Réponses à des questions de Marcel Proust et de Michel Moret (1983)q
Qui auriez-vous aimé être ?
Moi, mais pleinement réalisé.
Le principal trait de votre caractère ?
L’alternance admiration-indignation, moteur de tous mes écrits.
La qualité préférée chez vos semblables ?
La capacité d’amitié.
Croyez-vous au hasard ?
Oui, quand il fait bien les choses.
Croyez-vous, comme Rousseau, que l’homme naît bon et que la société▶ le rend mauvais ?
L’homme naît orienté par ses gènes et par son milieu. La ◀société est le résultat global des réussites et des échecs de ses efforts pour se rendre meilleur, ou plus puissant, ou plus libre, c’est-à-dire plus fidèle aux ordres de sa vocation unique.
Pensez-vous que l’homme soit capable de progrès moral ?
Je ne sais. Je le souhaite. C’est le vrai sens de toute vie.
Estimez-vous que, dans le monde, les libertés individuelles sont en progression ?
Personne ne dispose des moyens de répondre à cette question.
Si le Christ revenait sur terre et plus précisément en Suisse, pensez-vous que notre justice le condamnerait ?
Oui, comme objecteur de conscience (« Présenter l’autre joue », non-violence absolue).
La plus noble conquête de l’homme ?
Sa liberté, c’est-à-dire le pouvoir qu’il prend non sur autrui mais sur soi-même.
La réforme que vous admirez le plus ?
La christianisation jamais achevée des Églises chrétiennes, de Luther et Calvin à Vatican II : même combat !
La réforme qui vous causerait le plus grand plaisir ?
Celle des concepts occidentaux de travail et de loisir, finalement le passage du fric au troc.
Votre personnage historique préféré ?
Je dirais Guillaume Tell, s’il était « historique ».
Vos musiciens préférés ?
Monteverdi, Bach, Mozart et Arthur Honegger.
Vos écrivains préférés ?
Isaïe mais aussi Eschyle, Béroul et Bernard de Ventadour. Pascal mais aussi Voltaire. Goethe mais aussi Hölderlin. Kierkegaard mais aussi Rimbaud. Puis : Valéry, Rilke, Léon-Paul Fargue, Claudel, T. S. Eliot et Saint-John Perse.
Le don de la nature que vous aimeriez avoir ?
Une santé qui puisse résister à pas mal d’excès.