Genève, exemple européen ? (10-11 novembre 1973)ae
On connaît le problème : Genève, ville internationale, manque d’hinterland, et les zones voisines voient leurs relations d’échanges avec elle brimées, ralenties, pénalisées ou bloquées par un cordon douanier qui ne sert à rien ni à personne, mais qui symbolise la « souveraineté » (d’ailleurs de plus en plus fictive) des États.
Or, tous les problèmes concrets qui se posent dans cette région▶ appellent des solutions transfrontalières. Et chaque problème définit une ◀région▶ différente en termes de territoire.
Il y a autour de Genève une ◀région▶ de main-d’œuvre définie par le mouvement pendulaire des travailleurs français : vingt-trois-mille environ, à cette date, viennent chaque matin à Genève, et rentrent le soir en France. Cette ◀région▶ s’étend dans un rayon d’une quarantaine de kilomètres autour de la ville.
Il y a, autour du Léman, une ◀région▶ écologique définie par la pollution du lac (affluents, usines, riverains), l’aérodrome de Cointrin, la centrale nucléaire (projetée) de Verbois. Sa superficie déborde très largement celle de la ◀région▶ de main-d’œuvre.
Il y a une ◀région▶ définie par les échanges de biens industriels, commerciaux, et de services, dont l’aire ne recouvre ni celle de la ◀région▶ de main-d’œuvre, ni celle de la ◀région▶ écologique.
Il y a enfin une ◀région universitaire, qui va de Neuchâtel à Saint-Étienne et d’Aoste à Besançon, en passant par Fribourg et Lausanne, Grenoble, Lyon et Genève au centre. Elle comprend seize établissements d’enseignement supérieur, densité tout à fait exceptionnelle, entre lesquels des liens spéciaux pourraient s’instituer.
Il ne s’agit pas de créer, autour de Genève — et encore moins de Lyon — une sorte de mini-État-nation nouveau, qui ajouterait aux défauts de la centralisation ceux des trop petites dimensions économiques. Il s’agit simplement de résoudre les principaux problèmes de notre vie moderne selon leur « mérite », c’est-à-dire leur nature et leur contenu, sans plus se laisser paralyser par la fiction, décidément indéfendable à tous points de vue, des frontières nationales héritées d’autres âges.