait la conférer à tout ce qu’il touche, qu’ il décore une bannière, fabrique une poupée, compose une affiche ou un
797 uvres. Et aussi ce brin de comique un peu bizarre qu’ il glisse si souvent là où on l’attend le moins. Conrad Meili apporte
798 leux, mais les autres sont soulagés. Et ne fût-ce qu’ en prenant une initiative comme celle de Neuchâtel 1927 7 il aura bien
799 tel en collaboration avec Paul Donzé. Qui eût cru que ce paysagiste plutôt impressionniste s’astreindrait jamais aux exigen
800 pinceau la palpe, la presse, la réduit à la forme qu’ il voit. Il y a de la sensualité dans l’écrasement de ses couleurs, un
801 tout leur amour à la peinture pure. Je crois même que , Paul Donzé touché à son tour par la grâce décorative, il n’en reste
802 à son tour par la grâce décorative, il n’en reste qu’ un, du moins à Neuchâtel même : Eugène Bouvier. Ce garçon aux allures
803 d’une ironie mélancolique et qui voient plus loin qu’ on ne croit, mais il a toujours l’air de songer à la Hollande, sa seco
804 ut-être se glisser dans l’atmosphère de l’œuvre ; que l’on consente en effet à telle déformation, et tout devient satisfais
805 e sentiments ou d’état d’âme. Je ne verrais guère que Louis de Meuron, parmi ses aînés, dont on le puisse rapprocher, parce
806 sent sur les toiles de Meuron. Il semble toujours qu’ il peigne entre deux pluies. Il aime ces heures où ciel et onde se mêl
807 s où ciel et onde se mêlent, et sait rendre mieux que personne la liquidité d’un lac, certaines atmosphères délavées et sou
808 re à Rubens. Il fut un temps où l’on put craindre que Charles Humbert ne devînt le chef d’une école du gris-noir neurasthén
809 araissaient dans les Voix (cette courageuse revue qu’ il avait fondée avec J. P. Zimmermann) des dessins d’un dynamisme impé
810 harmonies funèbres, comme un qui n’attendrait pas que l’enterrement s’éloigne pour entonner une chanson à boire. Et sa tech
811 Si la couleur n’est pas encore aussi plantureuse que les formes, il y a une belle richesse de lueurs sur une matière trait
812 d’une abondance très sûrement ordonnée. Je crois qu’ on doit beaucoup attendre de ce tempérament qui fait jaillir en lui sa
813 qui semble se faire une volupté de la discipline qu’ elle s’impose. Et voilà qui fait encore plus « Renaissance » : le cost
814 e tient un livre ouvert, et ce n’est pas je pense qu’ il le lise, mais il aime caresser la reliure qu’il doit avoir faite lu
815 e qu’il le lise, mais il aime caresser la reliure qu’ il doit avoir faite lui-même. Car il est artisan, dans le beau sens an
816 leurs, à encadrer des glaces. Et plaise aux dieux que les visages qui s’y reflèteront soient aussi beaux que ceux qu’il pei
817 es visages qui s’y reflèteront soient aussi beaux que ceux qu’il peint ou modèle, le soir, à la lampe, en compagnie de sa f
818 s qui s’y reflèteront soient aussi beaux que ceux qu’ il peint ou modèle, le soir, à la lampe, en compagnie de sa femme (ell
819 aussi, d’un œil regardant le sujet, de l’autre ce qu’ en fait son mari). Et puis voici François Barraud, le plus jeune des f
820 aissant un moment ce trésor du meilleur réalisme, que nous saurons désormais retrouver, allons errer un peu dans le royaume
821 ivait son petit bonhomme de chemin sans se douter qu’ il avait pris quelques années d’avance sur ses contemporains. Un jour
822  Les jeunes peintres. — Vous suivez la même route que nous ? À la bonne heure ! ». Et l’on repart bras dessus, bras dessous
823 pte. Il a fait de la pâtisserie, mais on m’assure qu’ il se nourrit de noix et d’oranges. Il administre une feuille religieu
824 ieuse. Il déniche à Paris des tableaux mystérieux qu’ il relègue dans son atelier, pêle-mêle avec les siens. Vous retournez
825 sité, l’objet le plus banal se charge de mystère. Que va-t-il se passer là-dedans ? Et ces roses sont le signe de quel occu
826 quel occulte prodige ? Intrigué, vous reprenez ce que vous pensiez n’être qu’une épure : c’est intitulé « nature morte ». P
827 ntrigué, vous reprenez ce que vous pensiez n’être qu’ une épure : c’est intitulé « nature morte ». Pourquoi pas naissance d’
828 possibles sont des pièges à chimères. C’est ainsi qu’ on fait une découverte. Attention qu’André Evard n’aille trouver une d
829 C’est ainsi qu’on fait une découverte. Attention qu’ André Evard n’aille trouver une de ces machines à explorer l’au-delà.
830 raditionnelle, d’un style pourtant assez large et que n’entravait pas son scrupule réaliste. ⁂ Mais voici dans son costume
831 ra s’imposer. Léon Perrin a compris tout le parti qu’ on pouvait tirer des principes cubistes dans un art dont la genèse mêm
832 une décomposition primitive en plans. C’est ainsi qu’ il atteint d’emblée dans ses statues à un beau style dépouillé et hard
833 eur de rugby. C’était le poids de la pierre, plus que celui du corps de l’athlète ; l’œuvre n’atteignait pas encore pleinem
834 e théorique. C’est dans la manière cubiste encore que Perrin décora naguère fort plaisamment une pendule de Ditisheim ; que
835 guère fort plaisamment une pendule de Ditisheim ; que Vincent Vincent, peintre, romancier et critique d’art, compose des co
836 res, des étoffes, d’une somptueuse fantaisie ; et qu’ Alice Perrenoud combine de petits tableaux en papiers découpés, avec u
837 qui, par le fait des circonstances peut-être plus que par de naturelles affinités, se trouvent former un mouvement actif dé
838 ar leur objet et le domaine où elles se réalisent que celles de Le Corbusier8, Meili, Evard, Perrin, manifestent toutes une
839 serait suffisamment atteint si nous n’avions fait qu’ affirmer l’existence et la vitalité d’une jeune peinture originale dan
840 alité d’une jeune peinture originale dans un pays qu’ on s’est trop souvent plu à dire si âpre, prosaïque et d’une maigre vé
841 ’harmonie des lignes ; où la lumière éclaire plus qu’ elle ne caresse ; où pourtant les hivers les plus durs réservent des d
52 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Bernard Lecache, Jacob (mai 1927)
842 r, biblique, austère et probe, qui n’a d’ambition que pour ses enfants. Jacob, l’aîné se révolte. Sensualité, intelligence,
843 dans son avidité de puissance. C’est par l’argent qu’ on domine notre âge : il devient grand industriel, assure sa fortune a
844 ût, le père ajoute : « Notre sang sera vainqueur… Qu’ ils m’oublient, qu’ils me méprisent ! Je les vois régner. Je salue leu
845 : « Notre sang sera vainqueur… Qu’ils m’oublient, qu’ ils me méprisent ! Je les vois régner. Je salue leur Loi. » Le récit g
846 orgueil : osez donc me condamner d’être plus fort que cette bourgeoisie fatiguée, et de suivre le destin que vous m’avez as
847 ette bourgeoisie fatiguée, et de suivre le destin que vous m’avez assigné à force de m’humilier et de me craindre. » ah.
53 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). René Crevel, La Mort difficile (mai 1927)
848 démasquer l’humain, et par l’acharnement angoissé qu’ on y apporte, l’on en vient à une conception de la sincérité qui me pa
849 vre l’individu pieds et poings liés à l’obsession qu’ il voulait avouer pour s’en délivrer peut-être. Cette sincérité ne ser
850 t-être. Cette sincérité ne serait-elle à son tour que le masque d’un goût du malheur ? Le sujet profond de ce roman, où l’o
851 r, sa « maladie », c’est encore l’« élan mortel » que décrivait Mon Corps et Moi. Quand l’analyse féroce de Crevel fouille
852 ce de ce tourment ou de ce sauvage égoïsme ; mais qu’ elle s’acharne sur le détail dégoûtant et mesquin de certain milieu bo
54 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Paul Éluard, Capitale de la douleur (mai 1927)
853 un élixir dont il voudrait bien nous faire croire que le diable est l’auteur. Beaucoup d’oiseaux volètent, se balancent au
854 e « bien français » ; et le mot sang n’évoque ici qu’ une tache de couleur, plus sentimental que cruel. « J’ai la beauté fac
855 que ici qu’une tache de couleur, plus sentimental que cruel. « J’ai la beauté facile et c’est heureux. » Il y a aussi un ce
856 aussi un certain tragique, mais au filet si acéré qu’ on ne sent presque pas sa blessure. Mais c’est ici qu’il s’agit de ne
857 n ne sent presque pas sa blessure. Mais c’est ici qu’ il s’agit de ne pas confondre inexplicable avec incompréhensible. aj
55 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Drieu la Rochelle, La Suite dans les idées (mai 1927)
858 Entre ces deux tentations, cédant à l’une autant qu’ à l’autre, Drieu s’examine. Encore un ? Non, enfin un. Tous les autres
859 l s’examine jusqu’au ventre de sa mère et cognoit que dès lors il a esté corrompu et infect et adonné à mal » (Calvin). Le
860 de redressement où je distingue bien autre chose que les « éclats de l’impuissance ». Un plus délicat eut compris que cert
861 s de l’impuissance ». Un plus délicat eut compris que certains des morceaux très divers qui composent ce livre sont bien ma
862 ’avoir échappé au surréalisme en tant qu’il n’est que le triomphe de la littérature sur la vie, mais d’avoir su en garder u
863 vitalité à notre civilisation, — et je sais bien que c’est là un des signes de sa décadence. Il y a du chirurgien chez ce
56 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Récit du pickpocket (fragment) (mai 1927)
864 m … et je jure par Mercure, dieu du commerce, qu’ on m’a appris à voler. Aristophane (« Les Chevaliers »). Dès qu’on e
865 c’est un long adieu et le corps se fige à mesure que l’esprit s’établit sur ses positions. Or donc, j’avais vingt ans. Je
866 car ils aimaient en moi par-dessus tout la vertu que je leur devais. Pourtant, je ne détournai pas mes yeux des yeux de ce
867 nai pas mes yeux des yeux de cette femme, de peur qu’ elle ne souffrît à cause de moi. Un soir qu’elle pleurait, je l’embras
868 peur qu’elle ne souffrît à cause de moi. Un soir qu’ elle pleurait, je l’embrassai si fort… En un quart d’heure, je connais
869 un quart d’heure, je connaissais l’amour dans ce qu’ il a de plus étrangement prosaïque à la fois et bêtement heureux. Le l
870 partais dans une direction quelconque. Il advint que ce fut celle de l’Italie. La lumière, mon pays natal ! — Je vécus d’a
871  Je vécus d’articles sur la mode et la politique, que j’envoyais à divers journaux. Un jour, parcourant un quotidien de mon
872 ans une chambre d’hôtel où l’on ne voyait d’abord qu’ un bouquet transfiguré par la lumière et que reflétaient de nombreuses
873 abord qu’un bouquet transfiguré par la lumière et que reflétaient de nombreuses glaces. Les fenêtres que j’ouvris firent to
874 ue reflétaient de nombreuses glaces. Les fenêtres que j’ouvris firent tourner des soleils sur les parois claires. Du balcon
875 e un avenir de bonheur fiévreux — celui justement que j’entrevoyais. » Quand elle se fut endormie, je me rhabillai. Je ne t
876 e se fut endormie, je me rhabillai. Je ne trouvai que 100 francs dans son sac à main : c’était assez pour me permettre d’en
877 — je découvris une nuit, au moment de m’endormir, que ma passion du vol n’était qu’une longue vengeance. Ne m’avait-on pas
878 ment de m’endormir, que ma passion du vol n’était qu’ une longue vengeance. Ne m’avait-on pas dérobé des années de joie au p
879 s dérobé des années de joie au profit d’une vertu que tout en moi reniait obscurément. Je sentais bien que le ressort secre
880 s capitalistes et sans gendarmes. Je sais bien ce que vous me direz : Les millions que je pourrais leur soustraire ne compe
881 Je sais bien ce que vous me direz : Les millions que je pourrais leur soustraire ne compenseront jamais cette escroquerie
882 ais être engagé, du plan moral avec l’économique, qu’ une expression nouvelle, et non dénuée d’ironie, de mon mépris pour ce
883 le, et non dénuée d’ironie, de mon mépris pour ce qu’ ils appellent, ridiculement, les fondements mêmes de la société. » C’e
884 est avec le produit du vol d’un tronc de chapelle que j’édifiai à mes parents un tombeau sur lequel je fis graver : Prêté —
885 de ma vie de rat d’hôtel et de sleepings ; encore que … Bref, depuis quelques mois, je m’amuse à jouer le pickpocket. Cela p
886 der au moindre vol. » J’ajouterai, cher Monsieur, que l’analyse psychologique n’est pas mon fort. Je me contente de quelque
887 e me contente de quelques observations théoriques que je tiens pour vraies, et j’en vérifie les manifestations vivantes ave
888 s le véritable intérêt de ma vie. C’est vous dire que seule une certaine caresse de l’événement naissant peut encore m’émou
889 coup. Cela explique, m’a-t-on dit, le peu de goût que j’ai pour la poésie imprimée. » J’allais oublier de vous dire qu’on m
890 poésie imprimée. » J’allais oublier de vous dire qu’ on me nomme Saint-Julien. Vous n’ignorez point que l’on considère ce s
891 qu’on me nomme Saint-Julien. Vous n’ignorez point que l’on considère ce saint comme le patron des voyageurs… » Saint-Julien
892 e, sur cette vie dont le récit n’avait pas laissé que de l’agacer en maint endroit. « Une chose avant tout me frappe — dit-
893 Car, enfin, si je suis ici à vous écouter, c’est que je cherche ce qu’on est convenu d’appeler — pardonnez la lourdeur de
894 suis ici à vous écouter, c’est que je cherche ce qu’ on est convenu d’appeler — pardonnez la lourdeur de l’expression — une
895 e tirer de votre conduite les conclusions morales qu’ elle paraît impliquer, c’est ce caractère de, comment dirai-je…, de ju
896 quelqu’une de ces farces d’étudiants qui ne sont que la traduction en actes de jeux de mots plus ou moins cruels… » — Je v
897 . Je ne saurais y répondre. Je pourrais vous dire que si vous me trouvez un peu potache, il n’est pas prouvé par là que le
898 rouvez un peu potache, il n’est pas prouvé par là que le potache n’ait point raison. Mais justement je n’éprouve aucun dési
899 ir d’avoir raison. Je sens aussi bien que vous ce que mes principes peuvent avoir de « bien jeune », de banal presque, et,
900 t, pour quiconque est aussi profondément persuadé que moi de l’absurdité radicale de notre vie, la moindre farce, le moindr
901 ertaines de mes plaisanteries la dérision secrète qu’ elles masquent par caprice. ..........................................
902 de bas de page indique : « La rédaction rappelle que les idées émises dans la Revue de Belles-Lettres sont propres à leur
903 e de Belles-Lettres sont propres à leur auteur et qu’ elles n’engagent pas sa responsabilité. (N. de la R.) »
57 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Conseils à la jeunesse (mai 1927)
904 Bertrand. Est-ce vraiment aux romantiques de 1830 que ces reproches s’adressent, ou bien plutôt — vous alliez le dire — aux
905 ou deux petits phénomènes sociaux de notre temps que cette méthode ne suffirait pas à supprimer. Or, ils nous paraissent e
906 s ». — Citez-m’en de ces phénomènes ! — Mon Dieu, que dire… Il y aurait, par exemple, ce fait du triomphe de la Machine ; c
907 , merci du conseil, Monsieur Y. Z., de ce conseil que vous avouez modestement n’être pas inédit. Mais point n’est besoin de
908 t n’est besoin de rappeler Candide : nous pensons que bien avant Voltaire il y avait des autruches pour enseigner cette mét
58 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Girard, Connaissez mieux le cœur des femmes (juillet 1927)
909 é. Ah ! comme vous sauriez lui plaire, maintenant qu’ une si triomphante tendresse vous possède ! Justement, voici Pierre Gi
910 la donner. Alors pour vous venger, vous lui dites que , « d’abord », son livre n’est pas sérieux. Il sourit. Vous ajoutez qu
911 livre n’est pas sérieux. Il sourit. Vous ajoutez que le lyrisme des noms géographiques vous fatigue ; que c’est une vraie
912 le lyrisme des noms géographiques vous fatigue ; que c’est une vraie manie de nommer à tout propos d’Annunzio, Pola Negri,
913 entôt vous vous calmez. Car il semble aujourd’hui que ce globe dans son voyage « est arrivé à un endroit de l’éther où il y
914 l’éther où il y a du bonheur ». Vous reconnaissez que Pierre Girard est un peu responsable de cette douceur de vivre. Déjà
915 niez plus sa drôlerie, son aisance. Vous accordez que s’il force un peu la dose de fantaisie, c’est plutôt par excès de fac
916 de fantaisie, c’est plutôt par excès de facilité que par recherche. Vous voilà même tenté de l’en féliciter. Bien plus, vo
917 nuis nous seraient épargnés si nous ne regardions que les jambes des femmes », dit-il, pour vous apprendre ! — sans se dout
918 », dit-il, pour vous apprendre ! — sans se douter que rien ne saurait vous ravir autant que ses impertinences. À ce moment
919 s se douter que rien ne saurait vous ravir autant que ses impertinences. À ce moment s’approche M. Piquedon de Buibuis, qui
59 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). La part du feu. Lettres sur le mépris de la littérature (juillet 1927)
920 roman : c’est trop agréable. Vous dites d’un goût qu’ on aurait pour Nietzsche : que c’est de la littérature. Alors, quelque
921 ous dites d’un goût qu’on aurait pour Nietzsche : que c’est de la littérature. Alors, quelque paysan du Danube survenant :
922 peu grosse, n’est-ce pas ? D’autres prennent soin que leurs sincérités gardent au moins l’excuse d’une audace qu’ils escomp
923 sincérités gardent au moins l’excuse d’une audace qu’ ils escomptent scandaleuse. Mais voici un bar où je vous suis. Vous y
924 aussi qui posent pour le diable et ne se baignent que dans des bénitiers : on voit trop qu’ils trouvent ça pittoresque. Et
925 se baignent que dans des bénitiers : on voit trop qu’ ils trouvent ça pittoresque. Et le plaisir d’être nu devant un public
926 Littérateur, va ! qui ne pouvez pas même admettre que la simplicité est simple simplement. La bouche brûlée d’alcools, vous
927 révèle le littérateur. Nous ne pouvons pas faire que nous n’ayons rien lu. Vous refusez de compter avec cette réalité de l
928 e la littérature qui est en nous (dangereuse tant que vous voudrez). Mais ce refus n’est pas seulement comme vous pensez, d
929 imiter le mal. Je vous vois envahi par des démons que vous prétendez m’interdire de nommer. Mais moi je partage avec certai
930 nom du propriétaire ; tirez un peu sur la laisse, que j’éprouve la fermeté de ma main. Je vous tiens. Je sais où vous êtes.
931 rprendre par-derrière. Une fois — et ce n’est pas que je m’en vante, — j’ai tué un amour naissant, à force de le crier sur
932 ux, simulacres de vie, qui sont à la vraie vie ce que le flirt est à l’amour. II Sur l’insuffisance de la littérature
933 re On reconnaît un écrivain, aujourd’hui, à ce qu’ il ne tolère pas qu’on lui parle littérature. Mais il y a des mépris q
934 n écrivain, aujourd’hui, à ce qu’il ne tolère pas qu’ on lui parle littérature. Mais il y a des mépris qui sont de sournoise
935 mour. Tel qui raille l’Église et les curés, c’est qu’ il se fait une très haute idée de la religion. Ainsi, de la littératur
936 ses réalisations actuelles donne la mesure de ce que vous attendez d’elle. Pour dire le fond de ma pensée, je crois ce mép
937 cette attente également exagérés. Vous savez bien que nous cherchons autre chose que la littérature. Que la littérature nou
938 s. Vous savez bien que nous cherchons autre chose que la littérature. Que la littérature nous est un moyen seulement d’atte
939 ue nous cherchons autre chose que la littérature. Que la littérature nous est un moyen seulement d’atteindre et de préparer
940 vous renversent. Des présences tellement intenses que tout se fond catastrophiquement dans l’infini de la seconde. Des peur
941 i de la seconde. Des peurs sans cause, plus vides que la mort. Toutes ces choses mystiques, c’est-à-dire réelles, c’est-à-d
942 s, c’est-à-dire réelles, c’est-à-dire agissantes, que nulle poésie même ne peut dire, parce que rien de ce qui nous importe
943 rte véritablement n’est dicible. (Depuis le temps qu’ on sait que la lettre tue ce qu’elle prétend exprimer ; depuis le temp
944 lement n’est dicible. (Depuis le temps qu’on sait que la lettre tue ce qu’elle prétend exprimer ; depuis le temps qu’on l’o
945 (Depuis le temps qu’on sait que la lettre tue ce qu’ elle prétend exprimer ; depuis le temps qu’on l’oublie.) Vous me direz
946 tue ce qu’elle prétend exprimer ; depuis le temps qu’ on l’oublie.) Vous me direz que la poésie, l’état poétique, est notre
947  ; depuis le temps qu’on l’oublie.) Vous me direz que la poésie, l’état poétique, est notre seul moyen de connaissance conc
948 issance concrète du monde. Mais c’est à condition qu’ on ne l’écrive pas, même en pensée. La poésie pure écrite est inconcev
949 ndividuelle. Elle serait tellement incommunicable qu’ il deviendrait inutile de la publier. Et même, en passant à la limite,
950 Et même, en passant à la limite, on peut imaginer que si elle était réalisée, on ne s’en apercevrait pas. Je pressens encor
951 cette esthétique ou de ce sens social, — et voilà qu’ ils perdent même la problématique utilité de liaison qui était leur ex
952 ait leur excuse dernière. Avouons-le : rien de ce qu’ on peut exprimer n’a d’importance véritable. Alors, cessons de nous ba
953 crivain, est un besoin organique, un peu anormal, que l’on satisfait dans certains états de crise afin de retrouver son équ
954 maladie ? Ce n’est pas en l’ignorant par attitude que vous la guérirez. Au contraire, il s’agit de l’envisager sans fièvre,
955 n ridicule écrasant : mais rien n’est plus facile que d’y échapper. III Sur l’utilité de la littérature Montherlant m
956 peu les pieds dans le plat, de dire de ces choses qu’ entre gens du métier l’on a convenu de passer sous silence. C’est asse
957 pas à ce toréador ses familiarités avec une Muse qu’ ils n’ont pas coutume d’aborder sans le mot de passe de la dernière mo
958 de savantes séductions. On sait bien, d’ailleurs, qu’ elle les entretient. Bande de gigolos de la littérature ! Qu’on puisse
959 entretient. Bande de gigolos de la littérature ! Qu’ on puisse vivre de ça, je ne l’ai pas encore avalé. On m’affirme que j
960 de ça, je ne l’ai pas encore avalé. On m’affirme que je n’y échapperai pas plus qu’un autre : et qu’un beau soir il faille
961 e que je n’y échapperai pas plus qu’un autre : et qu’ un beau soir il faille écrire pour vivre, possible ; mais, pour sûr, j
962 jamais vivre pour écrire16. De tous les prétextes que l’on a pu avancer pour légitimer l’activité littéraire, le plus satis
963 oursuivre une quête de l’esprit. Et vous savez ce qu’ elle nous vaut : les mépris, les haines douloureuses ou grossières de
964 de tous ceux qui ne peuvent ou ne veulent y voir que révoltes contre leurs morales, ou menaces pour leurs instables certit
965 Quand bien même elle n’aurait plus d’autre excuse que celle-là, la littérature mériterait d’exister : qu’elle soit le langa
966 e celle-là, la littérature mériterait d’exister : qu’ elle soit le langage chiffré de notre inquiétude et de nos naissantes
967 miraculeuses.   Voici donc les seules révélations que j’attende de la littérature : que celle des autres m’aide à prendre c
968 les révélations que j’attende de la littérature : que celle des autres m’aide à prendre conscience de moi-même ; que la mie
969 autres m’aide à prendre conscience de moi-même ; que la mienne m’aide à découvrir quelques êtres par le monde… Il ne s’agi
970 er quelque bien pour ma vie. Le jour où les soins qu’ elle exige me coûteront des sacrifices plus grands que les bienfaits q
971 lle exige me coûteront des sacrifices plus grands que les bienfaits que j’en escompte, il sera temps de songer sérieusement
972 ront des sacrifices plus grands que les bienfaits que j’en escompte, il sera temps de songer sérieusement à m’en guérir. Vo
973 nt à m’en guérir. Vous me demanderez « alors » ce que j’attends de ma vie. Je serais tenté de vous répondre, comme ce sympa
974 répondre, comme ce sympathique Philippe Soupault, que « ceci, c’est une autre histoire, une autre belle histoire, une autre
975 servir, une citation.) Mais non, cher ami, voici qu’ une envie me prend de vous conter un peu cette histoire. Seulement, al
976 is certains qui arrangent leur vie de telle sorte que leurs mémoires seront des romans « bien modernes ». Leurs amours sont
977 rand, et ils en sont tout fiers : « Il n’y a plus qu’ à les écrire ». o. « La part du feu. Lettres sur le mépris de la litt
60 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Les derniers jours (juillet 1927)
978 regrettons de n’en pouvoir citer, faute de place, que ces quelques phrases de Drieu : « On voit déjà éclater dans les sing
979 later dans les singuliers mouvements de sympathie qu’ a provoqués l’infortune de l’Action française la fraternité qui existe
61 1927, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Adieu au lecteur (juillet 1927)
980 ci au moins. Nous nous retirons : et ce n’est pas que nous ayons brûlé toutes nos cartouches. Ni que l’indignation provoqué
981 as que nous ayons brûlé toutes nos cartouches. Ni que l’indignation provoquée sur tous les bancs par certains de nos articl
982 souciez vraiment trop peu des conséquences de ce que vous écrivez ! ») En définitive, il semble que certains n’attendent
983 e que vous écrivez ! ») En définitive, il semble que certains n’attendent de nous que d’innocentes farces — ou bien de ces
984 itive, il semble que certains n’attendent de nous que d’innocentes farces — ou bien de ces affirmations dont en vérité l’on
985 stifs. Il y a des gens qui n’ont pas encore admis que jeunesse = révolution Tous les malentendus viennent de là. Nous somme
986 es conséquences. Et puis, de temps à autre, voici que nous parvient un signe d’amitié qui ne trompe pas. Deux ou trois mots
987 trompe pas. Deux ou trois mots, on s’est compris. Que pouvions-nous espérer d’autre ? Il y eut quelques découvertes qui nou
988 un an dans une direction absolument imprévisible. Que nous apportera le Central de Genève ? Tout est possible : la guerre e
62 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean-Louis Vaudoyer, Premières amours (août 1927)
989 trois nouvelles n’ont guère de commun entre elles que la forme : ce sont de lentes réminiscences, des évocations intérieure
990 à côté du corps de son ami suicidé pour une femme qu’ ils ont aimé tous deux (L’Amie du Mort.) Ou bien c’est le récit d’un é
991 site rare par la justesse de l’observation autant que par la sympathie de l’auteur pour ses héros. Indulgence et regrets, u
992 cat et d’une si subtile convenance avec son objet qu’ il en saisit sans mièvrerie ni vulgarité la grâce un peu trouble et l’
993 et voici ce je ne sais quoi, ce délice furtif, ce que l’auteur lui-même appelle « cette vague poésie involontaire, intermit
994 ontaire, intermittente, un peu émiettée, éventée, que je trouve dans une ancienne réalité ressuscitée… » Sachons gré à M. V
63 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Edmond Jaloux, Rainer Maria Rilke (décembre 1927)
995 illeur Jaloux, de ce Jaloux qui sait parler mieux que personne des poètes scandinaves et des romantiques allemands parce qu
996 avec eux ce goût du rêve préféré à la vie, — à ce qu’ on appelle la vie. Jaloux, qui a rencontré plusieurs fois Rilke, trace
997 ré plusieurs fois Rilke, trace de lui un portrait qu’ on dirait, en peinture, très « interprété ». Non pas une photographie
998 omme dans son œuvre, qui est peut-être plus vraie que le vrai, je veux dire, plus rilkienne que ne fut Rilke. Rilke y appar
999 s vraie que le vrai, je veux dire, plus rilkienne que ne fut Rilke. Rilke y apparaît comme une de ces âmes mystiques et raf
1000 mme une de ces âmes mystiques et raffinées telles qu’ on en découvre chez certaines femmes et l’on y voit une préciosité sen
1001 mplement une clairvoyance exceptionnelle, suivant que l’on juge au nom d’une science ou au nom de l’esprit. « Pour moi qui
1002 e ou au nom de l’esprit. « Pour moi qui aime plus que tout la poésie, écrit Jaloux, aussitôt que je vis Rilke, je compris q
1003 e plus que tout la poésie, écrit Jaloux, aussitôt que je vis Rilke, je compris que cet univers dont je rêvais n’était pas u
1004 rit Jaloux, aussitôt que je vis Rilke, je compris que cet univers dont je rêvais n’était pas un objet de songe mais d’expér
1005 e « expérience », je crois, ne peut être sensible qu’ à des êtres pour qui elle est en somme inutile : parce qu’ils possèden
1006 es s’opère l’expérience. On ne prouve la religion qu’ aux convertis — qui n’ont plus besoin de preuves. Il reste qu’un livre
1007 rtis — qui n’ont plus besoin de preuves. Il reste qu’ un livre comme celui-ci tend un merveilleux piège sentimental à la rai
1008 eux piège sentimental à la raison raisonnante. Et qu’ il nous mène un peu plus loin que la sempiternelle « stratégie littéra
1009 raisonnante. Et qu’il nous mène un peu plus loin que la sempiternelle « stratégie littéraire », de gazetiers ; au cœur de
64 1927, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Léon Bopp, Interférences (décembre 1927)
1010 voir juste. Et quand son bonhomme se plaint de ce que son œuvre lui apparaît en même temps que « fatale », « si arbitraire
1011 », « si arbitraire et si facultative », je me dis qu’ il n’en saurait être autrement tant qu’on se tient à cette attitude sc
1012 je me dis qu’il n’en saurait être autrement tant qu’ on se tient à cette attitude scientifique, vis-à-vis du phénomène litt
1013 à la sécurité de cette sorte d’analyse, — encore que Bopp ait prouvé dans son Amiel qu’il était de taille à affronter d’au
1014 lyse, — encore que Bopp ait prouvé dans son Amiel qu’ il était de taille à affronter d’autres dédales ! Mais il a su mettre
1015 tres dédales ! Mais il a su mettre plus de choses qu’ il n’y paraît d’abord dans ces 50 pages. Beaucoup sont excellentes et
65 1927, Articles divers (1924–1930). Dés ou la clef des champs (1927)
1016 afé est un lieu anonyme bien plus propice au rêve que ma chambre où m’attendent tous les soirs quand je rentre du bureau, l
1017 ci dans le jardin des songeries les plus étranges qu’ appelle la musique. Je me gardai donc d’ouvrir le journal. Les Petites
1018 les ont un pouvoir tyrannique sur mon esprit. Non que cela m’intéresse au fond : les faits-divers, rien de moins divers. Ma
1019 rtant la main à son gilet, il en retira trois dés qu’ il jeta sur la table. Les yeux brillants, il compta. Une indécision pa
1020 onnue. Et je me refusais sans cesse aux questions qu’ en moi-même posait ma raison effarée. L’étranger s’animait aussi : une
1021 in. Ce soir-là, une confiance me possédait, telle que je savais très clairement que je gagnerais à tout coup. L’étranger se
1022 me possédait, telle que je savais très clairement que je gagnerais à tout coup. L’étranger se mit à discourir. Et dans mon
1023 parce que tu n’as pas beaucoup d’imagination, et que tu es un pauvre vaudevilliste qui use à tort et à travers de situatio
1024 à la corde pour les pendre, ha ha ha ! Tu pensais que j’allais me cramponner à cette espèce de bonheur qu’ils croient lié à
1025 j’allais me cramponner à cette espèce de bonheur qu’ ils croient lié à la possession, et que j’allais vivre aussi sur le do
1026 de bonheur qu’ils croient lié à la possession, et que j’allais vivre aussi sur le dogme l’argent-fait-le-bonheur. En somme,
1027 me l’argent-fait-le-bonheur. En somme, tu croyais que j’allais adhérer à l’idéologie socialiste, gros farceur, va. Quand je
1028 mmédiatement supérieure à la leur. Ils voudraient que leur vie garantît un 5 % régulier de plaisirs, avec assurance contre
1029 de leur impuissance à concevoir un autre bonheur que celui qu’ils ont reçu de papa-maman et l’Habitude, leur marraine aux
1030 mpuissance à concevoir un autre bonheur que celui qu’ ils ont reçu de papa-maman et l’Habitude, leur marraine aux dents jaun
1031 cheval fou, mon beau Désir s’ébroue et part sitôt que je vais m’endormir, ah ! galope, caracole, éclabousse, ils n’y compre
1032 des soirs si doux aux amants quand ils n’ont plus que des baisers au goût d’adieu, et l’avenir où se mêlent incertaines, un
1033 e fumée, et la musique noyait mes pensées. Je vis qu’ une femme était assise à notre table, en robe rouge, et très fardée. E
1034 nuit peut-être, je ne saurai jamais rien… (sinon qu’ au lendemain je n’avais plus un sou). Je n’ai jamais revu l’étranger.
1035 e songe à ses paroles — ou peut-être n’étaient-ce que celles de mes folies ? Je me répète : paradoxes, mais cela ne suffit
66 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Princesse Bibesco, Catherine-Paris (janvier 1928)
1036 pur ; la tournée des cours de l’Europe centrale, qu’ elle subit comme jeune épouse d’un comte polonais, grand seigneur médi
1037 e qui étonnent de la part d’une femme aussi femme que l’auteur du Perroquet Vert. Mais là-dessus, le roman repart dans une
1038 elles, malicieuses ou poétiques ; et ce n’est pas qu’ il ne s’y glisse quelque préciosité ou quelques « pointes » faciles ma
1039 même ne manque pas de naturel… On peut regretter que ce livre ne réalise pas une synthèse plus organique du roman et des m
1040 des mémoires. Mais si son début permet de croire que le Perroquet Vert ne restera pas une réussite isolée dans l’œuvre pur
67 1928, Foi et Vie, articles (1928–1977). Le péril Ford (février 1928)
1041 Le péril Ford (février 1928)a On a trop dit que notre époque est chaotique. Je crois bien, au contraire, que l’histoi
1042 poque est chaotique. Je crois bien, au contraire, que l’histoire n’a pas connu de période où les directions d’une civilisat
1043 du temps y concourent obscurément ; et, pour peu que cela continue, pour peu que la bourgeoisie intellectuelle persiste à
1044 rément ; et, pour peu que cela continue, pour peu que la bourgeoisie intellectuelle persiste à jouer l’autruche aux yeux cl
1045 de cette organisation toute-puissante n’est plus qu’ une question de quelques années. Mais peut-être est-il temps encore. I
1046 onnée par l’Esprit. À l’heure de toucher aux buts que sa civilisation poursuit depuis près de deux siècles, l’Occidental es
1047 d’un étrange malaise. Il soupçonne, par éclairs, qu’ il y avait peut-être dans ces buts une absurdité fondamentale. L’infai
1048 peur de certaines évidences, on préfère affirmer que tout est incompréhensible. L’homme moderne recule devant l’évidence d
1049 ochaine de sa civilisation. Il répugne à admettre qu’ une époque entière ait pu se tromper, et se tromper mortellement. Il s
1050 illeur, parce que personne ne s’est approché plus que lui du type idéal de l’industriel et du capitaliste. Le succès immens
1051 es livres1, sa popularité universelle sont signes que l’époque a senti en lui son incarnation la plus parfaite. Qu’on ne m’
1052 a senti en lui son incarnation la plus parfaite. Qu’ on ne m’accuse donc pas de caricaturer l’objet de ma critique pour fac
1053 ciliter l’accusation : je prends pour la juger ce que l’époque m’offre de mieux réussi. Voici la vie de Ford, telle qu’il l
1054 ffre de mieux réussi. Voici la vie de Ford, telle qu’ il la raconte dans Ma vie et mon œuvre. Il naît fils de paysan. Il pas
1055 jouer avec des outils, « et c’est avec des outils qu’ il joue encore à présent », dit‑il. Le plus mémorable événement de ces
1056 urrait ajouter à ces chiffres celui des milliards qu’ il possède, ou plutôt qu’il gère, mais ce n’est pour lui qu’un résulta
1057 fres celui des milliards qu’il possède, ou plutôt qu’ il gère, mais ce n’est pour lui qu’un résultat secondaire de son activ
1058 ède, ou plutôt qu’il gère, mais ce n’est pour lui qu’ un résultat secondaire de son activité. Le but de sa vie n’a jamais ét
1059 ant industriel du monde ; le plus riche, au point qu’ il peut parler d’égal à égal avec beaucoup d’États ; le plus parfait a
1060 s salaires, des conditions de travail et de repos qu’ il offre à ses ouvriers semblent bien apporter une solution définitive
1061 du surmenage et du paupérisme. C’est un résultat qu’ on n’a pas le droit humainement de sous-estimer. Les griefs que les so
1062 le droit humainement de sous-estimer. Les griefs que les socialistes font aux capitalistes européens ne sauraient l’attein
1063 té, de propreté. Si l’on ajoute à cela le plaisir qu’ on éprouve toujours au récit de succès mirobolants, et le charme un pe
1064 d et des livres qui les répandent. L’on ne pourra qu’ y applaudir, semble-t-il, en souhaitant que les industriels européens
1065 pourra qu’y applaudir, semble-t-il, en souhaitant que les industriels européens s’en inspirent toujours plus. Ford leur mon
1066 spirent toujours plus. Ford leur montre le chemin qu’ ils seront bien obligés de prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’i
1067 obligés de prendre tôt ou tard. Il est préférable qu’ ils s’y engagent dès aujourd’hui résolument, pendant qu’il reste quelq
1068 éussi. Mais à quoi ? C’est la plus grave question qu’ on puisse poser à notre temps. II. M. Ford a ses idées, ou la philo
1069 d, sa « grande et constante ambition ». Il semble que toute sa carrière — pensée, méthode, technique — soit conditionnée ju
1070 production, avec cette netteté et cette décision qu’ une passion contenue peut donner à l’homme d’action. Enfin, le voici e
1071 simple de la répétition, on fait croire aux gens qu’ ils ne peuvent plus vivre heureux sans auto. Voilà l’affaire lancée. L
1072 e donne libre cours. Il ne s’agit plus maintenant que de lui donner une apparence d’utilité publique. À chaque page de ses
1073 hrase qui n’a l’air de rien : « Nul ne contestera que , si l’on abaisse suffisamment les prix, on ne trouve toujours des cli
1074 les prix, on ne trouve toujours des clients, quel que soit l’état du marché. » Il semble que cela soit tout à l’avantage du
1075 ents, quel que soit l’état du marché. » Il semble que cela soit tout à l’avantage du client. Mais cherchons un peu les caus
1076 ent de prix — la concurrence n’étant bien entendu qu’ une cause accessoire. Dire que l’état du marché est tel que le client
1077 ’étant bien entendu qu’une cause accessoire. Dire que l’état du marché est tel que le client n’achète plus, cela signifie p
1078 use accessoire. Dire que l’état du marché est tel que le client n’achète plus, cela signifie parfois que la marchandise est
1079 ue le client n’achète plus, cela signifie parfois que la marchandise est momentanément trop chère ; mais surtout que le bes
1080 ndise est momentanément trop chère ; mais surtout que le besoin qu’on a de tel objet est satisfait ou a disparu. Il semble
1081 ntanément trop chère ; mais surtout que le besoin qu’ on a de tel objet est satisfait ou a disparu. Il semble alors que l’in
1082 paru. Il semble alors que l’industriel n’ait plus qu’ à plier bagage. Mais c’est ici que Ford montre le bout de l’oreille, e
1083 riel n’ait plus qu’à plier bagage. Mais c’est ici que Ford montre le bout de l’oreille, et que son but réel est la producti
1084 ’est ici que Ford montre le bout de l’oreille, et que son but réel est la production pour elle-même, non pas le plaisir ou
1085 paru, la production devant se maintenir, il n’y a qu’ une solution : recréer le besoin. Pour cela, on abaisse les prix. Le c
1086 ison. Il est impressionné par la baisse, au point qu’ il en oublie que cela ne l’intéresse plus réellement. Il croit qu’il v
1087 ressionné par la baisse, au point qu’il en oublie que cela ne l’intéresse plus réellement. Il croit qu’il va gagner 5 franc
1088 que cela ne l’intéresse plus réellement. Il croit qu’ il va gagner 5 francs en achetant 5 francs moins chers un objet que, s
1089 francs en achetant 5 francs moins chers un objet que , sans cette baisse, il n’eût pas acheté du tout. Autrement dit, il es
1090 préméditée. Et le scandale, à mon sens, n’est pas que l’industriel ait forcé (psychologiquement) le client à faire une dépe
1091 t à faire une dépense superflue ; le scandale est qu’ il l’ait trompé sur ses véritables besoins. Car cela va bien plus prof
1092 itulé « Le grand paradoxe du monde moderne »3, ce qu’ il y a de profondément antihumain dans la conception fordienne de l’oi
1093 l est déterminé par la réclame, les produits Ford qu’ il faut user, etc. Il a pour but véritable d’augmenter la consommation
1094 et de loisirs. Or, l’industrie ne peut subsister qu’ en progressant. Mais la nature humaine a des limites. Et le temps appr
1095 l’avenir de son effort. Pour mon compte, je crois que l’idée fixe de produire peut très bien envahir un cerveau moderne au
1096 rouages, n’est-ce pas charmant et prometteur ? Et que dire de cette admirable simplification : « Sur quoi repose la société
1097 te notre gloire est dans nos œuvres, dans le prix que nous payons à la terre la satisfaction de nos besoins. » — Ford se mo
1098 d se moque de la philosophie. Il ne peut empêcher que son attitude ne porte un nom philosophique : c’est au plus pur, au pl
1099 ue : c’est au plus pur, au plus naïf matérialiste que nous avons affaire ici. Et ses prétentions « idéalistes » n’y changer
1100 r, le salut par l’auto. Philosophie réclame. « Ce que j’ai à cœur, aujourd’hui, c’est de démontrer que les idées mises en p
1101 que j’ai à cœur, aujourd’hui, c’est de démontrer que les idées mises en pratique chez nous ne concernent pas particulièrem
1102 sel ! » Réjouissons-nous… Mais, comment expliquer que des centaines de milliers de lecteurs, dans une Europe « chrétienne »
1103 ent résolu… Mais nous nous absorbons trop dans ce que  nous faisons et ne pensons pas assez aux raisons que nous avons de le
1104  nous faisons et ne pensons pas assez aux raisons que nous avons de le faire. Tout notre système de concurrence, tout notre
1105 iscuter des points de technique. Il n’a pas senti qu’ il touchait là le nœud vital du problème moderne. D’ailleurs, les idée
1106 même la plus perfectionnée mérite les sacrifices qu’ elle exige de l’homme moderne. Paradoxes plus ou moins intéressés, opt
1107 n du gros public : telle est l’idéologie de celui que M. Cambon, dans sa préface, égale aux plus grands esprits de tous les
1108 plus grands esprits de tous les temps. On me dira que Ford a mieux à faire que de philosopher. Je le veux. Mais si j’insist
1109 us les temps. On me dira que Ford a mieux à faire que de philosopher. Je le veux. Mais si j’insiste un peu sur ses « idées 
1110 c’est pour souligner ce hiatus étrange : l’homme qu’ on pourrait appeler le plus actif du monde, l’un de ceux qui influent
1111 erreur de la bourgeoisie moderne c’est de croire que les choses pourront aller ainsi longtemps encore. On se refuse à l’id
1112 refuse à l’idée d’une catastrophe, pourtant plus que probable, par crainte de se voir obligé à la révision des valeurs, la
1113 leurs, la plus difficile et la plus grave : celle qu’ on ne peut faire qu’au nom de l’Esprit et de ses exigences. Mais le « 
1114 cile et la plus grave : celle qu’on ne peut faire qu’ au nom de l’Esprit et de ses exigences. Mais le « rien de nouveau sous
1115 pour l’Esprit. Si l’Esprit nous abandonne, c’est que nous avons voulu tenter sans lui une aventure que nous pensions gratu
1116 que nous avons voulu tenter sans lui une aventure que nous pensions gratuite : nous avons cherché le bonheur dans le dévelo
1117 ppement matériel, avec l’arrière-pensée sournoise que , si cela ratait, on gardait toutes les autres chances. J’accorderai q
1118 n gardait toutes les autres chances. J’accorderai que le progrès matériel n’est pas mauvais en soi. Mais par l’importance q
1119 l n’est pas mauvais en soi. Mais par l’importance qu’ il a prise dans notre vie, il détourne la civilisation de son but véri
1120 l’âme, inutilisées, s’atrophient. Pourvu, dit-on, que subsiste le peu de morale nécessaire aux affaires, tout ira bien. (On
1121 nécessaire aux affaires, tout ira bien. (On pense que les formes de la morale peuvent exister sans leur substance religieus
1122 e mécanique bien huilée, au mouvement si régulier qu’ il en devient insensible et que la fatigue semble disparaître, l’homme
1123 vement si régulier qu’il en devient insensible et que la fatigue semble disparaître, l’homme s’abandonne à des lois géométr
1124 fres d’horlogerie calculé une fois pour toutes et qu’ il sent immuable comme la mort le restitue au monde vers 5 heures du s
1125 ait oublier jusqu’à l’existence, et à une liberté qu’ il s’empresse d’aliéner au profit de plaisirs tarifés, soumis plus sub
1126 plaisirs tarifés, soumis plus subtilement encore que son travail aux lois d’une offre et d’une demande sans rapport avec s
1127 en ressent une vague et intermittente détresse, —  qu’ il met d’ailleurs sur le compte de sa fatigue. Neurasthénie. La conquê
1128 a laissé oublier les valeurs de l’esprit au point qu’ il n’éprouve plus même cette carence ; seulement, peu à peu, il découv
1129 cette carence ; seulement, peu à peu, il découvre qu’ il s’ennuie profondément ; fatigué de trop de satisfactions matérielle
1130 9 heures : vraiment, il ne lui manque plus rien — que l’envie. Mauvais travail. Il a perdu le sens religieux, cosmique, de
1131 ttribuer sa véritable valeur. Il sent obscurément que son travail est antinaturel. Il le méprise ou le subit, mais, jusque
1132 re de la nature, il est condamné à ne plus saisir que des rapports abstraits entre les choses. Il ne comprend presque plus
1133 e. Or, la technique a révélé des exigences telles que l’Esprit ne peut les supporter. Il abandonne donc la place, mais c’es
1134 2° Accepter l’esprit, et ses conditions. Je dis que les êtres encore doués de quelque sensibilité spirituelle deviennent
1135 t ces exigences sont en contradiction avec celles que le développement de la technique impose au monde moderne. Ces êtres,
1136 âce ? un peu de cette connaissance active de Dieu que nos savants nomment mysticisme et considèrent comme un « cas » très s
1137 de faire grain de sable. Ils se réfugient dans ce qu’ on pourrait appeler les classes privilégiées de l’esprit : fortunes oi
1138 u et Mammon », dit l’Écriture. ⁂ Je ne pense pas qu’ une attitude réactionnaire qui consisterait à vouloir en revenir à la
1139 nir à la période préindustrielle soit autre chose qu’ une échappatoire utopique. Nous avons mieux à faire, il n’est plus tem
1140 avec netteté et courage. Pour le reste, je pense que c’est une question de foi. 1. Une enquête faite à Genève a révélé
1141 de foi. 1. Une enquête faite à Genève a révélé que les livres les plus lus du grand public sont Ma vie et mon œuvre, de
68 1928, Articles divers (1924–1930). Un soir à Vienne avec Gérard (24 mars 1928)
1142 ennois avaient fui dans les opérettes de Strauss, qu’ on ne trouve plus nulle part. Dans les dancings, un peuple de fêtards
1143 our essayer de se prendre encore au rêve de valse qu’ on était venu chercher parce que cela vaudrait bien d’autres stupéfian
1144 t cette Vienne tout occupée à ressembler à l’idée qu’ on s’en fait. Le Ring, trop large, ouvert au vent glacial, crée autour
1145 ants pour qu’on la sentît déserte ne me proposait qu’ une frileuse nostalgie. Mais qui fallait-il accuser de cette duperie,
1146 inon moi-même, me dis-je bientôt. Car je professe qu’ un désir vraiment pur parvient toujours à créer son objet, de même qu’
1147 pense généralement le contraire. Il est très vrai que les notions réaliste et idéaliste du monde ne sont séparées que par u
1148 s réaliste et idéaliste du monde ne sont séparées que par un léger décalage dans la chronologie de nos sentiments et de nos
1149 actes. Donc, n’ayant pas renoncé à certaine idée que j’avais d’un romantisme viennois, je fus conduit, par une sorte de co
1150 it le souvenir de Gérard de Nerval. Mais je pense que je n’avais même pas prononcé intérieurement ce nom lorsque je m’assis
1151 trouver à côté d’une place vide : la jolie femme qu’ on attend dans ces circonstances, une fois de plus manquait le rendez-
1152 stances, une fois de plus manquait le rendez-vous que j’avais demandé au hasard d’arranger. Mais le thème de la Barcarolle
1153 ilitaire, ainsi je m’abandonne au rêve d’un monde que suscite en moi seul peut-être cette plainte heureuse des violons. Le
1154 surnaturelle. Et tout cela chanté dans une langue que je comprends mal. Je me penche vers un voisin pour lui demander je ne
1155 ans doute évadé dans son rêve, beaucoup plus loin que moi, il n’entend pas ma question. L’envie me prend d’aller le rejoind
1156 ci comme une tristesse amoureuse. Elle n’est plus que l’approche d’une grandeur où se perdraient nos amours terrestres dans
1157 autres plus beaux peut-être, mais inconnus. Voilà que la forme blanche, sous un brusque faisceau de lumière m’apparaît avec
1158 e voix, à côté de moi, c’est une chose singulière que le pouvoir de cette musique. Voici que vous êtes tout près de compren
1159 singulière que le pouvoir de cette musique. Voici que vous êtes tout près de comprendre… Mon voisin avait parlé tout haut ;
1160 seul à l’avoir entendu ? — C’est, me répondit-il, que seul vous venez d’atteindre au monde des êtres véritables. Nous nous
1161 , pâle dans son collier de barbe noire. Je sentis que je l’avais déjà reconnu. Il portait une cape bleu sombre, à la mode d
1162 e des amis qui se connaissent depuis si longtemps qu’ un échange tacite suffit aux petites décisions de la vie quotidienne.
1163 a peur de l’étreinte… C’est d’ailleurs une chose que je comprends assez bien, ajouta-t-il, mais pour d’autres raisons qu’e
1164 sez bien, ajouta-t-il, mais pour d’autres raisons qu’ eux, probablement… À ce moment, comme nous traversions une rue sillonn
1165 ance ne se pose plus. Vous le savez, je n’ai aimé qu’ une femme — au plus deux, en y réfléchissant bien, mais peut-être étai
1166 , dès qu’on aime… Oh ! cette femme ! elle n’était qu’ un regard, un certain regard, mais j’ai su en retrouver la sensation j
1167 je bavarde, je philosophe, et vous allez me dire que c’est trop facile pour un homme retiré du monde depuis si longtemps.
1168 ui paya quelques œillets rouges en lui expliquant qu’ elle devait les donner à la première jolie femme qui passerait seule.
1169 er le temps de regarder autour d’elle ; l’intérêt que nous ne sûmes pas dissimuler nous trahit ; elle finit donc par accept
1170 tes bien gentils, messieurs ! » Il n’y avait plus qu’ à lui prendre chacun un bras, une femme pour deux hommes — et ce fut b
1171 e sont presque toutes dans cette ville, — du type que Gérard et Théo nommaient « biondo et grassotto », et qu’avec mes amis
1172 ard et Théo nommaient « biondo et grassotto », et qu’ avec mes amis nous devions baptiser en style viennois « Mehlspeis-Schl
1173 iennois « Mehlspeis-Schlagobers »10. Heureusement qu’ au Moulin-Rouge, souterrain où nous nous engouffrâmes dans un grand br
1174 la durée des danses. Gérard bâillait : « Voilà ce que c’est que de prendre des femmes au hasard, disait-il. Je sens très bi
1175 es danses. Gérard bâillait : « Voilà ce que c’est que de prendre des femmes au hasard, disait-il. Je sens très bien que nou
1176 lieux de plaisir — autre façon de parler. On dit que j’ai vécu d’illusions, avouez que les miennes étaient de meilleure qu
1177 parler. On dit que j’ai vécu d’illusions, avouez que les miennes étaient de meilleure qualité : car c’est une pauvre illus
1178 meilleure qualité : car c’est une pauvre illusion que le plaisir qu’on vient chercher ici avec le premier être venu. — Cert
1179 té : car c’est une pauvre illusion que le plaisir qu’ on vient chercher ici avec le premier être venu. — Certes, je comprend
1180 avec le premier être venu. — Certes, je comprends que l’Europe est en décadence quand je la regarde s’amuser. Je vois se pe
1181 Ces citadins blasés s’amusent plus grossièrement que des barbares, ils s’imaginent pouvoir faire une place dans leur vie a
1182 istributeurs automatiques de plaisir. Autant dire que ceux qui les fréquentent ne savent plus ce que c’est que le plaisir.
1183 re que ceux qui les fréquentent ne savent plus ce que c’est que le plaisir. Ils prennent au hasard des liqueurs qui n’ont p
1184 x qui les fréquentent ne savent plus ce que c’est que le plaisir. Ils prennent au hasard des liqueurs qui n’ont pas été pré
1185 sère est de voir ici des femmes aussi ravissantes que celle-là qui danse en robe mauve, avec tant de gravité et de détachem
1186 a, parce que cela lui va. Mais comme c’est odieux qu’ une créature aussi parfaite soit touchée par les mains outrageusement
1187 ent on en ferait une chose extrêmement précieuse, qu’ on n’approcherait qu’avec un sentiment religieux de la beauté. Mais je
1188 chose extrêmement précieuse, qu’on n’approcherait qu’ avec un sentiment religieux de la beauté. Mais je crois que l’Orient e
1189 n sentiment religieux de la beauté. Mais je crois que l’Orient est devenu fou. Il ne comprend plus rien. » Des bugles agoni
1190 ’ouïe de cette phrase célèbre. Ensuite, je pensai qu’ il arrive aux meilleurs de se répéter, et que c’était la première fois
1191 nsai qu’il arrive aux meilleurs de se répéter, et que c’était la première fois de la soirée que Gérard « faisait du Gérard 
1192 ter, et que c’était la première fois de la soirée que Gérard « faisait du Gérard ». Les cocktails du Moulin-Rouge avaient p
1193 aquarium de rêves, discourt et décrit les images qu’ il y découvre. Il y a les ailes du Moulin-Rouge, qui sont les bras de
1194 eurs illusions, — illusions des formes passagères que nous croyons seules réelles, illusions des reflets qui ne livrent que
1195 les réelles, illusions des reflets qui ne livrent que le côté terrestre des choses dont l’autre moitié sera toujours cachée
1196 chose d’éternel. Tous les drames du monde ne sont que décors mouvants dans la lueur bariolée des sentiments, ils ne sont qu
1197 ans la lueur bariolée des sentiments, ils ne sont que reflets, épisodes, symboles : le vrai drame de son destin est ailleur
1198 es animales. Pour lui, les choses n’ont d’intérêt que par les rapports qu’il leur devine avec la réalité extra-terrestre. I
1199 , les choses n’ont d’intérêt que par les rapports qu’ il leur devine avec la réalité extra-terrestre. Il m’enseigne que la p
1200 ne avec la réalité extra-terrestre. Il m’enseigne que la passion seule, par la souffrance qu’elle entraîne, nous révèle le
1201 ’enseigne que la passion seule, par la souffrance qu’ elle entraîne, nous révèle le sens réel de nos vies, et peu à peu, de
1202 conte de ces superstitions qui ne sont enfantines que pour nos savants retombés en pleine barbarie spirituelle. Il plaisant
1203 pleine barbarie spirituelle. Il plaisante. Il dit que la vie ressemble surtout à un film où les épisodes s’appellent par le
1204 sume cette vie entière et fait allusion à tout ce qu’ il y a sous le soleil, et même ailleurs. Croyez-moi, ce qu’il faudrait
1205 sous le soleil, et même ailleurs. Croyez-moi, ce qu’ il faudrait écrire, c’est une Vie simultanée de Gérard, qui tiendrait
1206 de gaz sans manchon qui éclairait la boutique, et que le vent menaçait d’éteindre à chaque instant, le homard se réveilla.
1207 instant, le homard se réveilla. Gérard m’expliqua qu’ il en était ainsi chaque nuit, que l’animal devenait nerveux et que de
1208 rard m’expliqua qu’il en était ainsi chaque nuit, que l’animal devenait nerveux et que depuis quelques semaines, il avait d
1209 nsi chaque nuit, que l’animal devenait nerveux et que depuis quelques semaines, il avait dû le mettre au caviar. Il en dema
1210 ut en croquant une de ces saucisses à la moutarde qu’ on appelle ici « Frankfurter » et ailleurs « Wienerli ». Soudain les a
1211 eyel. Quand la place se fut apaisée, je m’aperçus que j’étais seul. Une dernière auto, extraordinairement silencieuse, abso
69 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Marguerite Allotte de la Fuye, Jules Verne, sa vie, son œuvre (juin 1928)
1212 (juin 1928)ar Livre passionnant pour tous ceux que Jules Verne passionne. Pour les autres, divertissant et spirituel. Po
1213 pirituel. Pourquoi ne veut-on voir en Jules Verne qu’ un précurseur ? Jules Verne est un créateur, dont les inventions se su
1214 vent se perdre. Et c’est bien sa plus grande ruse que d’avoir emprunté le véhicule à la mode pour conduire des millions de
1215 umis la science à la poésie. Et l’on ne veut voir que jolis livres d’étrennes dans les œuvres du plus grand créateur de myt
1216 t comparable à celle du cinéma ! Claretie raconte que les détenus des maisons de correction se jetaient sur ces volumes « a
1217 monde ». N’en ferons-nous pas autant, emprisonnés que nous sommes dans une civilisation qui, selon l’expression de Jules Ve
1218 pes d’une conception de la littérature si pédante qu’ elle exclut un de nos plus grands conteurs sous prétexte qu’il n’est s
1219 clut un de nos plus grands conteurs sous prétexte qu’ il n’est styliste ni psychologue ? Laisserons-nous Jules Verne aux enf
1220 s-nous Jules Verne aux enfants ? J’allais oublier que la littérature enfantine est le dernier bateau. Pour ce coup, voilà q
1221 oilà qui ne m’empêchera pas d’y monter, il suffit que cet obsédant capitaine Nemo soit à bord, je soupçonne que ce bateau n
1222 obsédant capitaine Nemo soit à bord, je soupçonne que ce bateau n’est autre que La Liberté. ar. « M. Allotte De La Fuye :
1223 it à bord, je soupçonne que ce bateau n’est autre que La Liberté. ar. « M. Allotte De La Fuye : Jules Verne, sa vie, son
70 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Aragon, Traité du style (août 1928)
1224 dépourvu si possible. Je ne demande aux écrivains que des révélations, ou mieux, qu’ils les favorisent par leurs écrits. Ar
1225 ande aux écrivains que des révélations, ou mieux, qu’ ils les favorisent par leurs écrits. Aragon, qui a le sens de l’amour,
1226 les qui méritent de l’être. Et l’on voit bien ici qu’ Aragon dépasse ces surréalistes, ces orthodoxes de l’absurde confondu
1227 doute son rôle. Il le tient magnifiquement. Mais qu’ on nous laisse chercher plus loin, dans ce silence où l’on accède à de
71 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Pierre Naville, La Révolution et les intellectuels (novembre 1928)
1228 justement détesté, mais dont ils participent plus qu’ ils ne le croient. Certes il était urgent de faire la critique de « ce
1229 oin et de prendre une connaissance positive de ce qu’ il y a sous cette réalité. Il est certain que s’ils avaient le courage
1230 e ce qu’il y a sous cette réalité. Il est certain que s’ils avaient le courage de se soumettre au concret de l’esprit, ils
1231 mettre au concret de l’esprit, ils comprendraient que le « service dans le temple » s’accommode mal de tant de gesticulatio
72 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Malraux, Les Conquérants (décembre 1928)
1232 u Pacifique. On retrouvera ici beaucoup des idées que la Tentation de l’Occident exprimait sous une forme abstraite et poét
1233 st concrétisé en hommes, en meurtres, en décrets. Qu’ il décrive la vie intense et instable des acteurs du drame, l’aspect q
1234 ées. Il est surtout la description d’une angoisse que le nihilisme de M. Malraux veut sans issues : l’angoisse que fait naî
1235 lisme de M. Malraux veut sans issues : l’angoisse que fait naître au cœur du monde contemporain l’absurdité de ses ambition
1236 le au nom de l’auteur, je pense) : « Il me semble que je lutte contre l’absurde humain, en faisant ce que je fais ici… » L’
1237 e je lutte contre l’absurde humain, en faisant ce que je fais ici… » L’évasion dans l’action — révolutionnaire ou autre — r
1238 a Révolution… tout ce qui n’est pas elle est pire qu’ elle… » Expérience faite, l’absurde retrouve ses droits. C’est ainsi q
1239 faite, l’absurde retrouve ses droits. C’est ainsi que , masqué par l’enchaînement passionnant de l’action, il se dégage de c
1240 nt quelque chose de trop aigu, de dangereux. Mais qu’ elles s’appliquent à distinguer les forces déterminantes de l’heure, à
73 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Guy de Pourtalès, Louis II de Bavière ou Hamlet-Roi (décembre 1928)
1241 is II exalte et déçoit l’imagination. On comprend que ce doux-amer ait séduit Barrès, mais ne l’ait point trompé : « Avec s
1242 oint trop demander à une existence bien indécise, que son échec même ne relève pas, et qui tire sa grandeur de celle du déc
1243 ourrit Louis II n’est ni aussi pure ni aussi rare qu’ on voudrait l’imaginer. Il reste qu’il a voulu la vivre et qu’il l’a p
1244 ni aussi rare qu’on voudrait l’imaginer. Il reste qu’ il a voulu la vivre et qu’il l’a pu, étant roi. Il offre ainsi l’image
1245 it l’imaginer. Il reste qu’il a voulu la vivre et qu’ il l’a pu, étant roi. Il offre ainsi l’image d’un romantisme assez mor
1246 ens d’action puissants : s’il les a gâchés, c’est qu’ il a eu peur, et s’il a eu peur c’est qu’il n’a pas su aimer. Le sujet
1247 s, c’est qu’il a eu peur, et s’il a eu peur c’est qu’ il n’a pas su aimer. Le sujet de Liszt et de Chopin, c’était l’amour,
1248 l’illusion ». Sachons gré à M. de Pourtalès de ce qu’ il préfère parler d’illusion là où nos psychiatres proposeraient de mo
74 1928, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Daniel-Rops, Le Prince menteur (décembre 1928)
1249 Français par ces évocations et l’espèce de fièvre qu’ il y apporte. Mais plusieurs incidents éveillent les soupçons du « pet
1250 nts éveillent les soupçons du « petit-bourgeois » qu’ il a choisi comme public, et brusquement le mot éclate : menteur. Fein
1251 ui doit expliquer sa mort et qui est aussi fausse que le reste. Ce mensonge qui va jusqu’à la mort, inclusivement, n’étonne
1252 cas méritait d’être exposé. Je regrette seulement que Daniel-Rops se soit borné à une courte nouvelle, d’ailleurs assez den
1253 thologique. Il y a dans ce culte de la mythomanie qu’ on a vu sévir parmi certains milieux d’avant-garde une confusion assez
1254 ion pour tous les poètes. Le désir de « plus vrai que le vrai » surexcité par l’insolence d’une psychologie qui rabaisse to
1255 conduire à préférer un mensonge qui n’est, hélas, qu’ une déformation de cette réalité détestée. Le mythomane brouille les c
1256 artes mais reste dans le jeu. Jusque dans la ruse que ses mensonges exigent, il se reconnaît tributaire de la « vérité trop
75 1928, Articles divers (1924–1930). Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même » (décembre 1928)
1257 st-il trop impatient, demande-t-il aux êtres plus qu’ ils ne peuvent donner… D’ailleurs on ne lui doit rien, n’est-ce pas ?
1258 ’accord ; accepte d’attendre comme un enfant sage que le monde lui donne, en son temps, sa petite part. On lui a expliqué q
1259 , en son temps, sa petite part. On lui a expliqué qu’ il fallait la mériter et tâcher de devenir quelqu’un. En d’autres term
1260 as encore quelqu’un, Stéphane cherche à savoir ce qu’ il est. C’est une autre manie de sa génération. Mais là encore il se s
1261 re froidement ne pas exister. Non : il a remarqué que l’époque peut être définie par l’abondance des autobiographies, mais
1262 séances lui font du mal, l’énervent, mais l’aveu qu’ il en consent l’attache plus secrètement à son aventure. Nous vivons
1263 e coiffeur. Déjà, c’est avec une sorte d’angoisse qu’ il la recherche. Il veut se voir tel qu’il est parmi les autres. Mais
1264 ’angoisse qu’il la recherche. Il veut se voir tel qu’ il est parmi les autres. Mais s’il lui arrive de prendre son image pou
1265 et si profondément différent de cette apparence, qu’ il doute de sa réalité. Le mystère de voir ses yeux l’épouvante. Il y
1266 uvante. Il y cherche une révélation et n’y trouve que le désir d’une révélation. Peut-on s’hypnotiser avec son propre regar
1267 hypnotiser avec son propre regard ? Il n’y a plus que cette incantation à soi-même qui pourrait lui rendre la certitude d’ê
1268 avoir voulu se constater. Va-t-il découvrir aussi qu’ on ne comprend que ce qu’on dépasse ? Et qu’il faut sortir de soi pour
1269 stater. Va-t-il découvrir aussi qu’on ne comprend que ce qu’on dépasse ? Et qu’il faut sortir de soi pour se voir ? Il y a
1270 Va-t-il découvrir aussi qu’on ne comprend que ce qu’ on dépasse ? Et qu’il faut sortir de soi pour se voir ? Il y a dans l
1271 aussi qu’on ne comprend que ce qu’on dépasse ? Et qu’ il faut sortir de soi pour se voir ? Il y a dans l’homme moderne un b
1272 de vérifier qui n’est plus légitime dès l’instant qu’ il se traduit par la négation de l’invérifiable. Stéphane n’a pas eu c
1273 ité est un acte de foi : Stéphane ne sait plus ce qu’ il est. Semblablement, il ne sait plus aimer. (Ces jeunes gens ne veul
1274 ure qui en a bien d’autres, d’aspects. Il est bon que le lecteur dérisoirement troublé par la crainte de n’avoir pas saisi
1275 vante aux considérations précédentes lui échappe, qu’ il y voie une de ces marques. Stéphane a oublié jusqu’au mot de prière
1276 visage me cache tous les miroirs » — à une femme qu’ il aimait. m. « Miroirs, ou Comment on perd Eurydice et soi-même »,
76 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Sherwood Anderson, Mon père et moi et Je suis un homme (janvier 1929)
1277 grossièreté de lui répondre d’un air connaisseur que c’est bien composé. J’avoue prendre cette autobiographie tellement au
1278 prendre cette autobiographie tellement au sérieux que j’ai été bien étonné du passage où il rappelle qu’il écrit la vie d’u
1279 ue j’ai été bien étonné du passage où il rappelle qu’ il écrit la vie d’un homme de lettres. En réalité, on ne le voit pas e
1280 vant tout un poète, un homme qui aime inventer et que cela console des nécessités modernes, dégradantes. Cet amour de l’inv
1281 , c’est un Américain qui viennent nous rapprendre que les sources de la poésie sont dans notre maison. Voici un de ces pass
1282 des moments où j’arrivais presque à me convaincre que si je m’approchais tout à coup par-derrière d’un homme ou d’une femme
1283 t disais “houu !” il ou elle se secouerait enfin, que moi aussi je me secouerais, et que nous nous en irions bras dessus, b
1284 ouerait enfin, que moi aussi je me secouerais, et que nous nous en irions bras dessus, bras dessous en riant de nous-mêmes
1285 ce monde moderne, ce monde de fous qui n’ont plus que leur raison, ce monde où l’on ne sait plus créer avec joie des formes
1286 mme nommé Ford, de Détroit, a contribué davantage que n’importe quel autre de mon temps à faire aboutir la standardization
1287 rle de l’élever à la présidence de la République. Qu’ un tel acte serait adéquat ! Tamerlan, dont la spécialité était l’assa
1288 humain, mais qui raconte dans son autobiographie que son désir constant était que tous les hommes vivant sous lui conserva
1289 s son autobiographie que son désir constant était que tous les hommes vivant sous lui conservassent la virilité et le respe
77 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). « Belles-Lettres, c’est la clé des champs… » (janvier 1929)
1290 . Belles-Lettres n’est compréhensible et légitime que dans la mesure où la poésie est compréhensible et légitime. 4. Je sui
1291 ’est besoin de formuler cette ivresse ; autrement que par des cris. 5. Avec toutes les erreurs et turpitudes que cela compo
1292 es cris. 5. Avec toutes les erreurs et turpitudes que cela comporte, Belles-Lettres est une liberté. Une rude épreuve : on
1293 est une liberté. Une rude épreuve : on n’en sort que pour mourir ou pour entrer en religion : rond de cuir ou poète (au se
1294 on. Car ils ont vu, et s’ils n’ont pas cru, c’est qu’ ils sont foncièrement mauvais.) 6. Peu de choses dans le monde moderne
1295 deur à l’Éternel et à Satan pareillement. Et ceux qu’ elle enivre entrent en état de grâce ou de blasphème, selon. Mais ce q
78 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Prison. Ailleurs. Étoile de jour (mars 1929)
1296 Prison Prisonnier de la nuit mais plus libre qu’ un ange prisonnier dans ta tête mais libre comme avant cette naissance
1297 es des mains de mon amour écloses voyageuses ah ! que d’aucun retour vous ne laissiez le gage aux plaintes de mon cœur il e
1298 ntes de mon cœur il est d’autres rivages où mieux qu’ ici l’on meurt. Étoile de jour Il naissait à son destin des ra
79 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). Souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Philippe Godet (avril 1929)
1299 onvaincu l’on a répété dans une ballade fameuse «  Que voulez-vous, je suis bourgeois ! », l’on peut se permettre quelques m
1300 , quelques jeux d’esprit ou de méchanceté, assuré que l’on est désormais d’être absous avec le sourire par la clientèle des
1301 a l’un des rares qui ont réussi à se connaître et que cela n’a point stérilisé : sa nature, il est vrai, s’y prêtait, peu c
1302 -delà ». C’est le comble de l’économie bourgeoise que cette administration exacte d’un petit capital. Le contraire de la po
1303 is on n’en demande pas tant dans les familles. Et qu’ importe si la perspective manque souvent à ces récits : ce n’est point
1304 nt à ces récits : ce n’est point un paysage d’âme qu’ on y cherche, mais l’anecdote bien tournée, des noms connus. Tout est
1305 mme tout cela manque de chair. Et de rêve. Est-ce qu’ en ce temps-là on ne se nourrissait vraiment que de petits mots d’espr
1306 e qu’en ce temps-là on ne se nourrissait vraiment que de petits mots d’esprit et de malices ? Noisettes et cornichons ? t
80 1929, Journal de Genève, articles (1926–1982). Panorama de Budapest (23 mai 1929)
1307 pitales suffit à vous en donner la sensation : ce que vous pourrez voir durant le reste de votre séjour ne fera que confirm
1308 rrez voir durant le reste de votre séjour ne fera que confirmer cette première impression. Vienne : assis sur les banquette
1309 t des cafés débordants de crème, avec une apathie qu’ aucun orchestre ne vient troubler, aucune voix haute, aucune couleur v
1310 une voix haute, aucune couleur vive. Les journaux qu’ ils lisent annoncent chaque jour quelque catastrophe imminente, une ré
1311 s après-midi entiers devant les deux verres d’eau que le garçon renouvelle de temps à autre, à lire des potins tout en essu
1312 portant, en cœur noir, la nouvelle… « Savez-vous qu’ on nous a pris les deux tiers de notre pays ?… Non, non, jamais ! » La
1313 eige (une boue ocre, épaisse, on envie les bottes que portent les femmes), encombrée de piétons qui traversent en tous sens
1314 idylles démodées… Rentrons dans la ville un soir qu’ elle s’amuse. Vous avez dîné au paprika chez des gens qui vous ont reç
1315 c’est leur formule de salutation — vous constatez que cette profusion de liqueurs légères facilite singulièrement les rappo
81 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jules Supervielle, Saisir (juin 1929)
1316 n silence particulier avant d’entendre les signes qu’ il nous propose. Une telle poésie n’offre aux sens que peu d’images (à
1317 l nous propose. Une telle poésie n’offre aux sens que peu d’images (à peine quelques « motifs », objets usuels et usés, sur
1318 és, sur la nuance mate d’un paravent chinois). Ce qu’ elle décrit, ce sont des perceptions de l’âme plus que de l’esprit ou
1319 lle décrit, ce sont des perceptions de l’âme plus que de l’esprit ou des sens. « Reste immobile et sache attendre que ton c
1320 t ou des sens. « Reste immobile et sache attendre que ton cœur se détache de toi comme une lourde pierre. » Le corps, que l
1321 tache de toi comme une lourde pierre. » Le corps, que l’âme quitte, redevient minéral, statue dans le silence « aux yeux ge
1322 eur réalité les choses dont elle s’est dégagée et qu’ elle voit dans une autre lumière : « Tout semblait vivre au fond d’un
82 1929, Articles divers (1924–1930). La tour de Hölderlin (15 juillet 1929)
1323 lderlin (15 juillet 1929)n « Je lui ai raconté qu’ il habite une chaumière au bord d’un ruisseau, qu’il dort les portes o
1324 qu’il habite une chaumière au bord d’un ruisseau, qu’ il dort les portes ouvertes, et pendant des heures récite des odes gre
1325 sieurs touches sonnent encore, et c’est là-dessus qu’ il improvise, oh ! j’aimerais tant aller là-bas, cette folie m’apparaî
1326 plus difficile de se faire comprendre par un sot que par un fou. » L’hiver dernier, m’occupant assez longuement d’un des p
1327 ible dans son œuvre. Car ce poète n’est peut-être que le lieu de sa poésie, — d’une poésie, l’on dirait, qui ne connaît pas
1328 derlin signe maintenant Scardanelli des quatrains qu’ il donne aux visiteurs venus pour contempler la victime d’un miracle.
1329 igne familièrement l’image d’une femme par le nom qu’ elle portait au mystère de l’amour… Trois petites fenêtres ornées de c
1330 e la jeunesse, voilà si longtemps, si longtemps qu’ elles ont fui. Avril et mai et juin sont lointains, Je ne suis plu
1331 ’aime plus vivre. Il y avait encore plus de paix que maintenant. La grande allée sur l’île n’existait pas, en face, ni les
1332 ale. Il y a pourtant cette petite chambre… Est-ce que tout cela existe dans le même monde ? (Il est bon de poser parfois de
1333 e, où il a perdu son âme. Et puis il n’est revenu qu’ un vieux corps radotant. — Qu’en pensez-vous, bonnes gens ?… Il a eu t
1334 uis il n’est revenu qu’un vieux corps radotant. —  Qu’ en pensez-vous, bonnes gens ?… Il a eu tort, sans doute. Tout le monde
1335 ver malsain ce genre de tentatives : cela ne peut que mal finir. Ceux du bon sens hochent la tête et citent la phrase la pl
1336 ’eau… elle est tellement d’ailleurs… Faut-il donc que l’un des deux soit absurde, de ces mondes à mes yeux soudain simultan
1337 simultanés ?… Le tragique de la facilité, c’est qu’ elle n’est qu’un oubli. Et pourtant, comme elle paraît ici bien établi
1338 Le tragique de la facilité, c’est qu’elle n’est qu’ un oubli. Et pourtant, comme elle paraît ici bien établie, triomphante
1339 ux, ces âmes indulgentes à leur banalité ? Est-ce qu’ ils ne soupçonnent jamais rien ? Ou bien, peut-être, seulement, quand
1340 stement, nous fait comprendre, dans le temps même qu’ il nous entr’ouvre le ciel, qu’il est bon qu’il y ait le monde… Mais q
1341 dans le temps même qu’il nous entr’ouvre le ciel, qu’ il est bon qu’il y ait le monde… Mais que cette musique vulgaire, par
1342 même qu’il nous entr’ouvre le ciel, qu’il est bon qu’ il y ait le monde… Mais que cette musique vulgaire, par quel hasard, d
1343 le ciel, qu’il est bon qu’il y ait le monde… Mais que cette musique vulgaire, par quel hasard, donne l’accord qui m’ouvre u
83 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Jean Cassou, La Clef des songes (août 1929)
1344 ru l’année dernière — un livre assez troublant et qu’ on a trop peu remarqué —, Jean Cassou revient à son romantisme, à notr
1345 s ce monde un peu plus léger, un peu plus profond que le vrai, où l’Éloge de la folie nous entraînait naguère. Jean Cassou
1346 es, des bonheurs qui signifient plus de désespoir qu’ ils ne s’en doutent… C’est un dévergondage sentimental, plein de malic
1347 n de malices et d’envies de pleurer. Quel dommage qu’ il s’égare parfois dans les maisons des grands bourgeois, où tout, sou
1348 le de n’importe quoi, cet air dangereux et tendre que prennent les hommes en liberté. Mais ils ne sont jamais méchants, et
1349 On voudrait un livre de Cassou qui ne serait fait que de ces intermèdes ; pur de tout souci de vraisemblance extérieure ; q
1350 souci de vraisemblance extérieure ; qui ne serait qu’ invention, qui inventerait sa vérité. Ce serait un de ces miracles de
1351 les de liberté dont nous avons besoin pour croire que le monde actuel n’est pas un cas désespéré. Mais voici déjà dans l’œu
84 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). André Rolland de Renéville, Rimbaud le voyant (août 1929)
1352 1929)ba À lire ce petit livre et le parallèle qu’ il établit entre le yogabb telle que l’enseignaient les upanishads et
1353 le parallèle qu’il établit entre le yogabb telle que l’enseignaient les upanishads et la tentative poétique de Rimbaud, l’
1354 t la tentative poétique de Rimbaud, l’on s’étonne qu’ il ait fallu plus d’un demi-siècle pour qu’une telle interprétation vo
1355 ittérature la plus spirituelle du monde. La thèse que défend l’auteur de cet essai — la voyance de Rimbaud — est une de ces
1356 la voyance de Rimbaud — est une de ces évidences qu’ il est bon de proposer à la réflexion de notre temps, ne fût-ce que po
1357 proposer à la réflexion de notre temps, ne fût-ce que pour faite honte à ceux qui sont encore capables d’une telle honte, d
1358 démarche, mais inspiré par cet enthousiasme sacré que requiert l’œuvre de Rimbaud. Regrettons seulement qu’il n’élargisse p
1359 requiert l’œuvre de Rimbaud. Regrettons seulement qu’ il n’élargisse pas plus une question aussi centrale — qui est, si l’on
1360 ris pour la révélation évangélique. Je ne vois là que l’indice d’une confusion bien française, hélas. ba. « André Rolland
85 1929, Bibliothèque universelle et Revue de Genève, articles (1925–1930). Julien Benda, La Fin de l’Éternel (novembre 1929)
1361 n débat où les voix les mieux écoutées ont dit ce qu’ elles avaient à dire. Et d’autre part, les lecteurs de cette revue con
1362 Clercs 11, thèse dont la Fin de l’Éternel ne fait que reprendre la défense contre ses adversaires de tous bords. Je voudrai
1363 ù je me sens bien plus près de M. Gabriel Marcel, qu’ il attaque. (M. Benda trahit à son tour quand il tire argument contre
1364 tire argument contre une thèse de M. Marcel de ce qu’ elle « mène loin… dans l’ordre moral ». Et quand cela serait ! dirons-
1365 e trahit pas.) D’autre part, de plus impertinents que moi ne manqueront pas de faire observer que la « fin de l’éternel »,
1366 nents que moi ne manqueront pas de faire observer que la « fin de l’éternel », la chute de l’idée dans la matière, est un p
1367 matière, est un phénomène exactement aussi vieux que le monde. Mais M. Benda distinguera, et ils seront confondus. Car il
1368 s le contraire de la Raison de Spinoza. Nul mieux que lui ne s’entend définir et classer choses et idées en catégories « ra
1369 non de la difficulté elle-même. Mais pour gênante que soit souvent son adresse de logicien, elle ne doit pas nous masquer l
1370 ement, la gloire de M. Benda sera d’avoir soutenu que l’humanité a besoin qu’on lui demande l’impossible. Et quand bien mêm
1371 enda sera d’avoir soutenu que l’humanité a besoin qu’ on lui demande l’impossible. Et quand bien même elle croirait n’en avo
1372 extrémistes de droite et de gauche, n’en apparaît que plus pur. « Noms de clowns qui me viennent l’esprit : Julien Benda… »
1373 en Benda… », écrit Aragon. Et Daudet nous apprend que « le petit Benda est un fameux serin ». Mais ces affirmations sont ex
1374 n ». Mais ces affirmations sont exactement celles qu’ il fallait attendre de ces auteurs. Ce qu’on ne viendra pas disputer à
1375 celles qu’il fallait attendre de ces auteurs. Ce qu’ on ne viendra pas disputer à M. Benda, c’est son dur amour de la vérit
1376 quelque chose, où rien plus n’est tenu pour vrai que relativement à un rendement. Rien, pas même la religion. 11. Cf. l’
86 1929, Revue de Belles-Lettres, articles (1926–1968). L’ordre social. Le Libéralisme. L’inspiration (novembre 1929)
1377 et sont en scandale aux meilleurs esprits ? Voici que tu t’apprêtes visiblement à t’envoler, laissant des parents inconsola
1378 stre. Mais à partir de ce jour, on lui fit sentir qu’ il était devenu beaucoup moins intéressant. ⁂ Celui qui a des ailes se
1379 amaient-ils, combien complexes sont les problèmes que vous proposez à notre bonne volonté gémissante ! Dieu, dans sa pitié,
1380 aient la Démocratie outragée, les autres disaient qu’ il n’y a plus de morale, et ces jeunes gens ont une façon de trancher
1381 rancher les questions qui vous désarme. Craignant qu’ on ne lui fît un mauvais parti, l’ange trouva son salut dans un subter
1382 trouva son salut dans un subterfuge : il insinua qu’ il parlait au nom d’une secte orientale. Aussitôt la discussion de rep
1383 oute, d’inspiration. Je trouve dans une enveloppe qu’ hier vous m’adressâtes une déclaration d’amour destinée à une femme bl
1384 t suivre. Alexandrine un jour m’a laissé entendre qu’ elle vous aime. Elle attend votre lettre depuis des mois. Je pense que
1385 lle attend votre lettre depuis des mois. Je pense que ces lignes vous trouveront réunis. Avec ma bénédiction, je suis votre
1386 manuscrit et conclut : « L’inspiration est le nom qu’ on donne en poésie à une suite de malentendus heureusement enchaînés. 
87 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. Avant-propos
1387 as les enfants, d’Henri Roorda. Le premier montre que la science apprise à l’école appauvrit l’homme de tout ce que son ign
1388 ce apprise à l’école appauvrit l’homme de tout ce que son ignorance respectait, et ne lui donne à la place que des laideurs
1389 ignorance respectait, et ne lui donne à la place que des laideurs et de la prétention. L’autre, avec l’ironie tranquille d
1390 moque, décrit la stupidité de l’enseignement tel qu’ il est pratiqué dans nos collèges. Mon dessein est assez différent, mo
1391 on socialiste qui a été établi par coup de force, que les libéraux ont admis, conformément à leurs maximes, et toléré malgr
1392 e donner ce droit bien inutile. Pourtant je sais qu’ à droite comme à gauche, ils sont plus nombreux qu’on ne le pense, ceu
1393 u’à droite comme à gauche, ils sont plus nombreux qu’ on ne le pense, ceux qui refusent d’être complices dans cet attentat à
1394 complices dans cet attentat à l’intégrité humaine qu’ est en fait l’esprit démocratique. Là-dessus, ces messieurs se lamente
1395 e forme politique. Je me contente de vitupérer ce que je vois, qui est laid. Quand la soupe est brûlée, on la renvoie, même
1396 rousse ses manches. Il s’apprête à cracher sur ce que je dirai de plus beau… Oh ! oh ! oh ! il va parler, de grâce mettez-l
1397 ici même ; mais — gain de temps — je n’aurai plus qu’ à renvoyer aux lettres A ou B, selon. A. Réponses du type : on ne peut
1398 ceux qui croient aux faits. Je leur réponds : 1° qu’ ils ne peuvent me dénier le droit de juger ces faits ; 2° qu’ils ne pe
1399 euvent me dénier le droit de juger ces faits ; 2° qu’ ils ne peuvent, en vertu même de leur scepticisme quant à la valeur ré
1400 s, m’accuser de faire une critique dangereuse. 3° que néanmoins je crois à l’efficace de certaines utopies. (Les religions,
1401 pitre 5 où je traiterai de cet aspect du problème que l’on peut appeler la question de droit. Certains, en effet, tirent to
1402 érité sans égard aux dérangements, même violents, que cela ne manque jamais de provoquer, je me propose de marquer ici la d
88 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 1. Mes prisons
1403 ttendrissent sur leurs souvenirs de classe. C’est qu’ ils les confondent avec ceux de leur enfance et les font indûment part
1404 Voyez Péguy, quand il essaie de nous faire croire qu’ « il n’y a rien au-dessus » de la tâche des instituteurs : Faire de c
1405 e tapissier par le prix du mètre courant. Encore que je prenne les sentiments trop au sérieux pour faire ici du sentiment,
1406 s’emmêlent… Et c’est cela l’enfance insouciante ? Qu’ est-ce qui ressemble plus au souci quotidien des grandes personnes ? M
1407 et le monsieur qui racontait gravement des choses qu’ on ne comprend pas, la prière du soir pour qu’il fasse beau demain, Mi
1408 un peu divine, baignée d’une très vague angoisse que l’on fuyait avec des bonheurs fous dans les bras maternels, ou bien c
1409 ers… L’École, dans ce concert de souvenirs, n’est qu’ une dissonance douloureuse2. Deux angoisses dominent mon enfance : les
1410 chante, ce souci qui renaît chaque jour, je pense que tout cela tient trop de place dans notre enfance. À 5 ans, j’avais ap
1411 s, et naturellement, la phrase sacrée : « Il faut que tous fassent la même chose, ici ! » Dans la suite, on se chargea d’il
1412 alité. Mais pour être rentrée, ma colère n’en fut que plus malfaisante. L’école me rendit au monde, vers l’âge de 18 ans, c
1413 ètes pour nous faire comprendre avec enthousiasme que ces vérités-là n’ont aucune importance.) Quant à l’autre « évidence »
1414 aucune importance.) Quant à l’autre « évidence » que je viens de citer, je découvris un jour qu’elle contient la cause dét
1415 nce » que je viens de citer, je découvris un jour qu’ elle contient la cause déterminante de notre malaise. Il me fallut un
1416 certitudes apprises. Enfin j’ouvris, c’est-à-dire que je me posai la question : est-ce vrai que tous les hommes doivent êtr
1417 -à-dire que je me posai la question : est-ce vrai que tous les hommes doivent être égaux en tout ? Et la première réponse f
1418 ux en tout ? Et la première réponse fut : Il faut que ce soit vrai, pour que la démocratie prospère et étende ses conquêtes
1419 n de la règle de trois, aussi profondément certes qu’ un Voltaire le fut par les jésuites : du moins ceux-ci lui laissèrent-
1420 u’à les mettre en doute : mais un jour je compris que ce n’étaient que des principes. Et ce fut ma seconde découverte : ce
1421 doute : mais un jour je compris que ce n’étaient que des principes. Et ce fut ma seconde découverte : ce monde simplifié,
1422 acquis le respect des statistiques. Nous savions que les miracles ne trompent que les illettrés, mais qu’il convient de s’
1423 tiques. Nous savions que les miracles ne trompent que les illettrés, mais qu’il convient de s’incliner devant les miracles
1424 les miracles ne trompent que les illettrés, mais qu’ il convient de s’incliner devant les miracles de la science appliquée.
1425 ncrédulité et le bien-être matériel. Nous savions qu’ un fils d’ouvrier est l’égal d’un petit Dauphin — et même nous ne pouv
1426  et même nous ne pouvions nous empêcher de croire que le petit ouvrier est bien plus malin. Nous savions un tas de choses d
1427 sservissement de l’esprit et ces mythes stériles, que je les rendis responsables de ma perte de contact avec les réalités l
89 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 2. Description du monstre
1428 ls avaient changé ! On s’entendait d’autant mieux qu’ on était devenus plus différents. Car ces différences sont les premièr
1429 fraternité véritable. Mais c’est en caserne aussi que je devais retrouver les instituteurs. Ceux-là n’avaient pas bougé. Et
1430 de l’école. Rien ne ressemble plus à un bon élève qu’ un instituteur : de l’un à l’autre il n’y a pas de solution de continu
1431 de solution de continuité, la différence n’étant qu’ une question d’âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire est sa
1432 qu’une question d’âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire est sans doute injuste et faux dans un très grand nombre
1433 odique des hommes et son mépris pour les paysans. Qu’ il soit officier ou troupier, on le reconnaît à une façon pédante d’êt
1434 e responsable, cela se voit de loin. Il faut dire que ce ridicule n’échappe pas à ceux qu’ils méprisent le plus, et ils aur
1435 Il faut dire que ce ridicule n’échappe pas à ceux qu’ ils méprisent le plus, et ils auraient souvent l’occasion de s’en dout
1436 inutilement. Si l’on me poussait un peu, je crois que je m’oublierais au point d’insinuer que les instituteurs galonnés cau
1437 je crois que je m’oublierais au point d’insinuer que les instituteurs galonnés causent autant de tort à l’armée que les in
1438 tuteurs galonnés causent autant de tort à l’armée que les instituteurs antimilitaristes qui signent des manifestes en mauva
1439 môssieu très instruit, vous êtes presque certain qu’ il s’agit d’un de ces cuistres pédants qu’on aime rencontrer dans des
1440 certain qu’il s’agit d’un de ces cuistres pédants qu’ on aime rencontrer dans des farces où ils sont drôles, mais non point
1441 inimitable sérieux, avec un P majuscule. On sent que c’est là son affaire : Monsieur en un mot est M’sieu l’Instituteur. S
1442 classe sociale, de la petite bourgeoisie. Est-ce que l’esprit petit-bourgeois qui imprègne l’enseignement primaire constit
1443 s bourgeois. Ils sont au moins aussi sympathiques que n’importe quelle autre classe de la société. Mais l’esprit petit-bour
1444 ’esprit petit-bourgeois pris abstraitement et tel qu’ il se manifeste dans l’école primaire est un véritable virus de mesqui
1445 mesquinerie, et devrait être soigné au même titre que certaines autres maladies dites « sociales ». Je reviendrai peut-être
1446 peut-être sur ce point. Pour l’instant je ne veux que décrire l’école telle qu’on la voit. Après les personnes, le décor. L
1447 ur l’instant je ne veux que décrire l’école telle qu’ on la voit. Après les personnes, le décor. La laideur des collèges n’e
1448 s scolaires ». symbolise d’une façon frappante ce qu’ il y a de schématique et de monotone dans la conception démocratique d
1449 s — c’était pourtant un refuge pour l’imagination que ces initiales, ces signes, ces devises… —, les estampes piquées, Numa
1450 it années de votre vie, citoyens ! Et vous pensez que c’est un grand progrès sur la Nature. Quelle peut bien être la vertu
1451 lieu, moral et matériel ? L’école publique, telle que nous la voyons est semblable à tous ces monuments « de la mauvaise ép
1452 ni à l’utilité, et ils sont déjà démodés. On dit que le style 1880 n’en est pas un : mais l’absence de style est encore un
90 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 3. Anatomie du monstre
1453 s puisqu’elles me sont absolument personnelles et qu’ elles ont la valeur d’un témoignage, ni plus ni moins — il est temps q
1454 d’un témoignage, ni plus ni moins — il est temps que je fasse passer un petit examen aux principes de cette institution pa
1455 aveuglante : cela tient pour une bonne part à ce que ces personnes ont les yeux faibles. Il serait plus juste de dire que
1456 nt les yeux faibles. Il serait plus juste de dire que la passion n’a qu’une clairvoyance intéressée : mais celles-là sont l
1457 . Il serait plus juste de dire que la passion n’a qu’ une clairvoyance intéressée : mais celles-là sont les plus vives. Enfi
1458 ont les plus vives. Enfin, je tiens à reconnaître qu’ ici je ne cherche point l’équité. Pas plus que vous qui défendez de pa
1459 . Pas plus que vous qui défendez de parti pris ce que j’attaque. L’esprit d’équité, avec son préjugé pacifiste n’est pas to
1460 sur les bras. L’écheveau est tellement embrouillé que déjà plusieurs proposent de trancher le nœud. Je me bornerai à l’exam
1461 les plus généraux de l’instruction publique, ceux que n’atteignent dans leur principe ni les réformes de détail ni les moda
1462 cessaire à tout citoyen, dans une vue aussi large que simplifiée. Remarquons qu’il suffit pour établir ce programme de disp
1463 ns une vue aussi large que simplifiée. Remarquons qu’ il suffit pour établir ce programme de disposer d’une ou deux feuilles
1464 s dont on écrit les noms dans les casiers. Est-ce que l’étude du trapézoïde est particulièrement indiquée pour préparer les
1465 seuse et saugrenue, — naïve. Le bon sens voudrait que l’on tînt compte des possibilités d’adaptation de l’enfant ; de la va
1466  ; enfin des rythmes naturels de l’esprit humain, qu’ il se trouve que le Créateur n’a point accordés à l’actuelle division
1467 hmes naturels de l’esprit humain, qu’il se trouve que le Créateur n’a point accordés à l’actuelle division horaire des jour
1468 ionnaires responsables, vous savez par expérience que nous ne comprenons pas la plaisanterie et que notre temps est précieu
1469 nce que nous ne comprenons pas la plaisanterie et que notre temps est précieux. D’ailleurs, les enfants ne se plaignent pas
1470 en principe des « contrôles » comparables à ceux que l’on établit lors des grandes épreuves cyclistes. Les participants du
1471 « fournies » par le prévenu (l’élève examiné) n’a qu’ un lointain rapport avec la qualité et la quantité des efforts « fourn
1472 hologie de l’enfant dont je disais tout à l’heure que la connaissance n’est pas exigée de ceux qui établissent les programm
1473 calibre, car à la vérité ce n’est pas d’enseigner qu’ il s’agit, mais de soumettre les esprits au contrôle de l’État, voyons
1474 dans le même temps. Contentons-nous de remarquer que ce principe est à la base du système ; qui repose donc sur une tranqu
1475 ises de cette épaisseur, mais il faut reconnaître que jamais on n’avait songé à leur donner une extension universelle et un
1476 e et un caractère obligatoire. L’école exige donc que les meilleurs ralentissent et que les plus faibles se forcent. Elle n
1477 cole exige donc que les meilleurs ralentissent et que les plus faibles se forcent. Elle ne convient qu’aux médiocres, dont
1478 que les plus faibles se forcent. Elle ne convient qu’ aux médiocres, dont elle assure le triomphe. L’école s’attaque impitoy
1479 Mais ils se fâchent tout rouge quand on leur dit que la Suisse est caractérisée, aux yeux de l’étranger impartial, par sa
1480 ltats actuels d’une science. Le bon sens voudrait qu’ on étudie d’abord la science dans sa réalité, puis qu’on se réfère au
1481 n étudie d’abord la science dans sa réalité, puis qu’ on se réfère au résumé comme à un aide-mémoire. Mais l’école veut qu’o
1482 résumé comme à un aide-mémoire. Mais l’école veut qu’ on commence par apprendre le résumé. D’ailleurs elle s’arrête là. Les
1483 ent. Or la valeur éducative des choses n’apparaît qu’ à celui qui entre en commerce intime avec elles. On apprend plus de de
1484 mmerce intime avec elles. On apprend plus de deux que de mille, dit un sage oriental dont j’ai oublié le nom. Une autre con
1485 ié le nom. Une autre conséquence du gavage, c’est qu’ on ne peut laisser aux élèves le temps qu’il faut pour assimiler ce qu
1486 , c’est qu’on ne peut laisser aux élèves le temps qu’ il faut pour assimiler ce qu’ils apprennent. Ils sont forcés de gâcher
1487 aux élèves le temps qu’il faut pour assimiler ce qu’ ils apprennent. Ils sont forcés de gâcher leur travail. Or ce travail
1488 forcés de gâcher leur travail. Or ce travail n’a qu’ une valeur éducatrice : s’il n’est pas modèle, il est absurde. Mais où
1489 absurde. Mais où sont à l’école les modèles de ce qu’ on nommait autrefois la belle ouvrage ? On va supprimer les leçons de
1490 s de calligraphie. La discipline On conçoit que la réalisation d’un programme entièrement contre nature exige une dis
1491 t muets 6 heures par jour durant 8 ans. Il paraît que cela facilite le travail du maître. Il se peut. Tout dépend de ce qu’
1492 travail du maître. Il se peut. Tout dépend de ce qu’ on attend de ce travail. Je doute qu’il soit de nature à légitimer l’é
1493 dépend de ce qu’on attend de ce travail. Je doute qu’ il soit de nature à légitimer l’énormité de l’effort qu’on demande à c
1494 soit de nature à légitimer l’énormité de l’effort qu’ on demande à ces petits. Là encore il y a une exagération absurde, une
1495 ne généralisation si schématique et superficielle que la discipline perd tout son sens éducatif et n’est plus qu’une entrav
1496 cipline perd tout son sens éducatif et n’est plus qu’ une entrave énervante, un système de vexations mesquines, propres à ét
1497 ne école de Démocratie. Ils insistent sur le fait que les leçons d’instruction civique sont insuffisantes pour former le pe
1498 uffisantes pour former le petit citoyen : il faut que l’enseignement tout entier soit occasion de développer les vertus soc
1499 ucun état social existant. Ce qui est vrai, c’est que le fait, absolument nouveau dans l’Histoire, que l’on oblige les enfa
1500 que le fait, absolument nouveau dans l’Histoire, que l’on oblige les enfants à vivre ensemble dès l’âge de 6 ans, favorise
1501 arisme. La culture de l’esprit démocratique telle qu’ elle est comprise par les instituteurs — et elle ne peut être comprise
1502 onsiste à persécuter ceux qui, en quelque manière que ce soit, voudraient « se distinguer ». (Le mépris que notre peuple me
1503 ce soit, voudraient « se distinguer ». (Le mépris que notre peuple met dans cette expression !) Pour moi ce que je retire d
1504 e peuple met dans cette expression !) Pour moi ce que je retire de plus évident de mon expérience scolaire, c’est une gross
1505 mon expérience scolaire, c’est une grosse vérité que le bon sens m’eût par ailleurs fait voir : il n’y a pas d’égalité rée
1506 oir : il n’y a pas d’égalité réelle possible tant que la loi est la même pour tous. Je ne parle pas des manuels d’histoire,
1507 uels d’histoire, dont il est aujourd’hui démontré qu’ ils donnent une image mensongère de l’ancienne Suisse, à l’usage du pe
1508 ? L’idéal du bon élève Le bon sens voudrait que le bon élève soit celui qui sait utiliser pour son profit humain la p
1509 n la petite somme de connaissances indispensables qu’ on lui donne à l’école. (Cet argent de poche, ni plus ni moins.) Ou en
1510 t argent de poche, ni plus ni moins.) Ou encore : que le bon élève soit celui qui supporte le mieux le traitement scolaire 
1511 il est même tout contraire. On ne peut pas exiger qu’ il soit tout de noblesse, de vertu et de grandeur. Mais on peut s’éton
1512 tu et de grandeur. Mais on peut s’étonner de voir qu’ il n’est que ridicule et mesquinerie. Il y a là une préméditation de m
1513 ndeur. Mais on peut s’étonner de voir qu’il n’est que ridicule et mesquinerie. Il y a là une préméditation de médiocrité qu
1514 inerie. Il y a là une préméditation de médiocrité que je ne puis m’empêcher de trouver suspecte. Le bon élève est celui qui
1515 e des petits morceaux de vouate. » Il est évident que Sylvie est supérieure à Victoria dans la mesure où l’invention est su
1516 élève est aussi l’élève discipliné. L’école veut que partout la valeur cède le pas à la règle. Elle cherche à développer c
1517 les ou d’impuissants, qui d’ailleurs ne peut être qu’ à l’avantage des gens en place, vieille histoire. On m’objectera sans
1518 ion d’un grand nombre de régents, ne laissent pas que d’être assez spéciales. Il arrive en effet que nos petits futurs grrr
1519 as que d’être assez spéciales. Il arrive en effet que nos petits futurs grrrands citoyens ayant accompli de « fortes études
1520 uie quoique énergique d’un de ces coqs de village qu’ on vient de jucher sur la flèche de l’édifice administratif. Et c’est
1521 classes d’un collège ont été frappés de constater que la force et l’originalité de leur jugement sont en raison inverse du
1522 inverse du nombre d’années d’instruction publique qu’ ils ont subies. Le dilemme J’ai indiqué que les principes de l’i
1523 qu’ils ont subies. Le dilemme J’ai indiqué que les principes de l’instruction publique ne coïncident qu’accidentelle
1524 principes de l’instruction publique ne coïncident qu’ accidentellement avec ceux du bon sens. Je m’en tiendrai là, renonçant
1525 our cette fois à démontrer, ce qui serait facile, qu’ ils constituent une inversion méthodique de toutes les lois divines et
1526 ent de la race. D’autre part, il est aisé de voir que tous ces principes dérivent nécessairement du fait que l’école est pu
1527 ous ces principes dérivent nécessairement du fait que l’école est publique, obligatoire, et soumise au contrôle de l’État.
1528 lement les meilleurs qui sont sacrifiés. Voici ce que M. E. Duvillard dit des enfants peu doués pour les disciplines scolai
91 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 4. L’illusion réformiste
1529 principe de l’instruction publique. Les réformes qu’ ils ont proposées jusqu’ici sont en général judicieuses, dictées par l
1530 édantisme inhérent à toute science. On a constaté que l’école actuelle est fondée sur une remarquable ignorance de la psych
1531 a voulu apporter de la science. Mais c’est un art qu’ il faudrait. Sinon l’on retombera dans des absurdités. On a créé par e
1532 conception du pratique prévaut, il est à craindre que l’école nouvelle n’apporte bientôt sa méthode rationnelle pour appren
1533 dira : je lève la main, — au lieu de demander ce qu’ on croit. Tout porte à craindre qu’à la faveur du tumulte l’un ou l’au
1534 de demander ce qu’on croit. Tout porte à craindre qu’ à la faveur du tumulte l’un ou l’autre proclamant : je sors ! ne tradu
1535 rcice ; car il ne manque à ce système, avouez-le, que juste la spontanéité nécessaire pour que ça ne soit pas une lourde fa
1536 issant la possibilité de trouver par eux-mêmes ce qu’ ils doivent apprendre. Mais qu’est-ce qu’une liberté méthodiquement or
1537 r par eux-mêmes ce qu’ils doivent apprendre. Mais qu’ est-ce qu’une liberté méthodiquement organisée ? En réalité, cet amuse
1538 mêmes ce qu’ils doivent apprendre. Mais qu’est-ce qu’ une liberté méthodiquement organisée ? En réalité, cet amusement a pou
1539 se plus des résultats, on les fait trouver. Notez que cela revient au même, sauf que par la méthode nouvelle on atteint l’e
1540 ait trouver. Notez que cela revient au même, sauf que par la méthode nouvelle on atteint l’enfant plus profondément, on se
1541 la formule d’une tromperie subtile et plus grave que la brutalité primaire, parce qu’elle n’excite pas de réaction vive de
1542 ive de la part des écoliers. Enfin, je n’aime pas qu’ on traite le gosse comme un organisme dont il s’agit d’obtenir le rend
1543 ans… Mettez ensemble trois enfants… Je reconnais que les buts de l’école nouvelle sont honnêtement scientifiques, et désin
1544 Moi je voudrais l’enfant tout court. Or il paraît que c’est très dangereux. Néanmoins je soupçonne dans tous ces mouvements
1545 n un jour l’atteindre au cœur, et je vois tout ce que cela entraînerait, dans une ruine d’où renaîtrait peut-être l’humanit
1546 t de leur faire remarquer d’autant plus librement qu’ ils trahissent le dessein profond de l’instruction publique, qu’ils tr
1547 ent le dessein profond de l’instruction publique, qu’ ils trahissent leur mission officielle. Ils éduquent de futurs anarchi
1548 éduquent de futurs anarchistes8, bravo ! Mais ce qu’ on leur avait confié, c’était la fabrication en série de petits démocr
1549 its démocrates conscients et organisés. Je crains que ce malentendu ne soit décidément trop gros pour échapper plus longtem
1550 Je le crains, dis-je ; car le monde ne progresse qu’ à la faveur de malentendus (si tant est qu’il progresse). L’école nouv
1551 gresse qu’à la faveur de malentendus (si tant est qu’ il progresse). L’école nouvelle n’échappe à l’absurdité primaire qu’à
1552 L’école nouvelle n’échappe à l’absurdité primaire qu’ à la faveur d’une équivoque. Cette équivoque frappe tout essai de réfo
1553 ue. Cette équivoque frappe tout essai de réforme. Qu’ il y ait là cependant une possibilité pratique d’en sortir, je ne le n
1554 e vue de la vérité, force nous est de reconnaître que notre dilemme subsiste dans son intégrité et son urgence. 7. Ou des
1555 en tiennent lieu. 8. Voir à l’appendice le sens que je donne à ce mot.
92 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 5. La machine à fabriquer des électeurs
1556 de fait de l’instruction publique. Je crois aussi qu’ on ne peut réformer l’absurde. Je demande seulement qu’on m’explique p
1557 ne peut réformer l’absurde. Je demande seulement qu’ on m’explique pourquoi il triomphe et se perpétue ; de quel droit il n
1558 ner l’une c’est faire pleurer l’autre. Écouter ce que dit l’une, c’est savoir ce que l’autre pense. Elles ne mourront qu’en
1559 ’autre. Écouter ce que dit l’une, c’est savoir ce que l’autre pense. Elles ne mourront qu’ensemble. Il n’y aura qu’une orai
1560 st savoir ce que l’autre pense. Elles ne mourront qu’ ensemble. Il n’y aura qu’une oraison. Laïque. J’entends qu’on ne me co
1561 pense. Elles ne mourront qu’ensemble. Il n’y aura qu’ une oraison. Laïque. J’entends qu’on ne me conteste pas cette thèse. E
1562 le. Il n’y aura qu’une oraison. Laïque. J’entends qu’ on ne me conteste pas cette thèse. Elle est glorifiée dans tous les ba
1563 t des idéologies enivrées. D’ailleurs, cette idée que j’ai l’honneur de partager avec mes adversaires se trouve correspondr
1564 r eux si rare. Un fait simple, par exemple, c’est que la Démocratie sans l’instruction publique est pratiquement irréalisab
1565 n certain nombre de vérités tellement évidentes —  que cela n’irait pas sans quelque indécence. Et d’abord, il faut pouvoir
1566 pour qu’on n’ait pas le temps de se rendre compte que tout cela est absurde. Pour qu’on n’ait pas le temps d’écouter la nat
1567 ète par toutes ses voix, d’un milliard de façons, que c’est absurde. Pour qu’on n’ait pas le temps de découvrir la Liberté9
1568 l’a embrassée une fois, une seule fois, sait bien que tout le reste est absurde. Et voilà pour les sœurs siamoises. Continu
1569 e. Mais ce n’est de la part de notre Institutrice qu’ un rendu. Car dans ce monde-là « tout se paye » comme ils disent avec
1570 ide et mal dissimulée. Certes, je ne prétends pas que les créateurs de l’instruction publique aient eu pleine conscience de
1571 ruction publique aient eu pleine conscience de ce qu’ ils faisaient — et je les excuse pour autant10. Je dis simplement ceci
1572 dis simplement ceci : leur œuvre n’a été possible que parce qu’elle était liée aux intérêts de la démocratie. Car il faut b
1573 de la démocratie. Car il faut bien se représenter qu’ elle n’était encore au xviiie siècle qu’une utopie de partisans. Il n
1574 résenter qu’elle n’était encore au xviiie siècle qu’ une utopie de partisans. Il ne serait guère plus fou de proposer aujou
1575 ne serait guère plus fou de proposer aujourd’hui qu’ on répande universellement et obligatoirement l’art du saxophone ou de
1576 t du saxophone ou de la balalaïka. Soyez certains qu’ il ne manque à cette plaisanterie, pour prendre corps, que l’appui int
1577 manque à cette plaisanterie, pour prendre corps, que l’appui intéressé d’un groupement politico-financier. Et il y aurait
1578 des députés pour célébrer les bienfaits sociaux, que dis-je, la valeur hautement moralisatrice de ces glapissants entonnoi
1579 suites normales. Je n’en veux pas d’autre preuve que l’état grotesquement arriéré de notre instrument de progrès par excel
1580 nstrument de progrès par excellence. Car il n’est qu’ une explication vraisemblable de cette incurie : l’école, sous sa form
1581 age inappréciable sur le cerveau naturel explique que les autorités compétentes n’aient point hésité à l’adopter, malgré se
1582 , politiquement, n’est pas rentable. Il est clair que si le but principal de l’instruction publique était d’éduquer le peup
1583 ssée, les gouvernements seraient un peu plus fous qu’ on n’ose les imaginer de ne pas entreprendre sur l’heure une véritable
1584 ttrape l’époque… Mais les gouvernements savent ce qu’ ils font. Tout se tient, comme vous dites, sans doute pour m’ôter l’en
1585 e gens qui font confiance à leur sensibilité plus qu’ aux idées des autres. Or, c’est une révolte de ma sensibilité qui me d
1586 re l’École. Mes arguments ne se mettent en branle qu’ après coup. Et quand vous les démoliriez tous, ma rage n’en serait pas
1587 t les idéologies politiques, et peu m’importerait que l’École soit une machine à fabriquer de la démocratie — si je ne sent
1588 enture des valeurs d’âme auxquelles je tiens plus qu’ à tout. Ma haine de la démocratie est l’aboutissement de l’évolution d
1589 arche nécessaire11. On ne manquera pas d’insinuer qu’ à l’origine de tout ceci il y a surtout de la nervosité, de petites do
1590 je participais de l’écœurant optimisme bourgeois que je m’accommodais d’un régime nocif pour tout ce qu’il y a d’authentiq
1591 e je m’accommodais d’un régime nocif pour tout ce qu’ il y a d’authentiquement noble en chaque homme. Si les fils du peuple
1592 du peuple souffrent moins d’un tel régime, c’est qu’ ils n’ont pas d’eux-mêmes une connaissance aussi sensible. Ils ignoren
1593 une connaissance aussi sensible. Ils ignorent ce qu’ étiolent en eux les droits de l’homme. Mais attendez, si quelques-uns
1594 cle printanière. Il n’y a de révolution véritable que de la sensibilité. (Le jour où l’on culbutera ces Messieurs de leurs
1595 p de gens mourront sans avoir jamais soupçonné ce que cela représente. 10. Voir note A à la fin du cahier. 11. Est-il bes
1596 hier. 11. Est-il besoin de déclarer formellement qu’ une telle attitude n’est en aucune façon tributaire de l’idéologie réa
1597 aire de l’idéologie réactionnaire à la mode. Mais que deux critiques de la Démocratie partant de points de vue presque oppo
93 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 6. La trahison de l’instruction publique
1598 crime contre la civilisation. Elle ne croit plus qu’ au péché contre les lois sociales, eh bien ! elle apprendra que le seu
1599 ontre les lois sociales, eh bien ! elle apprendra que le seul péché qui n’a pas de pardon c’est le péché contre l’Esprit. A
1600 ardon c’est le péché contre l’Esprit. Aujourd’hui qu’ il suffit d’un peu de bon sens et d’information pour jouer au prophète
1601 tion. Le culte des valeurs désintéressées ne peut que diminuer le « rendement » quantitatif de ceux qui s’y livrent. Je ne
1602 extrême modération. Ceci fait, constatez avec moi que la famille était encore un milieu naturel, donc normatif. Le collège
1603 est un milieu antinaturel, et les normes sociales qu’ on prétend y substituer à celles de la famille sont falsifiées. Non se
1604 son —, mais encore elle tend à développer tout ce qu’ il y a de spécifiquement malfaisant dans l’esprit moderne. C’est sa fa
1605 ! On parle sans cesse de ses besoins. Il est vrai qu’ elle est anormalement insatiable… Je crois qu’elle a surtout besoin d’
1606 rai qu’elle est anormalement insatiable… Je crois qu’ elle a surtout besoin d’une purge violente qui chasse ce ver solitaire
1607 aire du matérialisme. Et quand on m’aura démontré que les besoins de l’époque exigent une organisation à outrance du monde,
1608 ne organisation à outrance du monde, je répondrai que dans la mesure où cette exigence est satisfaite naît un nouveau besoi
1609 , des esclaves du mot. Il est clair, par exemple, que seules les victimes de l’instruction helvétique sont capables d’absor
1610 nt de travaux forcés. L’école donne à l’enfant ce qu’ il faut pour se résigner à l’état de citoyen bagnard auquel il est pro
1611 illerie d’ennui, c’est-à-dire de démoralisation —  qu’ on se le dise ! —, puissance de crétinisation lente, standardisation d
1612 relles (je ne fais le procès de la bêtise humaine qu’ en tant qu’elle est cultivée par l’État), l’École, après avoir entraîn
1613 l’y enferme et l’y laisse crever de faim. Par ce qu’ elle enseigne à ignorer bien plus que par ce qu’elle enseigne à connaî
1614 faim. Par ce qu’elle enseigne à ignorer bien plus que par ce qu’elle enseigne à connaître, elle constitue la plus grande fo
1615 e qu’elle enseigne à ignorer bien plus que par ce qu’ elle enseigne à connaître, elle constitue la plus grande force antirel
1616 arrive trop tard. Le pasteur sème dans un terrain que l’instituteur a méthodiquement desséché.
94 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. 7. L’Instruction publique contre le progrès
1617 progrès Un beau titre. Et qui a meilleure façon que le reste, pensez-vous. Il faut avouer qu’avec ce je ne sais quoi de d
1618 e façon que le reste, pensez-vous. Il faut avouer qu’ avec ce je ne sais quoi de déclamatoire, de… journalistique, de bedonn
1619 ’est-ce pas ? J’en étais sûr. Cependant j’ai peur que mon progrès ne soit pas le vôtre, et même que sa nature ne l’entraîne
1620 eur que mon progrès ne soit pas le vôtre, et même que sa nature ne l’entraîne dans une direction tout opposée. C’est très m
1621 tout empester. Et peu à peu le public s’aperçoit que « l’instrument de progrès » n’est qu’un camouflage à l’abri duquel on
1622 s’aperçoit que « l’instrument de progrès » n’est qu’ un camouflage à l’abri duquel on distille du radicalisme intégral. On
1623 ille du radicalisme intégral. On me fera observer que beaucoup des servants de la machine sont socialistes : voilà qui ne c
1624 es questions aussi bien que les réponses. J’avoue que je trouve ça très fort : avoir obtenu un conformisme de la curiosité.
1625 btenu un conformisme de la curiosité. Il est vrai qu’ il ne fallait pas moins pour assurer la sécurité d’un régime établi da
1626 ndre de trouver bien bonne celle-ci : je prétends que l’instruction publique est une puissance conservatrice. — Pas moins !
1627 eut se conserver des siècles encore… Or si je dis que l’École est contre le progrès, c’est que le progrès consiste à dépass
1628 i je dis que l’École est contre le progrès, c’est que le progrès consiste à dépasser la Démocratie. Et cette thèse ne va pa
1629 suite, préparer le terrain pour les jeux nouveaux que l’humanité de demain ne peut manquer d’inventer. Je ne puis m’empêche
1630 dans cet amour de la destruction et de l’anarchie que les génies directeurs de ce temps ont inspiré à beaucoup d’entre nous
1631 emps ont inspiré à beaucoup d’entre nous — encore que peu l’avouent. Car détruire, déblayer, et faire des signes dans le vi
1632 tiquer le présent au nom du passé ne signifie pas que l’on désire un retour au passé. Mais la considération de régimes anci
1633 anciens peut nous amener à constater, sans plus, que notre soi-disant progrès social correspond à un recul humain. Par exe
1634 à un recul humain. Par exemple, est-ce un progrès que d’avoir remplacé les hiérarchies de tradition, avec tout le vaste arr
1635 ut le vaste arrière-fond de poésie et de grandeur que ce mot comporte — quelles qu’en soient d’ailleurs les réalisations —,
1636 ésie et de grandeur que ce mot comporte — quelles qu’ en soient d’ailleurs les réalisations —, par des hiérarchies rond-de-c
1637 ux communs. Mais il s’en faut, hélas, de beaucoup que la majorité des électeurs les considèrent comme tels. Et je ne me tie
1638 rai pas pour battu quand on m’aura fait remarquer que la plupart des intellectuels sont convertis depuis longtemps à ces id
1639 emps à ces idées antidémocratiques : il est temps qu’ elles débordent ce cercle étroit et distingué. Il y a de grands balaya
1640 ïveté non moins énorme d’esquisser ici la réponse que je lui réserve ? L’instruction publique est la forme la plus commune
1641 u la notion de démocratie, vous trouvez bien vite qu’ elle repose sur des postulats rationalistes. En vérité, démocratie et
1642 es. En vérité, démocratie et rationalisme ne sont que deux aspects, l’un politique, l’autre intellectuel, d’une même mental
1643 pée au xviiie dans l’aristocratie qui n’y voyait qu’ un jeu. Durant tout le xixe elle est descendue dans la bourgeoisie et
1644 nos utopies et les empêche de devenir autre chose que des utopies. Il s’agit donc en premier lieu de le démasquer et de le
1645 te première tâche constitue un programme si riche qu’ il est superflu d’en formuler une seconde. Laissons ce soin, à des gén
1646 l tue les existences particulières, ou bien c’est qu’ elles sont déjà mortes. Mais le temps vient où elles renaîtront à une
1647 tour de l’instinct d’intégrer la raison. Je crois que nous approchons de ce temps. Et que le véritable progrès veut qu’on s
1648 son. Je crois que nous approchons de ce temps. Et que le véritable progrès veut qu’on s’attaque à tout ce qui entrave cet a
1649 ons de ce temps. Et que le véritable progrès veut qu’ on s’attaque à tout ce qui entrave cet avènement. C’est pourquoi je ré
1650 adicale des instituteurs. On me demande encore ce que je mettrais à la place. Et parce que je ne propose rien de bien préci
1651 ulu vous voir demander à un sujet de Louis XIV ce qu’ il concevait à la place de la royauté absolue. Il eût fallu certes une
1652 , à la veille de la Révolution, soupçonnaient-ils que la république qu’ils appelaient serait livrée cent ans plus tard à pe
1653 a Révolution, soupçonnaient-ils que la république qu’ ils appelaient serait livrée cent ans plus tard à peine à la folie dém
1654 de cette similitude les possibilités formidables que nous réserve le siècle à venir, et vous commencerez à comprendre que
1655 siècle à venir, et vous commencerez à comprendre que votre scepticisme à l’endroit de la forme sociale que nous appelons s
1656 votre scepticisme à l’endroit de la forme sociale que nous appelons sans la connaître et qui s’élabore déjà secrètement, qu
1657 s la connaître et qui s’élabore déjà secrètement, que ce mépris et ce scepticisme sont d’un ridicule écrasant, sous lequel
1658 r. 12. La Raison de Spinoza ou de Descartes n’a que de lointains rapports de parenté avec ce maigre descendant nommé Rati
95 1929, Les Méfaits de l’instruction publique. Appendice. Utopie
1659 dice. Utopie Un os à la meute. (Et figurez-vous que j’ai la ferme intention de vous faire rigoler, si cela peut vous rass
1660 e nouvelle attitude de l’âme. Ceci revient à dire que seule une grande vague de l’imagination collective peut désensabler l
1661 cidental. Un nouvel état d’esprit : voilà bien ce que l’École empêche même de concevoir Elle cultive ce qu’il y a d’anti-ir
1662 l’École empêche même de concevoir Elle cultive ce qu’ il y a d’anti-irrationnel dans la nature de l’homme. Elle punit froide
1663 es seront matériellement catastrophiques pour peu que cela continue. Qu’on ne s’y trompe pas : le sens technique qui tient
1664 ement catastrophiques pour peu que cela continue. Qu’ on ne s’y trompe pas : le sens technique qui tient lieu d’imagination
1665 promet des grabuges inouïs. Il ne tient peut-être qu’ à une forte équipe d’idéalistes pratiques d’en faire sortir le beau mi
1666 lisation aux ordres de l’Esprit. Mais il faudrait que dès maintenant se constituent ces élites, et cela ne se peut que si l
1667 ant se constituent ces élites, et cela ne se peut que si les tenants de l’ordre spirituel retrouvent le courage d’être, mal
1668 ise espèce, un anarchiste embrigadé. L’anarchiste que j’aime est simplement un homme libre qui a une foi (ou un amour) et q
1669 lors !… Je vois à votre mine stupidement rassurée que vous vous dites : c’est tout à fait moi ! — Détrompez-vous. Vous ne s
1670 fait moi ! — Détrompez-vous. Vous ne savez pas ce que c’est que libre, ou consacré.) L’utopiste, c’est l’inventeur. Les sot
1671 — Détrompez-vous. Vous ne savez pas ce que c’est que libre, ou consacré.) L’utopiste, c’est l’inventeur. Les sots vont rép
1672 opiste, c’est l’inventeur. Les sots vont répétant que c’est un être qui ignore le réel. C’est justement parce qu’il le conn
1673 éel. C’est justement parce qu’il le connaît mieux qu’ eux qu’il y a vu des fissures et des possibilités nouvelles. Tenir com
1674 est justement parce qu’il le connaît mieux qu’eux qu’ il y a vu des fissures et des possibilités nouvelles. Tenir compte du
1675 s’avachirait totalement. Mais il est dans l’ordre qu’ elle beugle longuement tout en le suivant. Que faire, diront les gens
1676 dre qu’elle beugle longuement tout en le suivant. Que faire, diront les gens de bonne volonté dont mon imagination romantiq
1677 t mon imagination romantique suppose l’existence. Que faire ? Voir et penser juste d’abord. Simplement. Ensuite, soutenir c
1678 e plus dangereusement plat qui soit. (Il est plus que plat : il est creux.) Si beaucoup de personnes répondent oui, cela fi
1679 publique mène le monde, paraît-il. À ce propos : que les journalistes s’engagent désormais à ne publier plus un seul artic
1680 pour l’instruction publique. Ils peuvent dire ce qu’ ils veulent à propos de n’importe quoi, comme on sait, et ils auraient
1681 racheter bien des choses. Ce n’est rien de moins qu’ une rédemption du journalisme, ce que je propose-là. Et c’est ainsi qu
1682 ien de moins qu’une rédemption du journalisme, ce que je propose-là. Et c’est ainsi qu’on peut imaginer sans trop d’invrais
1683 journalisme, ce que je propose-là. Et c’est ainsi qu’ on peut imaginer sans trop d’invraisemblance de petites réformes. Mais
1684 té d’une réforme suffisante. C’est une révolution qu’ il faut. Alors, supprimer les écoles, raser les collèges, renvoyer les
1685 l’en empêcher. Il s’agit de lui faire comprendre que l’école est le plus gros obstacle à sa culture. Et c’est cela, prépar
1686 n imaginer ? L’école devrait donner à l’enfant ce que son entourage ne peut plus lui donner : des modèles de pensée. Un ent
1687 ances mortes. Une technique spirituelle. Et puis, qu’ il en fasse ce qu’il voudra. Les Orientaux appellent yoga cette cultur
1688 technique spirituelle. Et puis, qu’il en fasse ce qu’ il voudra. Les Orientaux appellent yoga cette culture des facultés phy
1689 résulte d’une concentration, dans quelque domaine que ce soit. Si l’Occident comprenait cette vérité élémentaire et en tira
1690 cela. Nous ne sommes pas aux Indes, je vous jure que je m’en doute. Mais l’Occidental aussi pratique son yoga à lui : tout
1691 dans le plan physique, aux exercices élémentaires que l’on exige d’un initié. Le fameux arrêt de la pensée dont on sait l’i
1692 bsolue. L’un et l’autre de ces exercices montrent que le candidat possède une énergie suffisante pour aller plus loin, — et
1693 rporel, le yoga est un drill de l’esprit. Je sais que ces deux mots sont bien dangereux et impopulaires. Tout comme ce qu’i
1694 ont bien dangereux et impopulaires. Tout comme ce qu’ ils désignent d’ailleurs. Tant mieux. Il y a beaucoup de gens qui ne p
1695 es on l’applique généralement. Ces gens-là diront que je veux militariser l’enseignement ou transformer les collèges en cou
1696 agités ; la nature par exemple. Je ne demande pas qu’ on nous enseigne le goût de la nature. Mais qu’on nous laisse le temps
1697 as qu’on nous enseigne le goût de la nature. Mais qu’ on nous laisse le temps de la regarder. De faire connaissance. Je ne s
1698 issance. Je ne sais s’il est très exagéré de dire que tout homme gagnerait à posséder une plus grande puissance intellectue
1699 out cas, c’est à cultiver ces facultés atrophiées que devrait s’employer l’école. Nous avons vu qu’elle préfère les étouffe
1700 ées que devrait s’employer l’école. Nous avons vu qu’ elle préfère les étouffer. Cependant, je ne crois pas qu’il soit bon q
1701 préfère les étouffer. Cependant, je ne crois pas qu’ il soit bon que tous progressent de la même manière. Dans un système d
1702 ouffer. Cependant, je ne crois pas qu’il soit bon que tous progressent de la même manière. Dans un système de culture spiri
1703 ient du même coup ; car sur ce plan elles ne font que traduire la diversité des besoins individuels. Méditez un peu ces tru
1704 On apprend plus d’une chose longuement contemplée que de mille aperçues au passage. Ab uno disce omnes. Une minute de conce
1705 ion intense dégage dans l’individu plus d’énergie que des heures d’exercices gémissants. De même, le bien supérieur de quel
1706 n supérieur de quelques-uns est plus utile à tous que le bien médiocre de beaucoup. La valeur vaut mieux que le nombre parc
1707 e bien médiocre de beaucoup. La valeur vaut mieux que le nombre parce qu’elle le contient en puissance. Et c’est pourquoi l
1708 ccords imitent la blancheur éclatante de l’amour… Que dirons-nous ?… Par la force des choses et de l’Esprit, l’homme sera-t
1709 sses de parlements et autres potinières ne vivent que de semblables accusations. Du moment que n’importe qui juge et contrô
1710 e vivent que de semblables accusations. Du moment que n’importe qui juge et contrôle n’importe quoi, il faut bien inventer
1711 s viennent vous dire : « Mais Monsieur, M. Machin que vous attaquez est pourtant un très brave homme, il fait partie du con
1712 tie du conseil de la paroisse, etc. » — Il semble qu’ en attaquant ses idées et leurs réalisations ont ait porté atteinte à
1713 , mais ils sont les premières victimes du système qu’ il propagent et qui les fait vivre. La question se complique dès que l
1714 sont-ils dans la même mesure conscients des fins qu’ on assigne à leur activité ? Un peu de rigueur dans la pensée empêcher
1715 ns la pensée empêcherait souvent des catastrophes que beaucoup de rigueur morale ne saurait même pas prévoir. NOTE B La cul
1716 prendraient tout leur sens et toute leur efficace que dans un système religieux. Pour quiconque a une foi et la conscience
1717 e de cette foi, il n’est d’enseignement véritable que religieux. Mais les questions confessionnelles enrayent et faussent t
1718 et philosophes : ces Messieurs n’apparaissent ici que pour impressionner le public. Je n’ai pas besoin de leurs attendus po
1719 s en effet, terrorisent à tel point les bourgeois qu’ ils n’en distinguent plus même le sens. Ils les lancent à la tête de t
1720 es pavés, ou plutôt des grenades, avec la frousse que ça ne leur éclate dans la main. 15. Cf. ce que dit Tolstoï sur cette
1721 e que ça ne leur éclate dans la main. 15. Cf. ce que dit Tolstoï sur cette haine et sur ce besoin dans ses Articles pédago
1722 rticles pédagogiques encore très actuels, du fait que l’école n’a pas bougé depuis. 16. On promet des confitures à l’enfan
1723 fant, s’il est sage. Moi je m’en moque. Je n’aime que la liberté.
96 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). Avant-propos
1724 as les enfants, d’Henri Roorda. Le premier montre que la science apprise à l’école appauvrit l’homme de tout ce que son ign
1725 ce apprise à l’école appauvrit l’homme de tout ce que son ignorance respectait, et ne lui donne à la place que des laideurs
1726 ignorance respectait, et ne lui donne à la place que des laideurs et de la prétention. L’autre, avec l’ironie tranquille d
1727 moque, décrit la stupidité de l’enseignement tel qu’ il est pratiqué dans nos collèges. Mon dessein est assez différent, mo
1728 n socialiste, qui a été établi par coup de force, que les libéraux ont admis, conformément à leurs maximes, et toléré malgr
1729 me donner ce droit bien inutile. Pourtant je sais qu’ à droite comme à gauche, ils sont plus nombreux qu’on ne le pense, ceu
1730 u’à droite comme à gauche, ils sont plus nombreux qu’ on ne le pense, ceux qui refusent d’être complices dans cet attentat à
1731 complices dans cet attentat à l’intégrité humaine qu’ est en fait l’esprit démocratique. Là-dessus, ces messieurs se lamente
1732 e forme politique. Je me contente de vitupérer ce que je vois, qui est laid. Quand la soupe est brûlée, on la renvoie, même
1733 rousse ses manches. Il s’apprête à cracher sur ce que je dirai de plus beau… Oh ! oh ! oh ! il va parler, de grâce mettez-l
1734 ici même ; mais — gain de temps — je n’aurai plus qu’ à renvoyer aux lettres A ou B, selon. A. Réponses du type : on ne peut
1735 ceux qui croient aux faits. Je leur réponds : 1° qu’ ils ne peuvent me dénier le droit de juger ces faits ; 2° qu’ils ne pe
1736 euvent me dénier le droit de juger ces faits ; 2° qu’ ils ne peuvent, en vertu même de leur scepticisme quant à la valeur ré
1737 , m’accuser de faire une critique dangereuse ; 3° que néanmoins je crois à l’efficace de certaines utopies. (Les religions,
1738 pitre 5 où je traiterai de cet aspect du problème que l’on peut appeler la question de droit. Certains, en effet, tirent to
1739 rité sans égards aux dérangements, même violents, que cela ne manque jamais de provoquer, je me propose de marquer ici la d
97 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 1. Mes prisons
1740 ttendrissent sur leurs souvenirs de classe. C’est qu’ ils les confondent avec ceux de leur enfance et les font indûment part
1741 Voyez Péguy, quand il essaie de nous faire croire qu’ « il n’y a rien au-dessus » de la tâche des instituteurs : Faire de
1742 e tapissier par le prix du mètre courant. Encore que je prenne les sentiments trop au sérieux pour faire ici du sentiment,
1743 s’emmêlent… Et c’est cela l’enfance insouciante ? Qu’ est-ce qui ressemble plus au souci quotidien des grandes personnes ? M
1744 et le monsieur qui racontait gravement des choses qu’ on ne comprend pas, la prière du soir pour qu’il fasse beau demain, Mi
1745 un peu divine, baignée d’une très vague angoisse que l’on fuyait avec des bonheurs fous dans les bras maternels, ou bien d
1746 ers… L’École, dans ce concert de souvenirs, n’est qu’ une dissonance douloureuse. 3 Deux angoisses dominent mon enfance : le
1747 chante, ce souci qui renaît chaque jour, je pense que tout cela tient trop de place dans notre enfance. À 5 ans, j’avais ap
1748 s, et naturellement, la phrase sacrée : « Il faut que tous fassent la même chose ici ! » Dans la suite, on se chargea d’ill
1749 lité. Mais pour être rentrée, ma colère n’en fut que plus malfaisante. L’école me rendit au monde, vers l’âge de 18 ans, c
1750 ètes pour nous faire comprendre avec enthousiasme que ces vérités-là n’ont aucune importance.) Quant à l’autre « évidence »
1751 aucune importance.) Quant à l’autre « évidence » que je viens de citer, je découvris un jour qu’elle contient la cause dét
1752 nce » que je viens de citer, je découvris un jour qu’ elle contient la cause déterminante de notre malaise. Il me fallut un
1753 certitudes apprises. Enfin j’ouvris, c’est-à-dire que je me posais la question : est-ce vrai que tous les hommes doivent êt
1754 à-dire que je me posais la question : est-ce vrai que tous les hommes doivent être égaux en tout ? Et la première réponse f
1755 ux en tout ? Et la première réponse fut : Il faut que ce soit vrai, pour que la démocratie prospère et étende ses conquêtes
1756 n de la règle de trois, aussi profondément certes qu’ un Voltaire le fut par les jésuites : du moins ceux-ci lui laissèrent-
1757 u’à les mettre en doute : mais un jour je compris que ce n’étaient que des principes. Et ce fut ma seconde découverte : ce
1758 doute : mais un jour je compris que ce n’étaient que des principes. Et ce fut ma seconde découverte : ce monde simplifié,
1759 acquis le respect des statistiques. Nous savions que les miracles ne trompent que les illettrés, mais qu’il convient de s’
1760 tiques. Nous savions que les miracles ne trompent que les illettrés, mais qu’il convient de s’incliner devant les miracles
1761 les miracles ne trompent que les illettrés, mais qu’ il convient de s’incliner devant les miracles de la science appliquée.
1762 ncrédulité et le bien-être matériel. Nous savions qu’ un fils d’ouvrier est l’égal d’un petit Dauphin — et même nous ne pouv
1763  et même nous ne pouvions nous empêcher de croire que le petit ouvrier est bien plus malin. Nous savions un tas de choses d
1764 sservissement de l’esprit et ces mythes stériles, que je les rendis responsables de ma perte de contact avec les réalités l
98 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 2. Description du monstre
1765 ls avaient changé ! On s’entendait d’autant mieux qu’ on était devenu plus différents. Car ces différences sont les première
1766 fraternité véritable. Mais c’est en caserne aussi que je devais retrouver les instituteurs. Ceux-là n’avaient pas bougé. Et
1767 de l’école. Rien ne ressemble plus à un bon élève qu’ un instituteur : de l’un à l’autre, il n’y a pas de solution de contin
1768 de solution de continuité, la différence n’était qu’ une question d’âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire est sa
1769 qu’une question d’âge, non d’expérience vécue. Ce que je vais dire est sans doute injuste et faux dans un très grand nombre
1770 odique des hommes et son mépris pour les paysans. Qu’ il soit officier ou troupier, on le reconnaît à une façon pédante d’êt
1771 e responsable, cela se voit de loin. Il faut dire que ce ridicule n’échappe pas à ceux qu’ils méprisent le plus, et ils aur
1772 Il faut dire que ce ridicule n’échappe pas à ceux qu’ ils méprisent le plus, et ils auraient souvent l’occasion de s’en dout
1773 inutilement. Si l’on me poussait un peu, je crois que je m’oublierais au point d’insinuer que les instituteurs galonnés cau
1774 je crois que je m’oublierais au point d’insinuer que les instituteurs galonnés causent autant de tort à l’armée que les in
1775 tuteurs galonnés causent autant de tort à l’armée que les instituteurs antimilitaristes qui signent des manifestes en mauva
1776 classe sociale, de la petite bourgeoisie. Est-ce que l’esprit petit-bourgeois qui imprègne l’enseignement primaire constit
1777 s-bourgeois. Ils sont au moins aussi sympathiques que n’importe quelle autre classe de la société. Mais l’esprit petit-bour
1778 ’esprit petit-bourgeois pris abstraitement et tel qu’ il se manifeste dans l’école primaire est un véritable virus de mesqui
1779 mesquinerie, et devrait être soigné au même titre que certaines autres maladies dites « sociales ». Je reviendrai peut-être
1780 peut-être sur ce point. Pour l’instant je ne veux que décrire l’école telle qu’on la voit. Après les personnes, le décor. L
1781 ur l’instant je ne veux que décrire l’école telle qu’ on la voit. Après les personnes, le décor. La laideur des « collèges »
1782 is scolaires » symbolise d’une façon frappante ce qu’ il y a de schématique et de monotone dans la conception démocratique d
1783 s — c’était pourtant un refuge pour l’imagination que ces initiales, ces signes, ces devises… —, les estampes piquées, Numa
1784 it années de votre vie, citoyens ! Et vous pensez que c’est un grand progrès sur la Nature. Quelle peut bien être la vertu
1785 lieu, moral et matériel ? L’école publique, telle que nous la voyons est semblable à tous ces monuments « de la mauvaise ép
1786 ni à l’utilité, et ils sont déjà démodés. On dit que le style 1880 n’en est pas un : mais l’absence de style est encore un
99 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 3. Anatomie du monstre
1787 s puisqu’elles me sont absolument personnelles et qu’ elles ont la valeur d’un témoignage, ni plus ni moins — il est temps q
1788 d’un témoignage, ni plus ni moins — il est temps que je fasse passer un petit examen aux principes de cette institution pa
1789 aveuglante : cela tient pour une bonne part à ce que ces personnes ont les yeux faibles. Il serait plus juste de dire que
1790 nt les yeux faibles. Il serait plus juste de dire que la passion n’a qu’une clairvoyance intéressée : mais celle-là est la
1791 . Il serait plus juste de dire que la passion n’a qu’ une clairvoyance intéressée : mais celle-là est la plus vive. Enfin, j
1792 à est la plus vive. Enfin, je tiens à reconnaître qu’ ici je ne cherche point l’équité. Pas plus que vous, qui défendez de p
1793 Pas plus que vous, qui défendez de parti pris ce que j’attaque. L’esprit d’équité, avec son préjugé pacifiste n’est pas to
1794 sur les bras. L’écheveau est tellement embrouillé que déjà plusieurs proposent de trancher le nœud. Je me bornerai à l’exam
1795 les plus généraux de l’instruction publique, ceux que n’atteignent dans leur principe ni les réformes de détail ni les moda
1796 cessaire à tout citoyen, dans une vue aussi large que simplifiée. Remarquons qu’il suffit pour établir ce programme de disp
1797 ns une vue aussi large que simplifiée. Remarquons qu’ il suffit pour établir ce programme de disposer d’une ou deux feuilles
1798 ces dont on écrit le nom dans les casiers. Est-ce que l’étude du trapézoïde est particulièrement indiquée pour préparer les
1799 seuse et saugrenue, — naïve. Le bon sens voudrait que l’on tînt compte des possibilités d’adaptation de l’enfant ; de la va
1800  ; enfin des rythmes naturels de l’esprit humain, qu’ il se trouve que le Créateur n’a point accordés à l’actuelle division
1801 hmes naturels de l’esprit humain, qu’il se trouve que le Créateur n’a point accordés à l’actuelle division horaire des jour
1802 ionnaires responsables, vous savez par expérience que nous ne comprenons pas la plaisanterie et que notre temps est précieu
1803 nce que nous ne comprenons pas la plaisanterie et que notre temps est précieux. D’ailleurs, les enfants ne se plaignent pas
1804 en principe des « contrôles » comparables à ceux que l’on établit lors des grandes épreuves cyclistes. Les participants du
1805 « fournies » par le prévenu (l’élève examiné) n’a qu’ un lointain rapport avec la qualité et la quantité des efforts « fourn
1806 hologie de l’enfant dont je disais tout à l’heure que la connaissance n’est pas exigée de ceux qui établissent les programm
1807 calibre, car à la vérité ce n’est pas d’enseigner qu’ il s’agit, mais de soumettre les esprits au contrôle de l’État, voyons
1808 dans le même temps. Contentons-nous de remarquer que ce principe est à la base du système ; qui repose donc sur une tranqu
1809 ises de cette épaisseur, mais il faut reconnaître que jamais on n’avait songé à leur donner une extension universelle et un
1810 e et un caractère obligatoire. L’école exige donc que les meilleurs ralentissent et que les plus faibles se forcent. Elle n
1811 cole exige donc que les meilleurs ralentissent et que les plus faibles se forcent. Elle ne convient donc qu’aux médiocres,
1812 es plus faibles se forcent. Elle ne convient donc qu’ aux médiocres, dont elle assure le triomphe. L’école s’attaque impitoy
1813 Mais ils se fâchent tout rouge quand on leur dit que la Suisse est caractérisée, aux yeux de l’étranger impartial, par sa
1814 ltats actuels d’une science. Le bon sens voudrait qu’ on étudie d’abord la science dans sa réalité, puis qu’on se réfère au
1815 n étudie d’abord la science dans sa réalité, puis qu’ on se réfère au résumé comme à un aide-mémoire. Mais l’école veut qu’o
1816 résumé comme à un aide-mémoire. Mais l’école veut qu’ on commence par apprendre le résumé. D’ailleurs elle s’arrête là. Les
1817 ent. Or la valeur éducative des choses n’apparaît qu’ à celui qui entre en commerce intime avec elles. On apprend plus de de
1818 mmerce intime avec elles. On apprend plus de deux que de mille, dit un sage oriental dont j’ai oublié le nom. Une autre con
1819 ié le nom. Une autre conséquence du gavage, c’est qu’ on ne peut laisser aux élèves le temps qu’il faut pour assimiler ce qu
1820 , c’est qu’on ne peut laisser aux élèves le temps qu’ il faut pour assimiler ce qu’ils apprennent. Ils sont forcés de gâcher
1821 aux élèves le temps qu’il faut pour assimiler ce qu’ ils apprennent. Ils sont forcés de gâcher leur travail. Or ce travail
1822 forcés de gâcher leur travail. Or ce travail n’a qu’ une valeur éducatrice : s’il n’est pas modèle, il est absurde. Mais où
1823 absurde. Mais où sont à l’école les modèles de ce qu’ on nommait autrefois la belle ouvrage ? On va supprimer les leçons de
1824 calligraphie. 3.e. La discipline On conçoit que la réalisation d’un programme entièrement contre nature exige une dis
1825 t muets 6 heures par jour durant 8 ans. Il paraît que cela facilite le travail du maître. Il se peut. Tout dépend de ce qu’
1826 travail du maître. Il se peut. Tout dépend de ce qu’ on attend de ce travail. Je doute qu’il soit de nature à légitimer l’é
1827 dépend de ce qu’on attend de ce travail. Je doute qu’ il soit de nature à légitimer l’énormité de l’effort qu’on demande à c
1828 soit de nature à légitimer l’énormité de l’effort qu’ on demande à ces petits. Là encore, il y a une exagération absurde, un
1829 ne généralisation si schématique et superficielle que la discipline perd tout son sens éducatif et n’est plus qu’une entrav
1830 cipline perd tout son sens éducatif et n’est plus qu’ une entrave énervante, un système de vexations mesquines, propres à ét
1831 ne école de Démocratie. Ils insistent sur le fait que les leçons d’instruction civique sont insuffisantes pour former le pe
1832 uffisantes pour former le petit citoyen : il faut que l’enseignement tout entier soit occasion de développer les vertus soc
1833 ucun état social existant. Ce qui est vrai, c’est que le fait, absolument nouveau dans l’Histoire, que l’on oblige les enfa
1834 que le fait, absolument nouveau dans l’Histoire, que l’on oblige les enfants à vivre ensemble dès l’âge de 5 ans, favorise
1835 arisme. La culture de l’esprit démocratique telle qu’ elle est comprise par les instituteurs — et elle ne peut être comprise
1836 onsiste à persécuter ceux qui, en quelque manière que ce soit, voudraient se « distinguer ». (Le mépris que notre peuple me
1837 ce soit, voudraient se « distinguer ». (Le mépris que notre peuple met dans cette expression !) Pour moi, ce que je retire
1838 peuple met dans cette expression !) Pour moi, ce que je retire de plus évident de mon expérience scolaire, c’est une gross
1839 mon expérience scolaire, c’est une grosse vérité que le bon sens m’eût par ailleurs fait voir : il n’y a pas d’égalité rée
1840 oir : il n’y a pas d’égalité réelle possible tant que la loi est la même pour tous. Je ne parle pas des manuels d’histoire,
1841 uels d’histoire, dont il est aujourd’hui démontré qu’ ils donnent une image mensongère de l’ancienne Suisse, à l’usage du pe
1842 3.g. L’idéal du bon élève Le bon sens voudrait que le bon élève soit celui qui sait utiliser pour son profit humain la p
1843 n la petite somme de connaissances indispensables qu’ on lui donne à l’école. (Cet argent de poche, ni plus ni moins). Ou en
1844 t argent de poche, ni plus ni moins). Ou encore : que le bon élève soit celui qui supporte le mieux le traitement scolaire 
1845 il est même tout contraire. On ne peut pas exiger qu’ il soit tout de noblesse, de vertu et de grandeur. Mais on peut s’éton
1846 tu et de grandeur. Mais on peut s’étonner de voir qu’ il n’est que ridicule et mesquinerie. Il y a là une préméditation de m
1847 ndeur. Mais on peut s’étonner de voir qu’il n’est que ridicule et mesquinerie. Il y a là une préméditation de médiocrité qu
1848 inerie. Il y a là une préméditation de médiocrité que je ne puis m’empêcher de trouver suspecte. Le bon élève est celui qu
1849 e des petits morceaux de vouate. » Il est évident que Sylvie est supérieure à Victoria dans la mesure où l’invention est su
1850 élève est aussi l’élève discipliné. L’école veut que partout la valeur cède le pas à la règle. Elle cherche à développer c
1851 les ou d’impuissants, qui d’ailleurs ne peut être qu’ à l’avantage des gens en place, vieille histoire. On m’objectera sans
1852 ion d’un grand nombre de régents, ne laissent pas que d’être assez spéciales. Il arrive en effet que nos petits futurs gran
1853 as que d’être assez spéciales. Il arrive en effet que nos petits futurs grands citoyens ayant accompli de « fortes études p
1854 uie quoique énergique d’un de ces coqs de village qu’ on vient de jucher sur la flèche de l’édifice administratif. Et c’est
1855 classes d’un collège ont été frappés de constater que la force et l’originalité de leur jugement sont en raison inverse du
1856 inverse du nombre d’années d’instruction publique qu’ ils ont subies. 3.h. Le dilemme J’ai indiqué que les principes d
1857 ls ont subies. 3.h. Le dilemme J’ai indiqué que les principes de l’instruction publique ne coïncident qu’accidentelle
1858 principes de l’instruction publique ne coïncident qu’ accidentellement avec ceux du bon sens. Je m’en tiendrai là, renonçant
1859 our cette fois à démontrer, ce qui serait facile, qu’ ils constituent une inversion méthodique de toutes les lois divines et
1860 ment du peuple. D’autre part, il est aisé de voir que tous ces principes dérivent nécessairement du fait que l’école est pu
1861 ous ces principes dérivent nécessairement du fait que l’école est publique, obligatoire, et soumise au contrôle de l’État.
1862 lement les meilleurs qui sont sacrifiés. Voici ce que M. E. Duvillard dit des enfants peu doués pour les disciplines scolai
100 1929, Les Méfaits de l’instruction publique (1972). 4. L’illusion réformiste
1863 principe de l’instruction publique. Les réformes qu’ ils ont proposées jusqu’ici sont en général judicieuses, dictées par l
1864 édantisme inhérent à toute science. On a constaté que l’école actuelle est fondée sur une remarquable ignorance de la psych
1865 a voulu apporter de la science. Mais c’est un art qu’ il faudrait. Sinon l’on retombera dans des absurdités. On a créé par
1866 conception du pratique prévaut, il est à craindre que l’école nouvelle n’apporte bientôt sa méthode rationnelle pour appren
1867 dira : je lève la main, — au lieu de demander ce qu’ on croit. Tout porte à craindre qu’à la faveur du tumulte l’un ou l’au
1868 de demander ce qu’on croit. Tout porte à craindre qu’ à la faveur du tumulte l’un ou l’autre proclamant : je sors ! ne tradu
1869 rcice ; car il ne manque à ce système, avouez-le, que juste la spontanéité nécessaire pour que ça ne soit pas une lourde fa
1870 issant la possibilité de trouver par eux-mêmes ce qu’ ils doivent apprendre. Mais qu’est-ce qu’une liberté méthodiquement or
1871 r par eux-mêmes ce qu’ils doivent apprendre. Mais qu’ est-ce qu’une liberté méthodiquement organisée ? En réalité, cet amuse
1872 mêmes ce qu’ils doivent apprendre. Mais qu’est-ce qu’ une liberté méthodiquement organisée ? En réalité, cet amusement a pou
1873 ose plus de résultats, on les fait trouver. Notez que cela revient au même, sauf que par la méthode nouvelle, on atteint un
1874 ait trouver. Notez que cela revient au même, sauf que par la méthode nouvelle, on atteint un enfant plus profondément, on s
1875 la formule d’une tromperie subtile et plus grave que la brutalité primaire, parce qu’elle n’excite pas de réaction vive de
1876 ive de la part des écoliers. Enfin, je n’aime pas qu’ on traite le gosse comme un organisme dont il s’agit d’obtenir le rend
1877 ans… Mettez ensemble trois enfants… Je reconnais que les buts de l’école nouvelle sont honnêtement scientifiques, et désin
1878 oi, je voudrais l’enfant tout court. Or il paraît que c’est très dangereux. Néanmoins, je soupçonne dans tous ces mouvement
1879 n un jour l’atteindre au cœur, et je vois tout ce que cela entraînerait, dans une ruine d’où renaîtrait peut-être l’humanit
1880 t de leur faire remarquer d’autant plus librement qu’ ils trahissent le destin profond de l’instruction publique, qu’ils tra
1881 sent le destin profond de l’instruction publique, qu’ ils trahissent leur mission officielle. Ils éduquent de futurs anarchi
1882 éduquent de futurs anarchistes 8, bravo ! Mais ce qu’ on leur avait confié, c’était la fabrication en série de petits démocr
1883 its démocrates conscients et organisés. Je crains que ce malentendu ne soit décidément trop gros pour échapper plus longtem
1884 Je le crains, dis-je ; car le monde ne progresse qu’ à la faveur de malentendus (si tant est qu’il progresse.) L’école nouv
1885 gresse qu’à la faveur de malentendus (si tant est qu’ il progresse.) L’école nouvelle n’échappe à l’absurdité primaire qu’à
1886 L’école nouvelle n’échappe à l’absurdité primaire qu’ à la faveur d’une équivoque. Cette équivoque frappe tout essai de réfo
1887 ue. Cette équivoque frappe tout essai de réforme. Qu’ il y ait là cependant une possibilité pratique d’en sortir, je ne le n
1888 e vue de la vérité, force nous est de reconnaître que notre dilemme subsiste dans son intégrité et son urgence. 7. Ou des
1889 en tiennent lieu. 8. Voir à l’appendice le sens que je donne à ce mot, p. 57.