(1959) Les Origines de l’Europe : d’Hésiode à Charlemagne ou du mythe à l’histoire « Introduction » pp. 1-2

Introduction

D’où vient le nom ?

Quel est son sens ?

Depuis quand parle-t-on de l’Europe ? (Serait-ce seulement depuis Victor Hugo et Mazzini ? Ou depuis Coudenhove et Briand ? Voire depuis le congrès de La Haye, au mois de mai 1948 ?)

Nous avons cherché la réponse ou plutôt les réponses à ces questions, en remontant le cours des siècles.

Paul Valéry, Proudhon et Saint-Simon, Voltaire, Leibniz, Sully, Pie II, Dante… Et l’on s’arrête, en général, à Pierre Dubois, juriste de Philippe le Bel, premier auteur d’un plan d’union de nos États, au début du xive siècle.

Nous avons décidé d’aller beaucoup plus haut.

Quelques mois de travail nous ont conduits vers des confins étranges et des temps fabuleux.

Le premier qui ait écrit le nom d’Europe, c’est Hésiode : au viiie siècle avant notre ère. Et le premier qui l’ait décrite en la comparant à l’Asie, c’est Hippocrate. Mais la première mention de l’Europe comme unité, et des « Européens » qui la défendent, ne remonte qu’au viiie siècle de notre ère, après la bataille de Poitiers, qui eut lieu en 732. L’Empire carolingien marque un sommet de la conscience d’une Europe unie, puis on redescend vers des guerres et des querelles d’investitures : notre enquête se termine au xie siècle.

C’est le procès-verbal d’une recherche étonnée que nous livrons aujourd’hui aux lecteurs de ce bulletin , — avec l’espoir qu’ils partageront nos étonnements.

Deux auteurs, entre cent consultés, nous ont servi de guides en des régions qu’ils sont seuls de nos jours à connaître aussi bien, du point de vue qui intéresse notre enquête.

Gonzague de Reynold, par le premier tome de sa très belle histoire de la Formation de l’Europe, et par une série de lettres généreuses en suggestions précises et pittoresques, nous a révélé les géographes et mythographes antiques. Nous souhaitons aux lecteurs de nos pages trop brèves, qui auront envie d’en savoir davantage, le plaisir de se reporter à l’œuvre décisive du grand historien suisse.

Jürgen Fischer, le jeune auteur allemand d’une enquête exhaustive sur les concepts d’Europe, d’Orient et d’Occident, de la fin de l’Antiquité au xie siècle, nous a servi de source principale pour la période carolingienne et pour les siècles qui la préparent et qui la suivent immédiatement.

L’essai de synthèse que nous présentons aujourd’hui ne prétend pas à l’originalité. Il ne visait, quand il fut entrepris, qu’à introduire une anthologie de textes sur l’Europe, des origines à nos jours. Chemin faisant, le commentaire a débordé la pure et simple citation : celle-ci se voit parfois réduite à quelques mots mais qu’il importait de situer dans une évolution des concepts et des sens hors de laquelle ces mots perdraient leur vraie valeur et parfois leur pouvoir d’émotion.

L’anthologie où l’on retrouvera ces textes est en cours d’élaboration. Elle paraîtra sans doute à la fin de cette année, par les soins d’un groupe d’éditeurs représentant huit de nos langues, qui se sont associés sous les auspices du Centre en vue de publier tous ensemble une série d’ouvrages sur l’Europe.

D. R.